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L’homosexualité au Liban ou la peur au quotidien (photos)

Aujourd’hui librement vécue dans de nombreux pays où elle est légalisée et considérée, sur le plan scientifique, comme une variante du comportement sexuel, l’homosexualité, attirance envers des personnes du même sexe, demeure interdite par la loi libanaise. Mais cette autre façon de vivre sa sexualité est de plus en plus visible au Liban. Les homosexuels des deux sexes, surnommés fréquemment gays, n’hésitent plus à s’afficher dans certains endroits qu’ils s’approprient et qui leur servent de lieux de rencontres ou de drague. Ils ont désormais leurs boîtes de nuit, leurs pubs, leurs plages (d’accès difficile, certes), leurs saunas, leurs ruelles et leurs sites Internet. Quant aux restaurants, cafés-trottoirs, commerces en tout genres, baptisés « gays-friendly », qui offrent aux homosexuels un cadre accueillant et convivial, ils ne se comptent plus. Car le pouvoir d’achat de ces hommes et femmes au comportement sexuel différent est souvent plus élevé que la moyenne de la population. N’ayant pas de responsabilités familiales, ils ne se privent pas de dépenser généreusement leur argent en sorties, vêtements, loisirs, voyages ou autres, et constituent une manne pour les commerçants en cette période de crise. Mais la petite communauté dérange. Montrée du doigt, rejetée par une société traditionnelle, carrément refoulée de certains endroits, elle est encore marginalisée. Elle fait peur. Car elle est assimilée à la débauche. Certes, la loi encore répressive n’est pas vraiment appliquée et la police ferme les yeux sur un mode de vie et des comportements sexuels qui touchent une tranche non négligeable de la société libanaise. Mais de temps à autre, sans crier gare, la police opère des rafles dans les boîtes de nuits gays, sur les routes qui leur servent de lieu de drague et s’invite même, au nom du respect des bonnes mœurs, dans la vie privée de certains qui ne bénéficient d’aucun appui haut placé. Au terme d’un interrogatoire, d’une ou de plusieurs nuits d’emprisonnement, les homosexuels sont aussitôt relâchés, non sans avoir subi les quelques humiliations d’usage, non sans avoir été victimes de chantage, parfois même de tortures, comportement courant envers les drogués, les prostituées et autres sortes de « débauchés ». Tiraillés entre le désir de vivre librement leur sexualité et la peur panique d’être attrapés, fichés, emprisonnés, montrés du doigt, de nombreux homosexuels se replient sur eux-mêmes et hésitent à se dévoiler. Certains en arrivent même au suicide. Ce qu’ils cherchent, par dessus tout, c’est protéger leurs parents en se protégeant eux-mêmes. Des parents auxquels ils n’osent dire la vérité que rarement, par crainte de leur faire du mal, de les décevoir ou même de subir leurs foudres. En dépit de cette peur qui fait partie de leur quotidien, quelques homosexuels se distinguent et vivent plus ou moins ouvertement leur vie de couple, à l’occidentale. Ils ne cherchent pas à faire de la provocation ou à choquer. Ils ont simplement la volonté de vivre leur sexualité librement et de s’épanouir comme n’importe quel couple hétérosexuel, tout en revendiquant le droit à la différence. Anne-Marie EL-HAGE D’origine biologique ou relationnelle, une pratique toujours assimilée à la débauche Les gays face à une société qui régresse L’homosexualité existe depuis des siècles, dans toutes les cultures, dans toutes les régions de la terre, et même au Liban. Cette constatation dément les accusations lancées ici ou là, relatives à l’absence de morale chez les nouvelles générations, à la dépravation ambiante de leurs mœurs, à la débauche. Le fait est qu’avec l’évolution des moyens de communication, l’information se répand mieux et plus vite. Les gens sont tout simplement plus renseignés sur un comportement autrefois marginal, mais qui s’impose depuis la révolution sexuelle et sur le plan scientifique comme une variante du