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analyse La tentative d’assassinat de Marwan Hamadé fait entrer le pays dans une nouvelle ère Le Liban, de nouveau poste restante du courrier terroriste ?

Le Liban est-il entré dans une période de turbulences dont nul ne peut prévoir l’issue ? L’horrible tentative d’assassinat du député et ancien ministre Marwan Hamadé, homme de dialogue et d’ouverture s’il en est, semble l’indiquer, ramenant les aiguilles de la montre près de quatorze ans en arrière, lors de l’adoption de l’accord de Taëf. À cette époque-là, et quelles que soient les réserves que l’on peut avoir sur les dispositions de cet accord, notamment dans son volet interne, il avait clairement sorti le Liban de l’ère de la violence, grâce à un délicat consensus régionalo-international. Après avoir longtemps été la scène privilégiée des luttes régionales et internationales, via des parties directement ou indirectement impliquées dans des courants étrangers, le Liban était brusquement devenu un havre de sécurité, à partir de 1990, d’autant plus étonnant que dans la région, le feu continuait de brûler. Mais voilà qu’aujourd’hui, les « dieux de Taëf » ne semblent plus vouloir veiller sur le Liban. Des lectures multiples, mais aucune certitude Le miracle d’hier, c’est que l’ancien ministre Marwan Hamadé, proche du leader de l’opposition, Walid Joumblatt, a échappé à la mort. Car, sans même attendre les résultats de l’enquête judiciaire, il semble certain que le but de l’attentat n’était pas d’envoyer un simple message d’avertissement, mais de tuer un homme unanimement respecté, dans le but d’envenimer le climat interne et d’approfondir le fossé entre les Libanais. De faire régner le chaos, pour reprendre une formule rendue tristement célèbre pendant les épisodes sanglants de la guerre libanaise. Sans oser le déclarer ouvertement, une partie des Libanais fait d’ailleurs le lien entre cet attentat et l’assassinat de Kamal Joumblatt, en 1977. Mais d’autres Libanais font, eux, une tout autre lecture. Pour eux, le but de l’attentat est justement de provoquer un tel sentiment, pour accentuer le clivage entre les Libanais et refaire du Liban la scène privilégiée de la lutte entre les divers courants régionaux et internationaux, toutes les factions réutilisant alors la scène libanaise comme elles l’ont fait pendant des années, qu’il s’agisse des services de renseignements israéliens, arabes ou autres. Certaines sources sécuritaires font un rapprochement entre cet attentat et un autre qui a eu pour victime le résistant Ghaleb Awali en juillet dernier. Là aussi, la charge explosive était posée dans une voiture, parquée devant le domicile de la victime. Mais si pour Awali, l’implication israélienne ne faisait aucun doute, l’attentat s’inscrivant dans le cadre de la lutte ouverte et sanglante entre le Hezbollah et Israël, hier, personne ne voulait s’aventurer à lancer des accusations, avant d’attendre la fin de l’enquête judiciaire. Une tentative qui vise le cœur de l’entente L’heure est en effet trop grave et la tentative d’assassinat vise le cœur de l’entente interne libanaise, remettant en cause les règles du jeu en vigueur depuis près de quatorze ans. Avec une scène ouverte à tous les vents, il faut attendre la clôture de l’enquête pour avoir des pistes sérieuses, sinon, toutes les interprétations sont possibles : de l’attentat lié aux divisions internes à la version islamiste, après les événements de Majdel Anjar, à la thèse israélienne, en passant par toutes les autres. Certains vont même jusqu’à faire un parallèle entre l’attentat contre Marwan Hamadé et l’assassinat du membre du Hamas, Ezzeddine Cheikh Khalil, près de Damas, il y a quelques jours. Car, désormais, c’est toute la région qui est en ébullition, avec une volonté israélienne claire de modifier les priorités régionales pour qu’elles restent conformes à son propre calendrier, c’est-à-dire saboter la trêve négociée par le président égyptien avec les factions palestiniennes, dont le Hamas avec, pour la première fois, l’approbation officielle de la Syrie, arrêter l’ébauche de dialogue entre les Américains et les Syriens et refaire de la sécurité dans la région le principal enjeu de tous les contacts actuels. Il ne faut pas non plus oublier que cet attentat a eu lieu le jour même de la publication du rapport du secrétaire général des Nations unies, condamnant notamment la Syrie pour son manque de coopération, au sujet de l’application de la résolution 1559 du Conseil de sécurité. Il s’est surtout déroulé après une multitude d’incidents sécuritaires qui ont secoué le pays, du sud – qui a été le théâtre de rixes entre des éléments d’Amal et d’autres du Hezbollah – jusqu’à Bourj Hammoud, où les travailleurs syriens ont manifesté assez violemment, en passant par Aïn el-Héloué, foyer permanent des tensions, et enfin jusqu’à Majdel Anjar et la route internationale de Masnaa. Dans ce climat de tension extrême au Liban, où les instincts semblent prendre le dessus sur la voix de la raison, la situation tout entière semble bouleversée, avec des paramètres nouveaux et dangereux. Le Liban a payé une lourde facture pour aboutir au fragile équilibre régional et international de Taëf. Cet équilibre est-il désormais remis en question ? Sommes-nous à la veille d’une nouvelle ère, post-« paix civile » ? Hier, malgré les appels au calme et à la sagesse dont ont fait preuve tous les responsables dans leur réaction à la suite de l’attentat manqué, toutes les inquiétudes étaient permises. Scarlett HADDAD
Le Liban est-il entré dans une période de turbulences dont nul ne peut prévoir l’issue ? L’horrible tentative d’assassinat du député et ancien ministre Marwan Hamadé, homme de dialogue et d’ouverture s’il en est, semble l’indiquer, ramenant les aiguilles de la montre près de quatorze ans en arrière, lors de l’adoption de l’accord de Taëf. À cette époque-là,...