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Actualités - OPINION

ÉCLaIRAGE Gouvernement : le Premier ministre informera Damas de sa décision dans les 24 heures L’État totalement nu, du dedans comme du dehors

Personne ne sait réellement s’il faut en rire ou en pleurer, s’en féliciter ou appréhender le pire. Les choses bougent dans tous les sens, du pire (l’indicible attentat terroriste contre Marwan Hamadé) au moins vicié (la superlégitimation de Kornet Chehwane depuis la reconduction imposée par le tuteur syrien du mandat Lahoud), en passant par le plus flou (l’évolution de la 1559). Et la vitesse de cette mécanique est parfois impressionnante pour des Libanais résignés au plus stérile, au plus stagnant des immobilismes. D’autant que les rendez-vous plus ou moins cruciaux rythment déjà les jours et les semaines à venir : réunion du Conseil de sécurité dans les 24 heures, consacrée à l’examen du rapport Annan sur le suivi de l’application de la résolution 1559 ; démission du gouvernement Hariri (à en croire Nabih Berry, qui s’est rendu hier à Baabda, aussi bien que des sources généralement bien informées, ce serait prévu pour vendredi, ou lundi au maximum) ; formation au forceps du prochain cabinet ; le sort d’une électricité agonisante, etc. Le problème, pourtant, n’a jamais été aussi énorme. Puisque, maintenant, la nudité de l’État est à ce jour, à la veille de ces échéances diverses et variées, franchement ahurissante, à tous les niveaux, politique, diplomatique, sécuritaire, éthique et socio-économique. Une nudité bien plus qu’inquiétante : définitivement effrayante. Sur le plan politique d’abord. Ressassée à longueur de journée pour des motifs variant d’une présidence à l’autre, la volonté de l’État (et du tuteur syrien) de former un gouvernement d’union nationale continue de se heurter et de se fracasser contre des murs interminables, bétonnés par les nécessaires, les intransigeantes et les salutaires conditions d’une opposition enfin soudée, enfin mature, et d’un Walid Joumblatt qui a fini par rejoindre – il était également temps – le patriarche Sfeir dans le cercle des hommes d’État supracommunautaires. Mais les dirigeants ne semblent pas désespérer. Pas plus tard qu’hier, Nabih Berry estimait que « les indispensables résistances politique et économique » devaient faire en sorte d’instaurer la confiance du citoyen en lui-même et en son État... « Et ceci implique un élargissement de la représentation au sein du gouvernement et des syndicats ; cela implique plus d’interactivité, de coopération. Encore une fois, je réaffirme la nécessité d’un gouvernement national, efficace, fédérateur », a-t-il martelé en agitant, en vieux routard de la politique libanaise, l’insensé spectre de la division nationale que seul un cabinet d’union pourrait faire fuir, selon lui, à grands bruits de chaînes. Le président de la Chambre faisait écho aux mains tendues à plusieurs reprises par Émile Lahoud – sans que cela ne soit assorti de la moindre annexe pratique et concrète –, ainsi qu’aux contacts tous azimuts de Rafic Hariri (excepté avec le principal intéressé : le chef de l’État), lui aussi obnubilé, pour des raisons évidemment différentes, par l’union nationale aussi bien que par son poids politique dans le futur gouvernement. Cette nudité politique, que seule la participation de l’opposition à l’Exécutif aurait pu voiler, est bien naturellement décuplée par la relation Lahoud-Hariri. Les deux hommes, néanmoins, semblent être, chacun à sa manière, conscients de l’enjeu. Des sources proches du régime privilégient ainsi le retour du maître de Koraytem à la tête du prochain cabinet, souhaitant ardemment que ce gouvernement ne défie ni ne provoque la moindre fraction politique présente sur l’échiquier local, qu’il soit constitué de 24 membres, majoritairement technocrates, et qu’aucun veto, de quelque nature qu’il soit, ne soit imposé contre les noms proposés par l’un ou l’autre des deux camps. Quant à Rafic Hariri, selon des sources bien informées, il donnera sa réponse aujourd’hui au tuteur syrien (sur son éventuel retour au Sérail), après qu’il lui eut présenté ses conditions et ses desiderata. Parallèlement à ce néant politique, l’État est tout aussi nu sur le plan diplomatique, sinon marginalisé du moins dépouillé de l’ombrelle onusienne et de la bienveillance de la communauté internationale. Surtout que les observateurs s’attendent au pire aujourd’hui au Conseil de sécurité qui se penchera sur le rapport Annan. Surtout que la France de Jacques Chirac laisse de plus en plus entrevoir un jusqu’au-boutisme inaliénable. Surtout que, depuis quelques jours, le tout nouvel ambassadeur US à Beyrouth, Jeffrey Feltman, collectionne les déclarations les moins diplomatiques qui soient de l’histoire contemporaine du Liban. Tout aussi dépouillé est cet État sur le plan éthique, avec sa propension à fouler aux pieds toutes les valeurs républicaines qui font que le Liban reste, malgré tout, une oxygénante oasis de libertés et de démocratie dans la région. Sur le plan socio-économique également, avec ce climax dans la courbe des mensonges, de la corruption, de la négligence des gangrènes, du clientélisme mafieux et de l’inconscience qu’est la scandaleuse crise de l’électricité (sans oublier, évidemment, les 40 milliards de dollars de dette publique...). Et, cerise sur le gâteau, qui n’en finit plus de pourrir : la nudité sur le plan sécuritaire, après le crime contre l’un des symboles du Liban-rêvé, Marwan Hamadé. La disparition de ce cache-sexe brandi aux yeux du monde comme un étendard de respectabilité et de légitimité a fini de déshabiller complètement l’État, et de le jeter, vulnérable à souhait, à tous les vents (mauvais). Et dire qu’il y a encore des dirigeants libanais qui continuent de se vautrer dans la plus surréelle, la plus triomphante des autosatisfactions. Ziyad MAKHOUL
Personne ne sait réellement s’il faut en rire ou en pleurer, s’en féliciter ou appréhender le pire. Les choses bougent dans tous les sens, du pire (l’indicible attentat terroriste contre Marwan Hamadé) au moins vicié (la superlégitimation de Kornet Chehwane depuis la reconduction imposée par le tuteur syrien du mandat Lahoud), en passant par le plus flou (l’évolution de...