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MUNICIPALES - Participation archiminimale ; les chrétiens qui ont voté l’ont fait pour l’opposition ; les forces de l’ordre remarquables Achrafieh, Saïfi, Rmeil, Medawar, Port, Mina el-Hosn : un long dimanche de désamour (Photo)

Rafic Hariri remportera les élections municipales beyrouthines. C’est presque une lapalissade. « Voter, c’est consacrer la démocratie à Beyrouth », a-t-il dit dès potron-minet, après avoir rempli son devoir citoyen. Sauf que les électeurs d’Achrafieh, Saïfi, Rmeil, Medawar, Port et Mina el-Hosn – tous à majorité chrétienne – ne l’ont pas écouté, totalement démobilisés par l’absence d’enjeu, la suprématie du fait accompli, sans compter leur manque historique d’enthousiasme électoral lorsque tout est joué, selon eux, d’avance. À peine 20, peut-être 25 % des électeurs de ces six secteurs ont jugé bon de se déplacer. Et lorsqu’ils l’on fait, c’était sinon pour plébisciter l’opposition, « seule vectrice de changement », ont-ils dit, du moins pour panacher. Et, surtout, pour voter pour leurs moukhtars. C’était pourtant eux, les électeurs chrétiens de Beyrouth, qui auraient pu conférer au Premier ministre quelque chose d’essentiel qui lui fait cruellement défaut, malgré son impressionnante stature sunnito-internationale : une dimension simplement nationale. Pour un éventuel nouveau triomphe, Rafic Hariri devra attendre, et, surtout, « revoir sa copie », selon ses concitoyens. 10h10, Saïfi, USJ. Georges Tyan, indépendant sur la liste haririenne, à L’Orient-Le Jour : « Il faut que les chrétiens se mobilisent, votent utile. » Un credo, une obsession, pour l’un des (futurs) conseillers municipaux préférés des Beyrouthins des six secteurs, et qui nie catégoriquement avoir servi de monnaie d’échange entre Amine Gemayel et Rafic Hariri. Un électeur grec-catholique à OLJ : « Je vote pour la liste d’opposition de Sélim Yassine, Khaled Daouk et les aounistes. » Slogan national ou vote 100 % beyrouthin ? « Pour le principe : je vote contre l’occupation syrienne et contre l’influence de Hariri. » Vous habitiez Achrafieh entre 1988 et 1990 ? « Oui, et j’ai même reçu un obus en plein dans mon appartement, envoyé par les aounistes de Roumié. » Fascinant. Une autre panachera en fonction des gens qu’elle connaît. Le taux de participation est de 5 %. Makram Zeeni, électeur, à OLJ : « Je balance. Si on donne tout à une seule personne, ce n’est plus de la démocratie. Il faut qu’il y ait une percée aouniste, ou communiste ; que les électeurs préparent les législatives à venir, la voix du peuple est la seule façon de bouter hors du Liban les armées occupantes. Malheureusement, les Beyrouthins ne bougent pas, et l’opposition n’a fait aucun travail de relations publiques. » On évoque des scrutateurs absents, des retards d’ouverture de bureaux. 10h30, Saïfi, Collège de l’Uruguay. Le taux de participation est entre 2 et 4 % ; l’isoloir est respecté ; l’ambiance est très bon enfant ; les scrutateurs aounistes – mais aussi haririens – ne sont pas dans les bureaux. Le CPL préfère les savoir dans les quartiers pour inciter les Beyrouthins au vote. Trois aounistes, dont Georges Haddad, ont été arrêtés devant l’école des Trois Docteurs parce qu’ils distribuaient des tracts « contre l’occupation syrienne », et emmenés à la Quarantaine. Nohad Khoury, électrice : « Je suis venue parce que c’est mon devoir. On se plaint et on ne fait rien, il faut que l’on s’oppose... » 11h20, Achrafieh, école des Trois Docteurs. Les FL assurent qu’ils n’appuient personne pour l’élection municipale, ils ont juste leur moukhtar, pour lequel ils se battent : Semaan Mikhaïl Khoury. Le taux de participation est de 10 %. La liste de l’opposition remporte tous les suffrages : « C’est un slogan national, et je suis sûre que l’on pourra se faufiler de quelque part », dit une électrice ; « On n’en peut plus, khalass, c’est tellement joli, le changement », dit une autre ; « Je vote pour ceux qui aident les pauvres, ceux qui ne pensent pas à leurs propres intérêts, c’est-à-dire Nabih Berry et l’opposition », soutient une