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Actualités - OPINION

perspectiveS - Washington n’ayant pas d’emprise sur les députés, Damas devra peser les risques d’un choix monochrome pour la présidentielle La reconduction à titre définitif, un piège lourd de conséquences

La libanisation de l’élection présidentielle signifie donc des concertations entreprises... à Damas par le président syrien ! Une réalité amère qui a au moins pour avantage (une sorte de lot de consolation) de nous rappeler à nos tristes réalités. Et qui permet surtout de faire apparaître au grand jour les choses comme elles sont, sans trop s’encombrer des apparences, souvent trompeuses. Compte tenu de la caste politico-sécuritaire en charge du pays depuis près de quinze ans, nul ne se faisait en effet d’illusions sur la tournure que prendrait l’échéance automnale. Une « petite » inconnue reste toutefois à éclaircir : la décision dans le choix du président serait-elle exclusivement syrienne ou plutôt syro-américaine, ou aussi syro-américano-française ? Dans l’attente de pouvoir apporter une réponse à cette question, force est de relever qu’à l’évidence, Washington n’a pratiquement aucune emprise (ou en tout cas très peu) sur le corps électoral des 128 députés appelé à mettre en scène la désignation du successeur du général Émile Lahoud. Si le profil et l’identité du prochain locataire de Baabda revêtent réellement pour l’Administration US une quelconque importance – pour des considérations clairement régionales – les Américains devraient donc négocier ce point précis avec Damas. Ce qui les placerait en position de demandeurs. Éventualité très peu probable, car pour eux, même si le choix du futur chef de l’État s’inscrit dans le cadre de leur vision stratégique régionale, portant sur le rôle et le poids de la Syrie dans le nouveau Moyen-Orient, il ne constitue peut-être pas un enjeu suffisamment crucial pour qu’ils s’engagent dans un jeu de concessions réciproques à ce propos avec Damas. Dans l’incapacité donc de peser directement sur le cours de la présidentielle, Washington semble se contenter de définir une position de principe, conforme à ses objectifs globaux, sans trop rentrer dans les détails. Cela revient à faire parvenir à qui de droit des messages plus ou moins fermes, suivant l’importance que revêt l’échéance pour la superpuissance. « Les choses ne sont plus aujourd’hui ce qu’elles étaient il y a quinze ou vingt ans », a souligné sans ambages le nouvel ambassadeur américain, Jeffrey Feltman, quelques heures avant son arrivée à Beyrouth. En clair : fini le temps où l’Administration US marchandait le nom du président avec le régime syrien. Cette fois-ci, Washington a fait connaître publiquement son point de vue. Il revient à Damas de peser les risques que comporterait une décision non conciliatoire. Au plan strictement local, cette éventuelle décision monochrome pourrait se traduire, entre autres, par un amendement du fameux article 49 de la Constitution, de manière à permettre soit la prorogation soit la reconduction pure et simple du mandat du président Lahoud. Pour faire avaler la pilule, et afin de ne pas paraître modifier la loi fondamentale au profit d’une personne, il serait question de reformuler l’article 49 en stipulant que désormais le mandat du chef de l’État pourrait être renouvelé de façon permanente. Une telle mesure constituerait un véritable piège qui serait beaucoup plus grave et aurait des retombées de loin plus sérieuses qu’une prorogation conjoncturelle « pour une seule fois et à titre exceptionnel », comme ce fut le cas en 1995 avec le président Élias Hraoui. Car dans le seul but de permettre le maintien du général Lahoud à Baabda, on aurait modifié profondément la nature même du système politique en place, ou tout au moins le rapport de forces entre les pôles du pouvoir censés représenter, au niveau étatique, les principales composantes communautaires du pays. Prévoir définitivement un possible renouvellement du mandat présidentiel reviendrait en effet à affaiblir encore plus la première magistrature en hypothéquant l’action du chef de l’État. Celui-ci se verrait contraint d’amadouer en permanence aussi bien les fractions locales que les décideurs étrangers afin d’assurer sa reconduction. Cela diminuerait d’autant sa marge de manœuvre, déjà sensiblement réduite depuis Taëf. Certains observateurs continuent d’espérer que la présidentielle fournira l’occasion aux décideurs (syriens) d’adresser un message fort à Bkerké, en favorisant le choix d’un candidat qui bénéficierait de la confiance du patriarche maronite et qui serait par conséquent crédible aux yeux de l’opinion chrétienne. Un candidat qui n’aurait pas pour seul et unique atout le soutien de Damas, mais qui serait aussi capable d’adopter des mesures concrètes pour rétablir l’équilibre national en initiant le chantier du dialogue interne, des réformes, de la réconciliation et de l’entente véritables. Un nouvel affaiblissement de la position du président de la République – par le biais d’un amendement piégé de l’article 49 – aurait pour conséquence d’approfondir encore davantage le sentiment de marginalisation que ressent la collectivité chrétienne. C’est en définitive à ce dossier précis – le rétablissement de l’équilibre interne – que devrait s’atteler le futur chef de l’État. Si ce critère de choix est primordial dans le contexte présent, c’est qu’il y va dans une large mesure de la sauvegarde des spécificités du Liban. Et donc de la raison d’être et des fondements de l’entité libanaise. Michel TOUMA
La libanisation de l’élection présidentielle signifie donc des concertations entreprises... à Damas par le président syrien ! Une réalité amère qui a au moins pour avantage (une sorte de lot de consolation) de nous rappeler à nos tristes réalités. Et qui permet surtout de faire apparaître au grand jour les choses comme elles sont, sans trop s’encombrer des apparences,...