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Actualités - OPINION

L’apprentissage de la démocratie

Jamais le mot de Ghassan Tuéni dans son ouvrage Une guerre pour les autres n’a été si actuel. Les Libanais ne semblent pas avoir le droit d’être « seuls et ensemble ». L’appel des évêques maronites, mercredi, n’a pas dit autre chose : « Chaque fois que les musulmans et les chrétiens amorcent un rapprochement entre eux, il se trouve quelqu’un pour les en empêcher », dit l’appel. L’alinéa 7 du communiqué conjoint publié le 23 août par le mufti Mohammed Rachid Kabbani et cheikh Abdel Amir Kabalan, président du Conseil supérieur chiite, a représenté l’un de ces moments magiques au cours desquels les Libanais, « seuls et ensemble », ont existé. Hélas, et comme une cruelle illustration de l’axiome de Ghassan Tuéni, pour quelques heures seulement, puisque cet alinéa a été ensuite retiré, sous la pression politique, du communiqué. Pourtant cet alinéa, comme le Liban existe. Il faut en tout cas agir comme s’il existe. Que dit-il? Il dit simplement que la Constitution doit être respectée et formule le souhait que l’échéance présidentielle « renforce l’entente nationale et préserve la démocratie parlementaire » que nous sommes. Deux jours plus tôt, le chef de l’Église maronite avait manifesté sa crainte pour la démocratie au Liban, affirmant redouter un projet d’amendement constitutionnel qui permettrait la réélection indéfinie du chef de l’État. Le fait est que ce qui a été une apparente victoire des partisans de l’amendement constitutionnel est apparu pour beaucoup de Libanais comme un scandale et s’est transformé en un grave revers moral pour eux. Inversement, et pour les mêmes raisons, le revers essuyé par tous ceux qui ont cru à une « libanisation » de l’échéance présidentielle a fini par devenir une sorte de victoire morale, en raison même de la grossièreté avec laquelle on a convoqué le Conseil des ministres qui a approuvé le projet d’amendement. Il faut maintenant capitaliser sur cette victoire morale et empêcher qu’elle n’échappe aux mains des Libanais. C’est un acquis plus précieux qu’une résolution internationale parce qu’il est purement libanais, parce qu’à travers lui, une fois de plus, c’est le Liban qui existe. L’approbation explicite ou tacite par de nombreuses personnalités de tous bords et communautés de la teneur de l’appel des évêques maronites vient consolider ce consensus. Quel est le point essentiel de convergence entre les Libanais, musulmans et chrétiens, communautés religieuses et leaders politiques confondus ? C’est tout simplement la démocratie. « Un Liban démocratique est nécessaire à la Syrie », dit Walid Joumblatt. En fait, un Liban démocratique est nécessaire non seulement à la Syrie, mais aussi à tout le monde arabe. Avec la prorogation du mandat du président Lahoud, nous pourrrions aller droit à un « régime sécuritaire » aussi stérile que ceux qui nous ont conduits à la situation présente, au Liban et dans le monde arabe. Une « sécurité » faite au nom du changement, et dont l’histoire a prouvé qu’elle est une confiscation inutile de la liberté de plusieurs générations. L’apprentissage de la liberté, élément-clé de la modernité, est ce que la démocratie propose en échange. Et à côté duquel on cherche à nous faire passer. Fady NOUN
Jamais le mot de Ghassan Tuéni dans son ouvrage Une guerre pour les autres n’a été si actuel. Les Libanais ne semblent pas avoir le droit d’être « seuls et ensemble ». L’appel des évêques maronites, mercredi, n’a pas dit autre chose : « Chaque fois que les musulmans et les chrétiens amorcent un rapprochement entre eux, il se trouve quelqu’un pour les en empêcher...