comportement sexuel. Rencontre avec la psychanalyste et psychothérapeute Marie-Thérèse Kheir Badawi qui, tout en refusant de généraliser, explique les causes de l’homosexualité et les comportements des homosexuels au sein de la société libanaise. Rencontre aussi avec le sociologue et chercheur Abdo Kahi qui constate un retour de la société libanaise à des valeurs traditionnelles, malgré le changement au niveau des mœurs, ce qui explique le refus de l’homosexualité et l’impossibilité pour les gays de former une communauté. Le terme « gay » signifie être en marge. Souvent opprimés, les homosexuels du monde entier se sont placés en marge de leur société. Ils ont créé des ghettos et toute une culture homosexuelle qui leur est propre. En Occident, c’est à l’occasion de la révolution sexuelle, dans les années 68 en France et 70 aux États-Unis, que les homosexuels se sont affirmés en tant qu’individus. L’homosexualité s’est alors posée comme un acte de révolte, de lutte politique. Deux théories distinctes expliquent les causes de l’homosexualité. La première, organiciste, cherche à prouver que ce comportement sexuel est biologique, organique, qu’il est inscrit dans les gènes. L’on naît donc homosexuel, car sur le plan organique, on est différent. L’autre théorie, psychanalytique, essaie d’expliquer l’homosexualité, sans cependant lui attribuer une seule cause, « mais plusieurs étiologies en relation avec le développement psycho-sexuel de l’individu, dès son enfance », indique la psychanalyste Marie-Thérèse Kheir Badawi. « On ne parle donc plus de l’homosexualité mais des homosexualités. Car les causes peuvent être multifactorielles, sous le grand chapeau du relationnel et de l’affectif dans le cadre familial, premier intermédiaire entre le soi et la société. » Aussi évoque-t-elle la relation avec la mère et le père, premiers objets d’identification de l’enfant, précisant que la mère et le père sont les premiers représentants de la féminité et de la virilité. « C’est cette image sexuée à laquelle l’enfant veut ou non ressembler qui va forger en lui le désir ou pas de devenir un homme ou une femme », précise la psychanalyste. Ce n’est pas une maladie Par ailleurs, nous assistons aujourd’hui à une mutation des rôles masculins et féminins dans les sociétés sur les plans culturel et social. « Ce nouveau rapport des sexes est généralement plus mal vécu par les hommes que par les femmes, estime Mme Kheir Badawi. Ceux-ci éprouvent de la difficulté à vivre cette transformation qu’ils constatent chez la femme. Ils ont peur de cette nouvelle femme qui a émergé. Pour certains, le choix homosexuel découle de cette peur de l’autre. » Mais comment les homosexuels vivent-ils leur sexualité au Liban ? Beaucoup de cas de figure existent au Liban. Certains vivent mal leur homosexualité et veulent s’en débarrasser. Ils vont même jusqu’à consulter un psychanalyste dans l’espoir erroné de modifier leur comportement. D’autres refusent leur homosexualité et suivent une analyse pour mieux l’accepter et mieux la vivre. Souvent, poussés par leurs parents qui les accompagnent, les adolescents homosexuels consultent un psychothérapeute. « Ils nous demandent de guérir leur adolescent, même si ce dernier a assumé son choix et ne désire pas changer de comportement. Or, les parents doivent réaliser que l’homosexualité n’est pas une maladie. C’est pourquoi nous ne cherchons pas un processus de guérison. Cela choque d’ailleurs de nombreux parents », constate la psychanalyste. Le travail analytique consiste à aider les homosexuels à comprendre leur homosexualité, à entreprendre un travail sur eux-mêmes. Au terme de l’analyse, ils changent ou alors acceptent leur homosexualité. « Ce sera alors leur propre choix, à partir du processus de compréhension », indique Marie-Thérèse Kheir Badawi. Et d’expliquer que durant certaines phases du développement, notamment entre 6 et 10 ans et à l’adolescence, des tendances homosexuelles peuvent apparaître, accompagnées de