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Actualités - REPORTAGE

SÉCURITÉ ROUTIÈRE - Des tués par centaines et des milliers de blessés tous les ans Les accidents de la route, première cause de mortalité chez les jeunes au Liban (photos)

«La situation de la sécurité sur les voies publiques au Liban est très critique». Le rapport établi par SweRoad, une équipe suédoise de consultation sur la sécurité routière, est catégorique. Rien ne va plus sur nos routes nationales, devenues le théâtre de véritables hécatombes. Sollicitée par le ministère des Transports pour faire un bilan sur l’état de la circulation au Liban, l’équipe d’experts suédois qualifie les voies publiques libanaises «d’extrêmement dangereuses» et avance un nombre de morts et de blessés bien plus élevé que celui fourni par les Forces de sécurité intérieures. Cependant, les citoyens n’attendaient pas ces chiffres pour cerner l’ampleur de la catastrophe et réaliser les dangers qui les guettent à chaque coin de rue. Désormais, il ne reste plus une seule famille au Liban qui n’ait connu, de près ou de loin, un malheur dû aux accidents de la route. Témoins au jour le jour des innombrables tragédies qui endeuillent les foyers, les conducteurs savent pertinemment qu’ils risquent gros dès qu’ils prennent le volant, sans chercher pour autant à tirer les leçons du malheur des autres. Paradoxalement, c’est souvent le même citoyen qui critique, juge et se plaint de l’état des routes et de la conduite des autres qui continue de violer les règles dès que celles-ci ne lui conviennent plus. Les autorités «compétentes» rejettent la responsabilité sur les chauffeurs, les accusant d’être «immatures, indisciplinés et incorrigibles». Au tour de ces derniers de grogner, en accusant l’État de laxisme et d’irresponsabilité. Entre-temps, des milliers de jeunes sont happés par l’asphalte, des piétons heurtés sur les autoroutes, des enfants broyés par les roues de véhicules qui n’ont pas pu les éviter. La société d’expertise suédoise dénombre plus de 6000 tués et blessés par an et des pertes qui s’évaluent à près de 800 millions de dollars comptabilisées en termes de vies humaines, de frais hospitaliers et administratifs et de dommages matériels. Et le cercle infernal continue, aucune solution globale n’ayant été avancée jusque-là. Par où donc commencer et comment faire pour atténuer le nombre de décès et de handicapés? Un comité pour la circulation Pour les experts, le problème majeur réside dans la multiplication des autorités concernées qui, sans trop se soucier d’éduquer et de protéger le citoyen, se rejettent mutuellement les responsabilités. D’où la nécessité d’envisager l’éventualité d’une unification de toutes ces administrations au sein d’un conseil ad hoc chargé de superviser l’ensemble des opérations sur le terrain; ce qui pourrait constituer un début de solution, affirment les experts. C’est ce qu’a recommandé d’ailleurs la société de conseil suédoise dirigée par Carl Olof Haydman, qui a dirigé une équipe de travail durant un mois et demi et qui estime qu’il faudra d’abord bien définir les étapes dans le cadre d’une vision globale – qui n’a jamais vu le jour au Liban – et d’un plan de travail visant à maximiser la sécurité sur les voies publiques. Pour ces spécialistes, il est absolument nécessaire d’aborder le problème «dans sa globalité» en impliquant tous les secteurs administratifs et institutions concernées sans oublier le rôle primordial de la société civile. Un constat que fait également l’association pour la sécurité routière, Yasa, qui, après plusieurs années de militantisme dans le but de sensibiliser la population aux multiples dangers de la route et de définir les responsabilites de part et d’autre, a pu effectuer une analyse approfondie de la situation. Son fondateur, Ziad Akl, persiste et signe: «Le problème ne sera résolu, dit-il, que s’il est traité dans le cadre d’une approche multisectorielle», impliquant le citoyen, les ONG ainsi que les ministères concernés. Un constat qu’il résume par la formule des six «E» ( anglais) se référant chacun à une administration ou secteur