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Actualités - OPINION

courrier - « Je reste, parce que je suis bien dans notre pays et qu’il nous donne, malgré tout, beaucoup de choses »

«Tableau d’une jeunesse blasée et divisée ». Tel est le titre d’un article paru récemment dans L’Orient-Le Jour et qui reflète une opinion qu’on entend souvent de la bouche de centaines de jeunes ou de moins jeunes (voir notre édition du vendredi 16 juillet). « Les jeunes sont les plus grandes victimes de la guerre », « Il n’y a aucune unité entre jeunes », « Il n’y a pas de motivation »... Je ne me suis pas étonnée lorsque j’ai lu l’article de Bachir Khoury, un étudiant, donc un jeune comme moi. Je n’étais pas étonnée, mais je n’étais pas d’accord non plus, du moins sur certains points qu’il a relevés. Bien sûr, comme le dit le dicton, « il n’y a pas de fumée sans feu ». M. Khoury dit qu’il est blasé, déçu, face à la situation dans laquelle se trouve son pays. Ce n’est pas cela que je conteste. Je suis également déçue par la politique, par le manque de possibilités de travail, par le peu d’intérêt manifesté à l’égard de l’écologie, et j’en passe. Mais à un certain moment, l’auteur de l’article divise la jeunesse en trois catégories. Je résume : les émigrants, les apathiques et les « happy few » qui essayeraient, en vain, de sauver le patrimoine de leur pays. Je ne sais pas où il se situerait, mais personnellement je ne trouve ma place dans aucune des trois catégories. Tout d’abord, je suis loin de penser à construire mon avenir ailleurs, et, autour de moi, bon nombre de jeunes pensent comme moi. Nous sommes là. Nous ne sommes pas les fils ou les filles de richards, mais nous travaillons là parce que nous sommes bien dans notre pays et nous considérons qu’il nous donne beaucoup de choses, malgré tout. Des choses essentielles : la famille, les amis, l’entourage... Le « petit Liban » fait qu’un Libanais n’est jamais perdu ou seul, quel que soit son problème. C’est ce soutien qui m’encourage et qui encourage beaucoup d’autres à rester. Et puis quand on aborde la question du chômage, je me demande quel pays aujourd’hui ne connaît pas un taux élevé de chômage. Les jeunes peuvent trouver des emplois au Liban. L’important, c’est qu’ils cherchent, qu’ils visent haut, qu’ils soient patients. J’ai plusieurs exemples sur ce plan autour de moi. Je reste, aussi, parce que j’adore la vie de nuit à Beyrouth et que je côtoie dans les pubs « les riches avec leurs voitures prétentieuses ». Je tiens à préciser que ces voitures prétentieuses portent de moins en moins la marque libanaise et que la plupart ne concerne pas, donc, la jeunesse libanaise. Enfin, je refuse de faire partie de la troisième catégorie, celle des « happy few » qui semblent être les seuls à sauvegarder les valeurs de leur pays. Avec toute la fierté que j’ai de porter, de connaître, et de découvrir encore l’histoire de mon pays, avec ce que cela inclut comme mythes et légendes vivantes. Je suis surtout intéressée par le présent, oui le présent, et non par le futur, parce que c’est avec ce présent que nous construisons le futur. En disant « futur », je ne prends partie pour aucune fraction politique, ne vous méprenez surtout pas. Je vois beaucoup de jeunes blasés, beaucoup de fanatiques qui défendent telle ou telle confession, mais je vois aussi des mariages mixtes, des amitiés qui vont au-delà de toute barrière confessionnelle. Je vois un pays où il y a autant de problèmes et d’avantages que dans d’autres pays. À un ami qui m’avait dit une fois « je n’ai pas de chance, je suis né libanais », je réponds que s’il reste, s’il revient encore et encore, s’il hésite à partir définitivement, comme tant de jeunes le font si souvent, c’est que le Liban a de la chance d’avoir une jeunesse toujours en mouvement qui, même en temps de crise, ne sera jamais écrasée, jamais figée, jamais réduite au silence. Annarita YAZBEK Enseignante

«Tableau d’une jeunesse blasée et divisée ». Tel est le titre d’un article paru récemment dans L’Orient-Le Jour et qui reflète une opinion qu’on entend souvent de la bouche de centaines de jeunes ou de moins jeunes (voir notre édition du vendredi 16 juillet).
« Les jeunes sont les plus grandes victimes de la guerre », « Il n’y a aucune unité entre jeunes », «...