passage à l’acte sexuel. « Mais, précise-t-elle, ces tendances ne sont pas définitives. Car l’adolescence est un âge de transformation et de réorganisation. » Retour aux valeurs traditionnelles Quant au refus de l’homosexualité, il est souvent lié à un sentiment de culpabilité, induit par les parents, par la société et par le refus d’être marginalisé. « C’est la raison pour laquelle de nombreux homosexuels cachent leur homosexualité sous un masque d’hétérosexualité », observe la psychothérapeute. « En effet, précise-t-elle, ils se sont mariés, ont eu des enfants et ont vécu leur homosexualité parallèlement, en cachette, ou par la suite, au terme d’un divorce. » Il en est de même pour les femmes, même si l’homosexualité féminine, vécue comme esthétique, semble moins taboue dans notre société. Les parents, eux, réagissent de différentes manières à l’homosexualité de leurs enfants. Si certains l’acceptent, d’autres la refusent carrément et n’hésitent pas à renvoyer leurs enfants du domicile familial. Face à cette homosexualité qui se dévoile de plus en plus, face à ces mœurs qui changent, la société libanaise réagit par une régression. « L’homosexualité a toujours existé, dans toutes les cultures », observe le sociologue et chercheur Abdo Kahi, précisant qu’il y a longtemps, elle restait loin des considérations morales et religieuses, car la sagesse populaire la laissait de côté et ne la jugeait pas. On ne la regardait pas comme quelque chose qui définit l’être. Aujourd’hui, il estime que les choses ont changé : « l’homosexualité définit l’être et c’est le regard social sur l’homosexualité qui est différent. » Car la sexualité a été associée, par les religions, au mariage et à la procréation. Et d’expliquer que la chrétienté est la religion la plus dure à l’égard de l’homosexualité, alors qu’aucun des dix commandements ne l’a mentionnée. Cette régression de la société libanaise se traduit par un regard plus critique à l’égard de l’homosexualité, mais aussi à l’égard d’autres comportements comme l’avortement, la prostitution, le divorce, l’adultère... « La société libanaise opère ainsi un retour aux valeurs sûres, à la tradition, au respect des interdits, sans questionnement, observe le sociologue. Il y a une quinzaine d’années, cette société portait un regard plus permissif envers l’homosexualité. Aujourd’hui, elle est plus restrictive par rapport aux interdits moraux. Elle juge l’homosexualité, la refuse même de plus en plus. » L’absence de communauté Certes, nombre d’homosexuels tentent de vivre leur homosexualité plus librement, « mais ils ne se déclarent pas ouvertement », constate M. Kahi. Ils n’osent pas se présenter en tant que tels devant l’ensemble de la société, car ils ne sont pas reconnus en tant que tels et il leur est difficile de briser les préjugés et les tabous pour se faire reconnaître. « C’est la raison pour laquelle ils ne forment pas une communauté, mais des individus dispersés qui ne peuvent se regrouper, sauf de manière informelle », explique le chercheur. Certes, on les laisse généralement faire, on les laisse fréquenter des lieux qui leur sont propres, « mais souvent la police effectue des rafles et traite les homosexuels comme les drogués ou les prostituées, car elle considère leur comportement comme de la débauche », constate Abdo Kahi. « Quant à la société elle-même, elle ne peut les comprendre, elle en a peur », indique-t-il. Et pourtant, l’homosexualité fait partie intégrante du comportement sexuel, note le sociologue. Il estime, en effet, qu’il est important de laisser vivre les homosexuels, qu’il « faut prendre du recul et non pas les menacer sans cesse de rafles et de répression ». « L’homosexualité est un comportement humain qui mérite notre attention et notre regard humain », observe Abdo Kahi. Elle ne doit pas être regardée comme un vol, un viol ou une débauche. C’est un comportement sexuel qui n’est pas dans la normalité sociale des relations sexuelles, mais qui a sa propre norme. Essayer de comprendre l’homosexualité, même si elle fait peur, serait pourtant une remarquable avancée de notre société. Car, comme l’indique M. Kahi, « l’avancée d’une société consiste à écouter la marge comme quelque chose de neutre, comme une norme à côté de la norme ». A.