donné. Engineering: impliquant le CDR, le ministère des Transports pour l’entretien des routes, et le ministère de l’Intérieur pour tout ce qui touche à la mécanique et aux relations avec les municipalités. Enforcement: ou l’application de la loi, impliquant essentiellement les FSI. Éducation: qui est l’œuvre du ministère de l’Éducation certes, mais aussi de la société civile qui a la responsabilité des campagnes de sensibilisation. Emergency: ou l’urgence, qui est de la responsabilité de la Défense civile, de la Croix-Rouge et du ministère de la Santé, pour ce qui est des soins a prodiguer a posteriori. Évaluation: qui est l’œuvre du département des statistiques chargé d’établir des études scientifiques. Encouragement: adressé à toutes les agences et tous organismes gouvernementaux censés promouvoir et assurer la sécurité routière. «Ce dernier point suppose des comptes à rendre de la part de tous ceux qui sont en charge et qui ont failli à leur mission», précise M. Akl. Tout en reconnaissant le rôle primordial que doit assumer chacune de ces administration, M. Akl indique qu’il est temps que le Liban envisage de confier le dossier de la sécurité routière à un organisme spécialisé qui superviserait toutes les opérations relatives à la circulation, à l’instar du Conseil supérieur de la sécurité routière en France, qui a la charge de la sécurité routière dans son ensemble. Doté de prérogatives extraordinaires, ce Conseil regroupe des représentants de tous les secteurs, planifie et supervise toutes les opérations sur le terrain. Le responsable de la Yasa souligne qu’au Liban, malheureusement, les accidents de la route «ne figurent pas à l’agenda des responsables, qui n’estiment toujours pas qu’il s’agit là d’un problème prioritaire, notamment par rapport aux questions régionales». D’où l’importance d’une décision politique qui puisse mobiliser les ressources humaines aussi bien que matérielles pour traiter ce fléau, dit-il. Citant les exemples européens, M. Akl explique comment la France, aussi bien que la Grande-Bretagne et l’Allemagne sont parvenus à réduire de manière drastique le nombre d’accidents suite à un plan de travail à long terme et à un suivi très rigoureux. Les chiffres sont effectivement éloquents: de 17000 tués par an en 1973, la France a réussi à réduire ce chiffre de deux tiers, pour le ramener à 6000 tués en 2004. Même scénario, à quelques variantes près en Grande-Bretagne, qui, en 2004, a enregistré un taux de 3400 tués sur un total de 27 millions de voitures. L’Allemagne a également réussi à faire baisser le chiffre jusqu’à 7000 décès en 2004 alors qu’il était de 25000 en 1973. Au Liban, la moyenne est nettement plus élevée par rapport au nombre de la population et de voitures en circulation, et les décès sont très nombreux parmi les jeunes et les enfants surtout. Des bilans lourds mais controversés Selon un bilan établi par l’OMS, les accidents de voiture constituent la première cause de mortalité des jeunes entre 16 et 27 ans. Au Liban, cette tranche d’âge est beaucoup plus large. Elle touche les enfants à partir de quatre ans et les jeunes jusqu’à l’âge de 30 ans. Quant au nombre des morts par an, les chiffres varient selon les études. Pour SweRoad, l’année 2003 a enregistré 500 morts et 6000 blessés graves, dont 500 personnes paralysées à vie. Les FSI avancent toutefois des chiffres nettement plus atténués, à savoir 346 tués en 2003 et 2754 blessés. Pour le général Abdel Badi’ el-Soussi, commandant de la section de la circulation à Beyrouth, le nombre global d’accidents a baissé dans l’ensemble. Par contre, le nombre d’accidents mortels a augmenté, les routes étant devenues «plus dangereuses» à cause notamment du développement accéléré du réseau routier à partir de 2001. Selon le général Soussi, les chiffres recueillis par les Forces de sécurité intérieures «sont les plus fiables». Il affirme que les statistiques avancées par le ministère de l’Intérieur englobent les décès qui surviennent même plusieurs mois après l’accident. «L’enquête n’est close qu’une fois le blessé sorti de l’hôpital», assure le général. Énumérant les causes