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Actualités - CHRONOLOGIE

Des achats à petite dose, des uniformes réduits à leur plus simple expression, des livres usagés... Pour limiter les frais, les parents se montrent sélectifs (photo)

Septembre, octobre, deux mois bien difficiles pour les parents qui souffrent de la crise économique. Deux mois synonymes de rentrée scolaire, d’achats, de préparatifs, de neuf, mais aussi d’usagé. Bref de dépenses qu’il faut savamment calculer. Car il faut bien faire avec la crise économique, quitte à faire un tri, et non des moindres, dans la panoplie d’équipements et de fournitures tant convoités par l’enfant. Septembre, la rentrée scolaire a déjà eu lieu pour les cinq enfants de Nayla qui fréquentent un collège prestigieux de la banlieue de Beyrouth. « Rien que les livres scolaires et les uniformes représentent des dépenses énormes durant le mois », raconte cette épouse de médecin, issue d’une des grandes familles de la capitale. Nayla a d’abord paré au plus pressé et acheté des manuels scolaires neufs que ses enfants utiliseront, les uns après les autres, au fil des années. Elle n’a d’ailleurs acheté que les manuels que ses enfants n’ont pas hérités de leurs frères et sœurs. « Des livres achetés en euros et qui renchérissent chaque année », déplore-t-elle. Pour compenser le budget consacré aux livres, jugé énorme par cette mère de famille, les autres dépenses sont calculées et réduites à leur plus simple expression. En effet, pas question pour elle de faire des excès au niveau de l’uniforme et des fournitures scolaires. Elle achète le strict minimum, juste ce dont ses enfants ont besoin pour démarrer l’année scolaire. Les pulls d’hiver attendront, les cartables ne seront pas renouvelés cette année. « Dans le temps, je leur achetais systématiquement du matériel neuf, même si l’ancien n’était pas trop abîmé », raconte-t-elle avec nostalgie. Mais ces temps semblent révolus pour Nayla qui doit se résoudre à freiner toute dépense ne concernant pas la rentrée scolaire et cesser toute forme de vie sociale en cette période de l’année pour que ses enfants rentrent à l’école dans les meilleures conditions possibles. Des manuels achetés petit à petit Cette famille, même si elle doit quelque peu se serrer la ceinture en période de rentrée scolaire, apparaît privilégiée comparée à d’autres qui vivent la rentrée scolaire comme une véritable torture. Une torture de ne pouvoir assurer à leurs enfants le matériel nécessaire, de les priver même de certaines choses. Une torture de devoir se résoudre parfois à les changer d’école pour les inscrire dans une école bien moins chère. Pour garder leur fille unique de 6 ans à l’école privée, Sana et son époux, habitant un village du Metn, se saignent à blanc. Le 15 septembre, bien avant la rentrée, il leur a fallu s’acquitter du premier versement de la scolarité qui s’élève à près de la moitié de la scolarité annuelle. Un montant global que Sana juge très élevé, notamment au niveau des frais de fournitures et d’informatique. « Je n’arrive pas à payer cette somme d’une traite, explique Sana, je la paie par tempéraments, car parallèlement, je dois équiper ma fille pour la rentrée scolaire. » En effet, il faut encore faire le compte des manuels scolaires, du cartable et de l’uniforme de leur fillette. Achats effectués petit à petit, en fonction du budget dont Sana dispose. « J’envisageais d’acheter à ma fille des manuels usagés, mais je n’en ai trouvé aucun, déplore-t-elle. Je n’ai même pas pu vendre ses anciens manuels. » Sana a déjà déboursé 100 dollars rien que pour une partie des livres. Quant à l’uniforme scolaire, sa fillette devra se contenter d’une seule chemise, d’une chasuble et d’un pantalon, d’une valeur totale de 68000 LL. Elle utilisera ses vêtements de sport achetés l’année dernière et devra attendre un ou deux mois pour avoir son pullover. Dans ce foyer où seul le mari travaille, on se prive de tout pour permettre à son enfant de fréquenter l’école privée : pas d’aide ménagère, pas de coiffeur ou de produits de beauté, pas de budget habillement, de journaux, de livres ou de sorties. Seule la fillette aura droit à quelques livres achetés dans les expositions, ainsi qu’à un abonnement à la bibliothèque du quartier. Une école moins chère, mais de