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Actualités - CHRONOLOGIE

Pour les autorités libanaises, la modification du texte initial de la 1559 est une victoire en soi Beyrouth gêné par une résolution incontournable et en même temps inacceptable

C’est avec un certain sentiment de gêne que Beyrouth a rejeté hier le vote de la résolution 1559 du Conseil de sécurité de l’Onu, qui a été acquis par 9 voix sur 15 (l’Angola, le Bénin, le Chili, la France, l’Allemagne, la Roumanie, l’Espagne, la Grande-Bretagne et les États-Unis), avec 6 abstentions (l’Algérie, le Brésil, la Chine, le Pakistan, les Philippines et la Russie). Une résolution qui émane du Conseil de sécurité, et que, par conséquent, les autorités libanaises ne peuvent pas vraiment rejeter, selon des sources diplomatiques bien informées citées par notre correspondant au palais Bustros, Khalil Fleyhane. Et pour cause : un rejet ouvrirait la voie à un conflit avec les autorités internationales, seul recours du Liban dans le cadre de son conflit avec Israël. Par ailleurs, Beyrouth n’a pas les ressources diplomatiques et n’a pas pour lui les alliances internationales qui lui permettraient de s’opposer à la décision, de lui faire échec ou même de convaincre le Conseil de sécurité de l’amender – d’autant que les États-Unis et la France en sont à l’origine. Mais, comble de la dualité, le Liban ne peut non plus accepter cette résolution, qui a été qualifiée hier d’« ingérence » dans les affaires intérieures du Liban par le ministre des Affaires étrangères, Jean Obeid. « Cette résolution est déplacée car elle transgresse les principes de non-ingérence dans les affaires intérieures » des pays membres de l’Onu, a-t-il affirmé. « Le Liban n’acceptera aucun projet qui ignore le problème principal qui est l’occupation israélienne », a ajouté M. Obeid. Une victoire libano-syrienne Si, au palais Bustros, on estime avoir échoué à convaincre le Conseil de sécurité d’éviter cette résolution, on considère toutefois comme une victoire pour Beyrouth et Damas la disparition de la mention « retrait immédiat des forces syriennes » et son remplacement par « retrait de toutes les forces étrangères ». De même, on se félicite de la disparition des « mesures supplémentaires » contre la Syrie évoquées dans la première version du texte au cas où Damas ne remplirait pas les conditions spécifiées. Et ce même si le délai de trente jours avant le rapport du secrétaire général de l’Onu sur l’application des revendications a été maintenu. De source diplomatique, on estime que le retrait de cette mention a ôté au texte son caractère d’« avertissement » adressé implicitement à la Syrie, même si on attend par ailleurs le rapport que fera Kofi Annan sur la question du retrait des forces étrangères du Liban. Dans ce sens, et malgré la visible déception libanaise, M. Obeid, qui avait effectué un forcing auprès des membres permanents du Conseil de sécurité, a qualifié de « positif » le fait que le texte initial ait été assoupli pour obtenir le vote de neuf membres nécessaire à son adoption. Des sources proches du pouvoir ont d’ailleurs estimé que « la résolution votée n’avait rien à voir avec l’objectif qui sous-tendait le projet initial, et qu’il n’aurait d’ailleurs aucune répercussion sur les relations libano-syriennes ou sur la présidentielle ». Reprenant au passage les vieux arguments autrefois opposés à ceux qui réclamaient l’application de la résolution 520 et le retrait syrien : « Le Liban ne considère pas les forces syriennes comme des forces étrangères, expression qui désigne les forces israéliennes, qui occupent toujours les hameaux de Chebaa », et « les pays promoteurs de la 1559 sont appelés à déployer la même ardeur pour l’application de la 425, de la 338 et de la 194 ». De plus, « Damas maintient au Liban une présence légale régie par le traité de fraternité et de coopération syro-libanais ». Sans oublier l’argumentation officielle concernant le parrainage de la Résistance. Le cas du Liban, ajoutent ces sources, ne saurait être identique, dans la mesure où il existe une entente entre le Liban et la Syrie, notamment concernant la présence militaire syrienne. De plus, l’argument de base, celui de l’élection présidentielle, « ne tient pas », poursuivent ces sources, puisque l’amendement constitutionnel « a reçu l’aval du gouvernement libanais avant la résolution onusienne, et qu’il n’existait de toute façon aucune volonté à Beyrouth de faire marche arrière ». Quelles que soient les analyses et les réactions, le constat reste le même à Beyrouth, dans les milieux