des accidents (voir encadré), le général insiste sur la responsabilité du conducteur qui, non seulement ne respecte pas le code de la route – puisque de toute manière il l’ignore au départ –, mais refuse également de tirer les leçons des erreurs commises par les autres, voir même de ses propres erreurs. Le général ajoute que le problème réside également au niveau de la loi qui reste, selon lui «relativement tolérante». Certes, il reconnaît que les contrevenants sont passibles d’amendes qui varient entre 20000 LL et 50000 LL. «Mais cela ne suffit pas», selon le général, qui recommande au législateur de revoir «le montant ainsi que l’efficacité des sanctions». Selon lui, le législateur devrait introduire le système des points. Ainsi, au bout de plusieurs fautes, le contrevenant est sanctionné par le retrait du permis, jusqu’à concurrence d’un an, et définitivement en cas de délit grave, comme c’est le cas dans plusieurs pays européens. Une revendication adoptée depuis plusieurs années par les associations qui militent pour une plus grande sécurité routière, notamment la Yasa. Et le général d’aller encore plus loin dans la question des réformes: «Tout conducteur qui s’aventure à bord de son véhicule sans permis de conduire, surtout si celui-ci lui a été retiré par les autorités, devrait être emprisonné. Or cette sanction n’existe pas à ce jour.» Mais qu’est-il donc advenu des alcootests et des radars autour desquels les autorités avaient fait autant de tapage médiatique? Et quel est le degré de leur efficacité? Sans vouloir minimiser l’impact de ces deux moyens de contrôle, le général Soussi laisse entendre qu’aussi bien l’alcootest que les radars – au nombre de 12 seulement pour la capitale – continuent d’être utilisés dans la mesure des moyens humains et techniques possibles. En d’autres termes, les FSI ne sont pas dotées du nombre suffisant d’alcootests, ni de radars très perfectionnés, dont le coût de l’unité s’élève à plusieurs centaines de milliers de dollars. À la question de savoir si les effectifs qui sont affectés aux problèmes de la circulation étaient suffisants, le général reconnaît qu’il y a incontestablement un manque d’effectifs pour assurer une meilleure organisation sur l’ensemble du territoire libanais et notamment dans le Beyrouth administratif, qui est le secteur couvert par son unité formée de près de 300 gendarmes. Cependant, dit-il, «la solution n’est pas dans l’augmentation des effectifs, mais dans le respect par le citoyen du code de la route et des lois en vigueur». Et le général d’abonder dans le sens de Ziad Akl en insistant sur l’importance de «l’unification de toutes les questions relatives à la circulation», en créant notamment un organisme regroupant les représentants administratifs concernés. Également parmi les recommandations qu’il préconise, la nomination d’officiers spécialisés et entraînés pour gérer la circulation. Pour le général Soussi, la «prévention» reste le moyen le plus efficace contre le fléau. À cette fin, il préconise une campagne de sensibilisation «dès le plus jeune âge dans les écoles, soit à partir de 11 ans et jusqu’à 18 ans». Le responsable propose alors que des cours spécialisés soient dispensés aux écoliers en fonction de chaque catégorie d’âge pour préparer les jeunes à affronter les dangers de la route. Autant d’idées qui n’attendent qu’à se concrétiser à condition qu’il y ait, cette fois-ci , une réelle volonté de protéger les vies humaines. Jeanine JALKH Les causes du fléau – L’alcool. – La vitesse. – Le refus de mettre la ceinture (90 % de la population). – L’usage du cellulaire. – La musique assourdissante. – Le non-respect du code la route et de la signalisation. – Les problèmes mécaniques. – La surcharge des camions.

«La situation de la sécurité sur les voies publiques au Liban est très critique». Le rapport établi par SweRoad, une équipe suédoise de consultation sur la sécurité routière, est catégorique. Rien ne va plus sur nos routes nationales, devenues le théâtre de véritables hécatombes. Sollicitée par le ministère des Transports pour faire un bilan sur l’état de la circulation au...