-M. H. Une vie de couple ordinaire, avec ses joies, ses disputes et sa routine Ryad et Sami ont 32 et 27 ans. Après avoir vécu leur homosexualité de manière débridée et multiplié les aventures sans lendemain avec des partenaires rencontrés au hasard des soirées ou dans des lieux de drague, ils se sont trouvés. Ils vivent en couple depuis environ deux ans et ne se sont plus quittés depuis. Leur vie ressemble à celle de n’importe quel couple hétérosexuel, avec ses bons moments, sa routine, ses disputes. Entourés d’amis homosexuels et hétérosexuels, ils ont une vie réglée par leurs occupations professionnelles et leur vie rangée de vieux couple. Épanouis ? Ils le sont, même s’ils n’ont jamais activement cherché l’âme sœur. « Cette relation s’est imposée toute seule, comme une évidence, même si je ne la cherchais pas, raconte Ryad. Mais j’en suis heureux, car entre nous il y a de l’amour et du désir. » Sami, lui, avoue qu’il avait besoin de stabilité. « Je n’ai pas hésité, je me suis lancé dans cette relation, même si elle était un peu hâtive. D’ailleurs, j’ai trouvé la personne qui me convenait. » Sami parle aussi de l’équilibre qu’il a trouvé, de la vie rangée qu’il mène depuis qu’il a rencontré son partenaire : finies la drague continuelle, l’instabilité, la solitude, la dépression. « Je vis quelque chose de sérieux, une vie de responsabilité envers l’autre, une vie qui implique le sacrifice et le don », observe-t-il. De part et d’autre, les deux jeunes gens sont prêts à toutes les concessions pour protéger leur couple. Mais tout n’est pas rose pour eux, du moins, pas encore. Ryad affiche ouvertement son homosexualité qu’il a dévoilée à ses parents à l’âge de 20 ans et à ses collègues de travail. Il estime être accepté comme tel par son entourage, même si ses parents ont mis du temps à accepter son homosexualité. Quant à Sami, il la cache encore. « Je n’en ai parlé ni à mes parents, ni à mes collègues, dit-il. Je raconte à mes parents que je vis avec des amis. Je sais qu’ils n’accepteraient pas mon homosexualité, alors je préfère ne pas leur faire de la peine », dit-il simplement. La loi, une épée de Damoclès qui menace toute la communauté Être homosexuel c’est vivre 24 heures sur 24 hors la loi. La raison en est simple : l’article 354 du code pénal condamne «les conjonctions charnelles contre nature », une allusion à la pénétration anale considérée comme un comportement propre aux homosexuels. Ce délit est sanctionné d’une peine pouvant aller jusqu’à un an d’emprisonnement. Utilisée pendant très longtemps par les juges pour proscrire les relations entre deux personnes d’un même sexe, cette loi n’est plus appliquée depuis un certain temps, notamment depuis l’adoption du nouveau code de procédure pénal qui a pratiquement annulé les peines de prison de moins d’un an , une mesure qui vise surtout à éviter de surcharger les lieux de détention de plus en plus congestionnés. Mais cela ne signifie pas pour autant que la vie des homosexuels en est facilitée. Ainsi, pour incriminer une personne gay, les forces de l’ordre n’ont plus besoin de la surprendre en flagrant délit comme le stipulait l’article 354. Aux effets de l’article 354 que le juge tend de plus en plus à ignorer s’est substitué un système de répression psychologique, moral, voire même physique. Confortées par un large groupe d’homophobes et une société traditionnelle qui stigmatise et dénonce au quotidien cette forme de « marginalité », les forces de l’ordre opèrent désormais des rafles et des arrestations dans les milieux gays leur imputant l’usage de drogue ou de se livrer à la prostitution. Bien que ces deux délits ne soient pas tout à fait étrangers – mais non exclusifs – au milieu homosexuel, la