diplomatiques. Selon des sources bien informées, « le Liban et la Syrie font face, après l’adoption de la 1559, à une situation délicate sur la scène internationale. Même si la prorogation du mandat présidentiel a déjà eu lieu, les États-Unis et la France exigent un retrait des forces syriennes et un désarmement des milices ». Pour des spécialistes de droit international, l’assouplissement de la résolution 1559 ne diminue en rien sa force. « Les Nations unies ont effectivement créé un précédent, comme l’a dit M. Obeid, le Conseil de sécurité étant intervenu à l’occasion d’une échéance politique interne (l’échéance présidentielle) sans qu’il y ait eu pour la première fois usage de la force physique pour imposer une situation de facto. En se saisissant du dossier libanais, le Conseil a étendu le droit d’intervention humanitaire, appliqué la première fois en 1991 » contre le régime de Saddam Hussein pour l’empêcher de réprimer la rébellion kurde en Irak, a estimé un professeur de droit international, Sami Salhab, cité par l’AFP. « Un véritable simulacre » Durant la séance du vote au Conseil de sécurité, le secrétaire général libanais aux Affaires étrangères p.i., Mohammed Issa, avait défendu la position libanaise, estimant que le gouvernement libanais avait invité sur son sol les troupes syriennes pour repousser « les actions radicales israéliennes », et ajoutant que la Syrie ne devait pas quitter le territoire libanais tant qu’Israël s’y maintient. « Nous pensons que le Liban devrait être autorisé à déterminer son avenir et à assumer le contrôle de son territoire. Pourtant, le peuple libanais n’est toujours pas en mesure d’exercer ses droits de peuple souverain », a indiqué de son côté le nouveau représentant permanent des États-Unis à l’Onu, John Danforth, après le vote. « Le Parlement et le gouvernement libanais devraient exprimer la volonté du peuple libanais par l’intermédiaire d’une élection présidentielle libre et équitable. Or le peuple libanais et la communauté internationale ont assisté la semaine passée, côté syrien, à un véritable simulacre quant au respect de ce principe. Ce que nous avons observé avec le peuple libanais ces dernières semaines est le non-respect de ce principe de la part de la Syrie. Il est évident que les parlementaires libanais ont été obligés et même menacés par la Syrie et ses agents », a-t-il souligné. Pour sa part, le représentant français, Jean-Marc de la Sablière, a estimé que le Conseil de sécurité avait agi essentiellement pour le bien de l’avenir du Liban. « Des hypothèses graves pèsent sur l’avenir du Liban : l’ingérence syrienne dans la vie politique du pays, et plus particulièrement dans le processus électoral, qui marque la crise actuelle, mais aussi le maintien de l’occupation, la présence persistante des milices armées. La France est profondément préoccupée par les risques d’un retour en arrière du Liban par rapport aux objectifs constamment réaffirmés par la communauté internationale. C’est pourquoi une mobilisation rapide et une réaction déterminée du Conseil de sécurité nous sont apparues indispensables. Le retrait des forces étrangères de tout le territoire libanais et le démantèlement des milices libanaises et non libanaises ne doivent plus être différés. Le processus électoral au Liban doit se poursuivre sans aucune interférence étrangère », a-t-il indiqué. Et d’ajouter: « Le Conseil ne commet pas d’ingérences en dénonçant le risque pour la paix et la sécurité internationales de la crise actuelle ; c’est au contraire en s’abstenant que le Conseil cautionnerait l’ingérence inadmissible d’un État dans les affaires intérieures d’un autre État souverain. La France estime qu’en réagissant avec fermeté, le Conseil de sécurité marque sa confiance en l’avenir du Liban. Cet avenir doit passer par la pleine restauration de sa souveraineté, et non par l’intensification des ingérences extérieures. » Enfin, la plupart des pays qui se sont abstenus lors du vote ont déclaré être d’accord avec la position du gouvernement de Beyrouth selon laquelle le texte onusien constituerait en soi une ingérence dans les affaires intérieures du Liban et n’aiderait en rien à l’instauration de la paix au Proche-Orient.
C’est avec un certain sentiment de gêne que Beyrouth a rejeté hier le vote de la résolution 1559 du Conseil de sécurité de l’Onu, qui a été acquis par 9 voix sur 15 (l’Angola, le Bénin, le Chili, la France, l’Allemagne, la Roumanie, l’Espagne, la Grande-Bretagne et les États-Unis), avec 6 abstentions (l’Algérie, le Brésil, la Chine, le Pakistan, les Philippines...