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Actualités - OPINION

Haro ou bravo

De passage au pays après une très longue absence, un seul mot me revient à la bouche : bravo ! Je dirais même plus : un très grand bravo ! Et rien ni personne n’entachera cette impression, pas plus ces voix dissidentes, au timbre vieilli d’autrefois, ni tous ces partisans traditionnels du haro systématique, que je soupçonne être ceux-là mêmes qui ont contribué à notre perte. D’abord bravo pour cette paix civile retrouvée, une notion que nous avions rangé aux oubliettes des idées si précieusement inculquées sur les bancs d’école, au même titre que tant d’autres auxquelles nous avons hélas fait subir le même sort. Bien sûr, les partisans du haro systématique diront que cette paix n’est que cendres sous une braise encore plus ardente. Que le pays est une mèche qui n’attend qu’un artificier, et ils sont légion. Je me permets de leur répondre que le monde entier est une mèche, qu’il est aisé de crier le haro sur tout, mais que finalement rien ne compte autant que d’accomplir, de réaliser, de paver le chemin, et que la paix civile retrouvée est un énorme accomplissement, une fantastique réalisation qui permet d’envisager le meilleur des mondes, pourquoi pas. Voilà pour les partisans du haro. Et bravo pour tous les autres. Bravo pour cette reconstruction phénoménale, d’un style et d’un goût exquis, et qui en dit long sur ce que ce pays recèle de talents, de créativité et d’ingéniosité. Nous l’avons toujours su, jusqu’à ce jour maudit où on a voulu nous diviser, nous humilier et nous faire croire à notre veulerie, à notre disponibilité au plus offrant, à notre totale incapacité d’aller au-delà de ce qui se vend et s’achète, y compris le commerce de nos âmes. Quelle belle preuve du contraire! J’entends les voix des partisans du haro. Cette reconstruction des profiteurs va faire crouler tout l’édifice sous le poids du fardeau d’une dette contractée par les plus nantis sur le dos des plus démunis. Je me permets de leur servir le même argument. Ce qui compte, c’est l’action, l’entreprise qui implique une volonté dirigée, un effort concerté, un élan commun. La dette est un plat qui se mange froid autour d’une même table où sont assis les femmes et les hommes de bonne volonté qui veulent mettre leur pays sur la voie du devenir pour en faire une nation. Alors, un très grand bravo à ceux-là, et tant pis pour les autres. Bravo aussi à tous ces braves qui sont restés derrière, à manger de la vache enragée pendant des années. Par choix ou par nécessité qu’importe ! Ils sont restés, et c’est ce qui compte. Parmi eux, les journalistes, les professeurs, les intellectuels de tout bord, les employés de sociétés aujourd’hui florissantes, qui ont navigué dans des eaux si troubles qu’on pouvait les prendre aisément pour disparues. Et tous ces simples citoyens qui ont bravé ces vagues déferlantes qui emportaient, outre leurs modestes biens, tant d’êtres chers à jamais perdus. Bravo à tous ceux-là et de grâce, qu’aucune voix dissidente ne vienne troubler ce recueillement. Bravo à nos politiciens, oui je dis bien à nos politiciens. C’est le rempart contre lequel viennent buter tous ceux qui nous convoitent et nous les connaissons tous, n’est-ce pas ? Les partisans du haro nous diront que ce sont nos politiciens véreux, inféodés, corrompus – la liste d’épithètes désobligeants est très longue – qui sont les responsables de tous nos malheurs, besoin faut-il d’en fournir la preuve ? Oui, car ils ne sont pas plus responsables que les autres parties au problème. Au contraire, réfléchissons un peu. Tout vendus, corrompus, inféodés soient-ils, leurs allégeances intérieures (confessionnelles, partisanes, etc.), ou extérieures (pro ce pays ou cet autre) sont les garanties presque certaines qu’aucune partie ne prendra jamais le dessus sur les autres. Seul leur amour pour l’argent ne pourra jamais bénéficier au citoyen. Certes, des politiciens propres et consciencieux à la base, à supposer que cela existe, rendraient l’argument caduc. N’oublions tout de même pas l’environnement régional dans lequel nous nous trouvons. Le sang qui coule dans nos veines baigne dans un plasma régional contaminé à la source. On ne peut abattre des montagnes sans tarir la source. Il y a un mal à préserver : la source ou la montagne ? Alors bravo à nos politiciens qui nous préservent du mal, et au diable les partisans du haro. Nous sommes encore là. C’est ce qui compte. Bravo à nos chefs religieux. Oui, je dis bien à nos chefs religieux qui, par leur immixtion dans la chose publique, ont sauvegardé l’équilibre confessionnel tant décrié par les partisans du haro. Ils ont eux aussi fait rempart face aux assauts de forces hostiles. Il n’est pas aisé pour certains de l’admettre, moi en premier, mais le fait est là. Ce carcan qu’est l’équilibre confessionnel est un des garants de notre existence. C’est vrai. On nous le disait. Nous n’y croyions pas au nom d’autres convictions. Alors oui, bravo à nos chefs religieux, tous confondus. Bravo à nos écoles et universités qui continuent à offrir le meilleur et à former les meilleurs. Il ne faut rien prendre pour acquis. Un beau cliché qui tombe à point. Prenons pour exemple le bilinguisme. Quelle source de fierté que d’entendre une ou plusieurs langues étrangères si bien manipulées à chaque coin de rue ! Ce monde nous rapproche les uns des autres et les Libanais continuent, et de plus en plus, à jeter les ponts entre les nations. La vague de pessimisme qui flotte au-dessus de vos têtes n’est qu’un nuage passager. Les conditions d’un avenir lumineux sont réunies. Avec le recul du temps et de l’espace, on l’entrevoit mieux. Bravo à tous ! Ragi EL-HOSS
De passage au pays après une très longue absence, un seul mot me revient à la bouche : bravo ! Je dirais même plus : un très grand bravo ! Et rien ni personne n’entachera cette impression, pas plus ces voix dissidentes, au timbre vieilli d’autrefois, ni tous ces partisans traditionnels du haro systématique, que je soupçonne être ceux-là mêmes qui ont contribué à notre...