troisième, chiite, « baptisée chez les grecs-catholiques » et qui a épousé un maronite. C’est ça le Liban. Un jeune homme présentant tous les signes extérieurs de masculinité est trimballé de bureau en bureau parce que sur sa carte d’électeur, il y a marqué, noir sur blanc : « sexe : féminin ». Les forces de l’ordre sont mortes de rire. 11h35, Achrafieh, école Laure Moghaïzel. Le taux de participation est inférieur à 10 %. « Je marche avec ceux qui sont debout, je vote pour Rafic Hariri », dit une électrice. Les moukhtars mobilisent beaucoup plus que les conseillers municipaux. « Si on veut changer les choses, il faut que l’on bouge, qu’on entraîne les générations futures ; si le changement n’est pas pour aujourd’hui, il sera pour demain », dit une électrice syrienne-catholique. À 11h55, les FL et les aounistes décident de s’entraider. Initiative conjoncturelle ou décision beyrouthine ? Les candidats aounistes ne le savent pas. 12h10, Achrafieh, école de Karm el-Zeitoun pour les filles. Les Achrafiotes sont toujours aussi peu mobilisés, mais continuent de voter pour l’opposition, ou alors ils panachent. « Notre voix n’existe pas mais elle influera, j’en suis sûr. Il faut dire qu’il y a une minorité consistante qui n’est pas de l’avis du rouleau compresseur », dit un électeur, habitant du Metn. La liste Achrafieh libre pour les municipales est omniprésente. Un scrutateur haririen accuse le mohafez d’avoir tardé à délivrer des laissez-passer. « La liste Hariri gagnera 24-0 », dit-il, mi-figue, mi-raisin. 12h35, Achrafieh, Zahret el-Ihsan. Le panachage va bon train. Les Achrafiotes veulent « remplir leur devoir ». Ils ne sont pas très nombreux. 15 % : le taux de participation grimpe légèrement dans quelques bureaux. Georges Nakhlé à OLJ : « Aucun accord, ni de loin ni de près, entre les aounistes et les Kataëb. » « Nous voulons être un peu plus libanais », dit une électrice opposante ; une autre déplore la division « et la bêtise » de l’opposition : « Je vote blanc, sauf pour les moukhtars. » Un aspirant moukhtar justement, coiffeur de son état, Joseph Zeidane, parcourt les bureaux sans lâcher une photo de la Vierge. Un scrutateur aouniste déplore l’absence de listes électorales exactes. Incident isolé. Les forces de l’ordre sont amènes et sympathiques. Et polies. Enfin ! 12h55, Achrafieh, École officielle de Tabaris. « Le changement naît grâce aux jeunes. On veut changer le système », dit un électeur de 31 ans. Un père, qui vote depuis 45 ans, et son fils viennent ensemble ; chacun vote en son âme et conscience, pas influencé par l’autre, « pour la liberté et l’indépendance du pays ». « Mon opposition s’inscrit au niveau national, même si je refuse aussi qu’un fils de Saïda vienne exercer son hégémonie à Beyrouth. On entendra ma voix, même si elle ne changera rien », scande un autre électeur. 20 à 25 % de participation dans un ou deux bureaux grecs-orthodoxes. Un abstentionniste repenti est revenu sur sa décision, a voté pour l’opposition, « c’est dans les urnes qu’il faut que l’on hurle ». Les plateaux-repas sont frappés du sigle des Kataëb. Une grecque-orthodoxe sourit jusqu’aux oreilles : « Je vote pour toute la liste haririenne. J’aime Rafic Hariri. » 13h20, Achrafieh, école Salma Sayegh. Le taux de participation stagne moyen est de 13%. Les sunnites votent plus. Pas toujours pour le Premier ministre: « J’ai voté pour l’opposition, je suis un démocrate, contre le rouleau compresseur de l’argent », dit Mohammed el-Halabi. Des Beydoun ont rédigé leur propre liste à la maison, en panachant. Les moukhtars sauvent les municipales, « sans eux, quasiment personne ne se serait déplacé ». L’opposition fait le plein des voix, « on pèse le pour et le contre, puis on se décide pour elle », dit une voix. Une « téta » et son petit-fils voteront blanc, « la loi sur les municipales est scandaleuse ». Aucun juif inscrit n’est venu voter. 