police abuse, selon certains témoignages, de ce type d’accusations dès qu’ils ont du mal à prouver l’existence de rapports sexuels. Mais la répression ne s’arrête pas là et ce ne sont pas les seules méthodes déguisées que les homos redoutent le plus, mais plutôt les techniques de chantage et de harcèlement moral. Les moyens de dissuasion sont à ce niveau multiples et variés : menace de scandale et la dénonciation aux parents. Les personnes arrêtées se trouvent ainsi dans l’obligation de coopérer avec la police de peur que cette dernière ne rende leur orientation sexuelle publique. Mais par-delà les chantages, les gays doivent également faire face à la réalité amère des arrestations, selon ceux qui en ont fait l’expérience. Des abus réguliers ont lieu lors des investigations préliminaires, certains parlant même de torture. Le comble de la discrimination pratiquée contre la communauté gay est lorsque ses membres subissent des incidents divers comme le vol ou le chantage exercé par des prostitués, délits qu’ils ne peuvent jamais rapporter puisqu’eux-mêmes sont considérés a priori comme des criminels. Imad raconte comment un jour il s’est fait arnaquer par un homme qui se prostituait. Premier réflexe : il se rend au premier barrage militaire pour dénoncer le malfaiteur. L’officier en charge, qui ne tarde pas à deviner qu’il s’agit de deux homosexuels, laisse partir le vrai criminel et arrête le jeune victime du vol pour « sollicitation de rapports contre nature ». Imad est arrêté pendant 10 jours dans des conditions très dures. Pour avoir désiré une personne du même sexe. C’est précisément ce point que tente de dénoncer l’association HELEM qui réclame depuis un certain temps l’abrogation pure et simple de l’article 354 que la police brandit comme une épée de Damoclès au-dessus des têtes des gays, mais surtout la protection de cette communauté vulnérable notamment en cas d’agression, de vol ou d’escroquerie. « Nous ne cherchons pas à révolutionner la société ni à réclamer des droits aussi sophistiqués que le Pacs français (l’institutionnalisation du concubinage dont celui des homos). Nous voulons simplement que l’article 354 soit complètement abrogé et que nous soyons traités comme de simples citoyens que l’État est censé protéger », affirme l’un des membres de l’association. Cette protection est d’autant plus sollicitée par ces êtres fragilisés que la société, parfois même la famille, se charge en lieu et place des autorités de les rappeler à l’ordre parfois de manière musclée. Fouad vit depuis plusieurs mois en fugitif. Il dort chaque soir dans un endroit différent pour ne pas être repéré. Mais ce n’est pas la justice que ce jeune homme de 25 ans tente de fuir mais tout simplement son frère qui menace de le tuer. Homosexuel, Fouad n’a pas pu dissimuler son « terrible secret ». Issu d’une famille conservatrice et d’un milieu où le crime d’honneur est applaudi, il est devenu la honte de ses parents. Son frère, un officier de l’armée libanaise, s’est juré de lui trancher la tête dès qu’il le retrouvera. Depuis, Fouad hante les rues pour fuir la foudre familiale. Je.J. Plus de 50 % n’utilisent pas de préservatifs Une étude portant sur le comportement des gays dans les lieux de drague a été réalisée l’année dernière par les membres de HELEM en collaboration avec l’association SIDC (Soins infirmiers et développement communautaire). L’étude met l’accent sur la multiplicité des partenaires et les risques sur la santé encourus par les membres de cette communauté. * Nombre de partenaires sexuels par an (en moyenne) : 9,5 % * 54,5 % des personnes se trouvant sur les lieux de drague ont affirmé avoir eu des relations sexuelles moyennant une somme d’argent. * Plus de 50 % d’entre eux n’utilisent pas le préservatif avec un nouveau partenaire. * Plus de 60 % d’entre eux n’ont jamais effectué un test de dépistage du sida ou autres IST (Infections sexuellement transmissibles). HELEM, une ONG pour la protection des LGBT Née il y a