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Actualités - OPINIONS

Interview - Le député de Denniyé affirme avoir reçu de « vifs conseils » avant la séance parlementaire du 4 septembre dernier Ahmed Fatfat : « Le pays risque de se retrouver sous mandat international » (photo)

S’il est une chose qu’il faut retenir de la séance parlementaire du 4 septembre dernier, prorogation du mandat Lahoud mise à part, c’est la nouvelle donne, le chambardement relatif qu’elle a créé au niveau de l’opposition camérale, provoquant une nouvelle distribution de rôles au sein de l’hémicyle. Parmi les figures, généralement discrètes, qui en ont bénéficié pour sortir du lot et entrer dans « la liste d’honneur des 29 députés » antiprorogation, celle d’Ahmed Fatfat, député sunnite de Denniyé et représentant du Courant du futur au Nord. Pourtant, le médecin nordiste est le premier étonné, dès lors qu’on lui relève que sa position en a surpris plus d’un. Avec un calme olympien dont il ne se départit apparemment jamais, et en français, M. Fatfat rappelle qu’il avait déjà omis de voter en faveur du code de procédure pénale, deux fois amendé en une semaine, en août 2001, et qu’il a toujours agi selon ses principes. Pour le député, c’est en partie une pratique politicienne qui a conduit à la 1559, à la réinternationalisation du problème libanais, notamment « l’attitude de la classe politique libanaise à l’encontre de Paris II et la tendance à la militarisation de la société ». Avec, à l’arrivée, la prorogation du mandat, qui a été le catalyseur de la résolution. « Mon vote contre la prorogation sanctionne six ans d’échec, dit-il sans ambages. Tout a commencé avec le discours d’investiture et cette tendance quasi messianique à vouloir tout corriger, à être à tout prix au-dessus de la mêlée. Et puis l’on s’est rendu compte qu’au contraire, tout ce qui entoure le président était en plein dans la mêlée et cherchait à profiter des bienfaits du pouvoir. Par ailleurs, il y avait cette propension, en 1999-2000, à vouloir se venger de figures administratives qui se sont toutes avérées innocentes. Le tournant a sans conteste été le re-vote du code de procédure pénale, une humiliation pour le Parlement. Il y a eu, dès lors, une hégémonie de la présidence, en dehors de l’esprit de la Constitution. D’ailleurs, le lien est facile à faire entre août 2001 et septembre 2004 », affirme-t-il. Et de poursuivre : « Sans vouloir accabler le président, j’accuse toute une équipe de vouloir éliminer carrément la classe politique libanaise. Affirmer que le mandat Lahoud est responsable de la 1559 ne veut pas dire pour autant que l’opposition soutient la résolution », précise-t-il toutefois. Contre les ingérences Selon Ahmed Fatfat, le rôle de Damas dans la prorogation du mandat Lahoud est « un secret de polichinelle ». « Il est normal que la Syrie cherche ses intérêts et on ne peut le lui reprocher. Le vrai problème réside dans la classe politique libanaise au pouvoir. Je reproche à cette dernière de ne pas tenir compte des intérêts du Liban. S’il y a des problèmes au niveau des relations bilatérales, c’est surtout la faute aux parties libanaises, parce qu’une grande partie d’entre elles ne recherchent qu’à accéder au pouvoir », dit-il. À l’instar de Walid Joumblatt, M. Fatfat plaide en faveur de l’application de Taëf au niveau sécuritaire, estimant que les services de renseignements des deux pays « doivent se consacrer exclusivement aux affaires militaires et sécuritaires, sans s’ingérer dans les affaires politiques ». « Cela doit s’appliquer d’abord aux services libanais », souligne-t-il. Mais son principal point de divergence avec le chef du PSP et avec le reste de l’opposition est la question de la légitimité du chef de l’État. « Nous avons participé au vote au Parlement. L’Assemblée est légale, même s’il y a des défauts et des pratiques pas tout à fait honnêtes. Ayant participé, il faut accepter les résultats », dit-il. Mais qu’en est-il des pressions qui ont été exercées, dit-on, sur certains députés pour voter dans un certain sens ? « Il fallait prendre position et ne pas participer dès le départ, qu’il y ait