14h00. Michel Pharaon explique pour L’Orient-Le Jour les inconvénients d’une liste d’entente, le manque de mobilisation, les problèmes d’organisation de la machine électorale dans les quartiers chrétiens, souligne les vices d’une surpolitisation, l’absence d’une véritable campagne marketing. « L’opposition a eu le temps de se mobiliser », dit-il. Nabil de Freige à OLJ : « Nous n’avons pas estimé que c’était une bataille politique, sinon la machine électorale aurait été conséquente. Les chrétiens de Beyrouth font comme à Baabda-Aley, ils votent pour des aounistes qu’ils ne connaissent pas, simplement parce qu’ils sont estampillés opposition. » Sélim Yassine à OLJ : « Les chrétiens n’ont pas compris que la seule façon de sortir de la mouise est de participer à la vie politique. Ils suivent les consignes des losers de Kornet Chehwane. » 15h00, Achrafieh, école Abou-Taleb. 17 % : le taux de participation. Une sunnite très élégamment voilée : « Je ne voulais pas voter mais Hariri exerce une telle pression que je me suis sentie obligée de voter pour l’opposition. Je refuse que l’on me dicte ma conduite. » La majorité vote pourtant pour le Premier ministre et une grande partie des électeurs refuse de répondre aux questions. Les chiites ont voté à 9 %. 15h20, Mina el-Hosn, école arménienne évangélique. Deux juifs sur près de 4 800 inscrits ont voté ; l’une seulement pour le moukhtar. Les hezbollahis sont, comme d’habitude, ultradisciplinés : « Même si c’est le Premier ministre qui a fait la liste, c’est celle du Hezb », dit un jeune chiite. Les minorités se déplacent à peine : 10 % de participation en moyenne. Casquette et ceinture et escarpins orange, une jeune chiite dans le vent dit qu’elle ne connaît personne et qu’elle veut panacher. Un membre du Tachnag reconnaît qu’il « n’y a pas mieux que Hariri ». On a soupçonné les Arméniens, plus tôt dans la journée, de biffer tous les noms de la liste haririenne, sauf les Arméniens. Les maronites votent à 17 %. 15h45, Port, collège du Sacré-Cœur. Le vote « est très timide », selon les présidents de bureau. Les Arméniens votent pour Hariri ; les scrutateurs du Premier ministre sont devenus bien plus entreprenants que dans la matinée. Un grec-catholique et son épouse parlent de découragement, d’« un rouleau compresseur, du culte de la personnalité, de l’argent », et d’« une opposition désorganisée, tous deux sans programme ». Ils panacheront la liste de l’opposition avec des candidats haririens chrétiens qu’ils apprécient, ou dont ils ont entendu parler : Georges Tyan, Ralph Eid, Antoine Syriani, Sélim Saad. 16h15, puis 16h25, puis 16h50, Rmeil, école des Trois Docteurs, puis La Sagesse, puis Medawar, Caserne des pompiers. Morceaux choisis : « Je ne vote pas nécessairement contre Rafic Hariri » ; « Si je pouvais, j’aurais voté contre Lahoud et Hariri » ; « Un bébé, s’il ne pleure pas, on ne saura pas qu’il a faim » ; « Je ne vote pas nécessairement contre Hariri, mais si le pays reste tel quel, c’est une catastrophe » ; « Non, je n’ai pas l’impression d’avantager Lahoud en votant contre Hariri » ; « En votant pour l’opposition, c’est pour le pays que je le fais, pas contre quelqu’un de précis ». « Je n’ai pas de droits, que des devoirs que je remplis, je ne vote pas, j’accompagne ma mère qui vote pour l’opposition » ; « Parfois, une voix change tout ». Même si les propos sont virulents, voire militants, le taux de participation n’a pas grimpé : il plafonne, partout, à 25 %. Un clash oppose une électrice aouniste à des scrutateurs haririens et Tachnag, le commandant du détachement des forces de l’ordre à La Sagesse intervient pour appliquer la loi et forcer les scrutateurs à ne donner aucune liste à l’intérieur des bureaux. Bravo encore. Les chiites d’Amal panachent. « Chezok » : c’est le slogan ultrapragmatique d’un scrutateur du Tachnag, interrogé sur la nouvelle alliance de son parti avec le Premier ministre : « Ni avec l’un ni avec l’autre ; avec l’un et avec l’autre. » Ziyad MAKHOUL
Rafic Hariri remportera les élections municipales beyrouthines. C’est presque une lapalissade. « Voter, c’est consacrer la démocratie à Beyrouth », a-t-il dit dès potron-minet, après avoir rempli son devoir citoyen. Sauf que les électeurs d’Achrafieh, Saïfi, Rmeil, Medawar, Port et Mina el-Hosn – tous à majorité chrétienne – ne l’ont pas écouté, totalement...