moindre niveau Nathalie, elle, n’a pas eu la possibilité de garder ses trois enfants à l’école privée qu’ils ont jusque-là fréquentée. « Une école de très bon niveau, dans la région de Jounieh, où les élèves, généralement issus d’un milieu social privilégié, n’étaient pas plus de 25 par classe », dit-elle, une pointe de regret dans la voix. Mais une école qui lui coûtait, pour ses trois enfants, la coquette somme de 8 500 dollars par an, sans compter les transports, les repas, les manuels scolaires, les uniformes et les activités. « Ce n’était pas du snobisme de ma part, dit-elle, mais quand on a soi-même reçu une bonne éducation, on voudrait tant donner le meilleur à ses enfants. » Les circonstances en ont décidé autrement. Mère au foyer, ne pouvant se permettre une aide ménagère vu le salaire très limité de son époux, Nathalie n’arrive toujours pas à trouver un travail qui lui permette à la fois d’aider son mari, tout en s’occupant de son foyer et de ses enfants. Durant les années précédentes, elle n’a pas eu la possibilité d’assumer la scolarité de ses enfants. Elle a dû se résoudre alors, depuis un an déjà, à les inscrire dans une école semi-privée, dont la scolarité pour les trois enfants ne dépasse pas les 2 500 dollars l’année. Scolarité qu’elle paie sur 12 mois. « La différence est énorme, mais le milieu où ils évoluent actuellement est très mélangé. Ce n’est pas grave, observe-t-elle avec philosophie. Mes enfants sont épanouis et puis cela les prépare mieux à la vie ». Quant aux manuels scolaires, uniformes et autres dépenses indispensables à la rentrée scolaire, Nathalie les a progressivement achetés, mois par mois, par tranches de 100000 LL, tout en étant très regardante sur le prix de chaque pièce. « J’ai trouvé des cartables à 9 000 LL. Ils sont très mignons, mais côté qualité, j’espère qu’ils tiendront le coup quelques mois », dit-elle, précisant par ailleurs que ses enfants ont eu droit à de jolies trousses. De son côté, la direction de l’établissemement scolaire que fréquentent ses enfants a fait un geste envers cette famille, histoire de lui faciliter quelque peu les choses. « Ils ont offert un tablier à l’un de mes enfants et me font parfois des réductions lors des sorties ou des activités organisées par l’école », indique-t-elle, reconnaissante. Le sacrifice de Mona et de son époux est d’un tout autre genre. Le couple travaille dur pour assumer l’éducation de sa fille unique de 11 ans, scolarisée dans une école privée de Beyrouth. À l’instar de la majorité des familles de la classe moyenne, la rentrée est, pour ce couple, synonyme de privations. La fillette aura des livres neufs, mais ne prendra pas les transports scolaires, jugés trop chers. Elle se fera plutôt accompagner, en alternance, par un bus privé et par son père. Elle devra aussi se contenter d’un seul uniforme par mesure d’économie. « Rien que le pull en acrylique coûte 25 dollars. La chasuble, elle aussi, est au même prix. C’est trop cher, d’autant que la qualité laisse à désirer », dénonce-t-elle. Mais le plus dur, pour Mona, est de savoir sa fille seule à la maison l’après-midi, durant deux heures de temps, alors qu’elle et son mari sont encore au travail. « Nous n’avons pas d’autre solution », déplore-t-elle, ajoutant que sa fille a pris l’habitude de rester seule depuis 4 ans déjà, le couple n’ayant pas les moyens d’engager une employée de maison ou une baby-sitter. La famille libanaise de condition moyenne craint le pire. D’une année à l’autre, les difficultés financières qu’elle rencontre ne font qu’empirer, alors qu’elle se voit contrainte de s’adapter à un mode de vie encore plus bas, de faire des économies drastiques pour donner à ses enfants une éducation correcte, bagage qu’elle juge indispensable dans la vie. Un mode de vie qui risque de la confronter à une douloureuse question : l’école privée ne deviendra-t-elle pas bientôt le privilège des seules classes aisées ? A.-M. H.
Septembre, octobre, deux mois bien difficiles pour les parents qui souffrent de la crise économique. Deux mois synonymes de rentrée scolaire, d’achats, de préparatifs, de neuf, mais aussi d’usagé. Bref de dépenses qu’il faut savamment calculer. Car il faut bien faire avec la crise économique, quitte à faire un tri, et non des moindres, dans la panoplie d’équipements et...