trois ans, l’association pour la protection des lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres (LGBT) au Liban, HELEM (Himayat Loubnaniya lil Mouthliyin Wal Mouthliyat) a décidé de mener le combat au nom des droits de l’homme et du droit à la différence. Animée par plusieurs militants de la société civile, de jeunes cadres et des professionnels, HELEM, qui attend d’être « autorisée » par le ministère de l’Intérieur, dénonce, depuis quelques années, les pressions exercées sur les LGBT par leurs familles respectives, pour les amener « à cacher leur orientation sexuelle afin de ne pas déstabiliser l’ordre moral, religieux et social », comme l’indique l’un des militants. L’association cherche en outre à « contrer le discours homophobe tenu par certaines catégories sociales dont les politiciens, les groupes religieux et les médias », stigmatisant la discrimination dans les milieux professionnels ainsi que la pression sociale qui entraîne des conséquences psychologiques néfastes telles que la dévalorisation de soi. L’association critique, en outre, les structures sociales existantes qualifiées d’« incompétentes » dans la mesure où les accompagnateurs sociaux et les psychologues cherchent à « convertir » les LGBT en hétérosexuels au lieu de les aider à s’accepter et à s’affirmer, sachant que l’OMS a retiré, depuis longtemps l’homosexualité de sa liste des maladies. Organisant régulièrement des conférences pour informer et sensibiliser la société libanaise sur cette question délicate, les membres de l’association tentent de faire face à ce qu’ils appellent la « corruption et les arrestations arbitraires ». HELEM organise régulièrement des activités culturelles et sociales ciblant la communauté LGBT en particulier et la communauté libanaise en général pour orienter, informer et accompagner les LGBT et lutter contre l’homophobie. Les activités de l’ONG englobent également un volet relatif à la santé publique et à la prévention contre le sida notamment, une activité mise en place en collaboration avec des programmes nationaux et internationaux. Pour plus d’informations : consulter le site Internet suivant : www.helem.net Ou écrire à leb@helem.net ainsi qu’à l’adresse du centre communautaire : lgbtq-centre@helem.net Yasmine, trente ans, assume mais a peur des ragots et de la solitude Yasmine a trente ans. Elle est lesbienne. Elle vit seule et assume totalement son homosexualité, sans aucune culpabilité, même si elle vit continuellement dans la peur. Peur de la société qui montre du doigt cette différence sexuelle et la considère encore comme une débauche ; peur de la répression qui touche la communauté gay au Liban ; peur que ses parents n’apprennent son homosexualité et ne la rejettent. Et pourtant, Yasmine a bien essayé de lutter contre cette tendance qui la pousse vers les femmes, mais en vain. « Depuis l’enfance, j’étais attirée par les femmes, se souvient-elle. Ayant grandi dans un pays arabe, où les revues étaient censurées, j’effaçais avec de l’acétone le feutre noir qui masquait le corps des femmes. » Vers 15-16 ans, à l’instar de nombreuses adolescentes de son entourage exclusivement féminin, Yasmine expérimente les premiers battements de cœur, les premières lettres entre filles, l’attente : « Je ne réalisais pas vraiment que c’était de l’homosexualité, dit-elle. Je n’en ressentais d’ailleurs aucune culpabilité. » C’est à partir de 20 ans que la jeune femme a réalisé qu’elle était lesbienne. « J’ai essayé de lutter, raconte-t-elle. Je me disais que nous avons été créés pour former des couples hétérosexuels. Je pensais au mariage, à ma robe de mariée. Mais parallèlement, lorsque je sortais avec des garçons, mon esprit était ailleurs, je pensais à une femme. J’ai subitement décidé, vers 22 ou 23 ans, que cela suffisait, que je devais arrêter de me leurrer. J’avais besoin d’être avec une femme. Seule une femme pouvait me donner ce dont j’avais besoin. » Yasmine savait que sa décision n’était pas sans conséquence. Les