pression ou pas. » Une confirmation de l’exercice de pressions ? « Il n’y en a pas eu sur moi. Il y a eu de vifs conseils, mais pas des pressions. De toute façon, celui qui commet l’erreur, c’est celui qui se laisse faire, qui accepte de succomber aux pressions, en raison de ses intérêts. » Ahmed Fatfat estime qu’il existe différentes tendances parmi ceux qui étaient contre la prorogation et qui ont finalement voté pour au Parlement. « Si j’avais été à la place du Premier ministre, j’aurais fait comme lui. Je ne suis pas prêt à ce que le pays redevienne un champ de conflits. C’était le cas si cette décision n’était pas passée. Le chef du gouvernement aurait été accusé de collaboration avec les Américains, ou quelque chose de similaire », souligne-t-il. Il met en exergue, au passage, le respect par Hariri de la liberté de choix, du pluralisme et de la démocratie au sein de son bloc. « Il a souhaité qu’on vote en faveur de la prorogation, mais il ne nous a pas empêchés de voter comme on le voulait. J’ai eu des discussions du même ordre avec des responsables syriens. Au début, il y a eu de vifs conseils, mais on m’a finalement dit de faire ce que je voulais. Partant, le problème est d’abord libanais. Ces derniers vont même jusqu’à réclamer une intervention pour nommer un instituteur ! Les Libanais vont demander aux Syriens de les favoriser par rapport à d’autres Libanais, dit-il. Il est possible de faire comprendre aux Syriens que nous sommes des alliés honnêtes, que nous ne demandons rien, mais que nous agissons en fonction de nos convictions. » La logique de l’exclusion Dénonçant la « logique de l’exclusion » qui prévaut toujours au niveau du pouvoir, M. Fatfat affirme que les portes de Baabda sont fermées, depuis des années, devant un certain nombre de députés, lui inclus. Une logique qui date de la guerre. « La Syrie n’est pas exempte de responsabilités. Mais c’est normal que Damas lutte pour ses intérêts ! » souligne-t-il. Croit-il à la politique de la main tendue du président Lahoud ? « La balle est dans son camp. Je suis contre le changement du gouvernement maintenant. Il s’agirait d’un très mauvais timing. J’aurais préféré que l’on garde ce cabinet, et que ce dernier prouve qu’il y a réellement une politique de la main tendue à différents niveaux concrets », notamment « la mise en place d’un ministère d’État pour le dialogue interlibanais, la fermeture définitive de tous les dossiers (Geagea, Aoun, MTV) et du dossier de la guerre. Si cela est fait d’ici au 24 novembre, le président Lahoud aura prouvé qu’il veut tourner la page et l’opposition sera forcément tentée de participer. » « Je crois que je ne serai pas entendu, dit le député. On risque d’aller vers un cabinet à l’image de la prorogation, qui ne serait pas présidé par Rafic Hariri, du moins je le souhaite. Le pays entrera dans une période très difficile, qui nous conduira à une loi électorale pire que la précédente et à un renforcement du pouvoir des services. Et l’opposition risque de se radicaliser. Le Liban n’a jamais supporté qu’on limite la démocratie et les libertés. Sinon, il n’a plus de raison d’être. Je crains que le pays ne connaisse de nouveaux troubles. Après tout, les Israéliens sont proches et ils ne rateraient pas l’occasion de mettre de nouveau les pieds dans ce pays... surtout si on leur ouvre grandes les portes. » Concernant le rapport Annan, il indique : « À entendre Issam Farès, c’est à croire qu’il a échoué et que le Liban risque de se retrouver sous mandat international. Ce serait pour nous la pire des choses : quel que soit le mandataire, il s’occupera principalement de ses intérêts. » Et de conclure : « Les Libanais se connaissent très mal. Ils vivent dans des ghettos. Pourtant, ils se ressemblent tellement. » Michel HAJJI GEORGIOU
S’il est une chose qu’il faut retenir de la séance parlementaire du 4 septembre dernier, prorogation du mandat Lahoud mise à part, c’est la nouvelle donne, le chambardement relatif qu’elle a créé au niveau de l’opposition camérale, provoquant une nouvelle distribution de rôles au sein de l’hémicyle. Parmi les figures, généralement discrètes, qui en ont...