ragots des gens, sa réputation, la réaction de ses parents, mais surtout une vie stérile, sans enfants : tout cela lui faisait très peur, sans compter la culpabilité qui lui pesait. « Mais tout choix implique des sacrifices », observe-t-elle. Très méfiante de nature, elle s’est juste confiée à une amie, qui s’est avérée, elle aussi, lesbienne. « Je n’ai jamais pu en parler à mes parents. Ils ne l’auraient pas accepté », déplore-t-elle. Son père lui avait pourtant tendu la perche, un jour, en faisant une allusion à ses préférences. Mais elle est restée muette comme une carpe. Elle n’a pas voulu ou n’a pas été capable d’en parler. À cette époque, Yasmine se coupait les cheveux à ras, non pas pour ressembler à un garçon, mais parce que c’était la mode et que ça lui plaisait. « Il m’a demandé si une certaine femme me plaisait. Puis il m’a dit d’être prudente, de ne pas me laisser aller à certaines tendances », se souvient-elle. Aujourd’hui, la jeune femme évolue dans un milieu homosexuel où elle est sûre d’être acceptée en tant que telle, mais compte aussi quelques amis hétérosexuels, appelés communément « gays-friendly ». « Mon but n’est pas de convaincre l’ensemble de la société, car la société éduquée va nous accepter, tôt ou tard », observe-t-elle. « Je voudrais que la classe moins éduquée puisse accepter l’homosexualité. Qu’elle ne nous juge pas, mais nous laisse vivre ». La jeune femme évoque sa mère, qui n’est pas très instruite et à qui elle ne pourra jamais divulguer sa sexualité. « Ma vie est un mensonge, lance Yasmine. Le comble est que je déteste mentir. Mais je ne peux pas encore vivre mon homosexualité en toute liberté, même si autour de moi, je constate que les lesbiennes plus jeunes que moi s’affichent de plus en plus, sans peur des conséquences. » C’est cette peur qui la taraude qui empêche Yasmine de vivre en couple : peur de la réaction de la société, de son voisinage, et surtout, des rafles de police. « Les mentalités ne sont pas prêtes », conclut-elle. Mais elle ne peut empêcher une autre appréhension de la ronger, celle de vieillir dans la solitude. Un quotidien débridé, dans l’attente du compagnon idéal Marc, Patrick et Wissam ont 23, 24 et 26 ans. Comme tant d’autres, c’est à l’adolescence qu’ils ont réalisé qu’ils étaient homosexuels. Mais les choses se sont faites progressivement. Depuis l’enfance, ils se sentaient différents : ils aimaient jouer à la poupée ou à la marelle, n’aimaient pas les jeux violents, avaient un air doux, un peu efféminé, regardaient les hommes comme objets sexuels. Souvent, une première relation avec un voisin ou un cousin a déclenché les choses. Mais la situation a longtemps été confuse pour eux, ils ne savaient pas si ce genre de relation était normal ou non, s’ils devaient ou non en ressentir de la culpabilité. Aujourd’hui, ils assument pleinement leur homosexualité, même si seul l’un d’entre eux l’a ouvertement déclarée à sa famille. Leur quotidien est fait de rencontres éphémères, de drague, au hasard d’une soirée, dans certaines ruelles choisies par les homosexuels, dans les saunas, les boîtes de nuit ou sur Internet. Un quotidien non seulement instable, mais aussi dangereux, car certaines rencontres peuvent mal tourner, car la police veille aussi. Ils rêvent d’ailleurs tous de rencontrer leur alter ego, le compagnon qui les fera quitter ce cercle de rencontres instables et dangereuses et leur permettra de mener une vie équilibrée. Ils rêvent aussi de ne plus vivre dans la peur et d’être acceptés en tant que tels par la société libanaise qui refuse encore l’homosexualité et la montre du doigt.

Aujourd’hui librement vécue dans de nombreux pays où elle est légalisée et considérée, sur le plan scientifique, comme une variante du comportement sexuel, l’homosexualité, attirance envers des personnes du même sexe, demeure interdite par la loi libanaise. Mais cette autre façon de vivre sa sexualité est de plus en plus visible au Liban. Les homosexuels des deux sexes,...