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À défaut de reconduction, Baabda aurait son mot à dire dans le choix du président

Dans les pays froids, on y est habitué depuis longtemps : dans les conflits d’intérêts, et a fortiori dans les chocs d’idées, on ne voit rien de personnel. Ce n’est pas toujours le cas dans les pays de soleil, où la passion l’emporte souvent sur la raison. Ainsi, aujourd’hui, certains loyalistes ultras interprètent le rejet de la reconduction comme une atteinte directe au chef de l’État, à ses qualités, aux valeurs qu’il défend. Cette approche subjective sidère un ministre dont la culture politique est appréciable. Pour la démolir, il se réfère à un précédent prestigieux. En rappelant que Michel Chiha, malgré ses liens de famille avec cheikh Béchara el-Khoury, s’était vigoureusement dressé contre le projet de reconduction. Il avait bombardé le régime d’articles publié dans Le Jour. Pour mettre en garde contre les retombées d’une violation de l’esprit de la Constitution. Un texte fondateur dont il avait été lui-même l’un des grands artisans. La faute en perspective était d’autant plus marquée qu’elle avait été préparée, en 1947, par des élections législatives truquées. Les remontrances de Chiha, le régime d’alors n’en avait eu cure. Mais les événements ont vite donné raison au penseur. Trois ans après la réélection, une révolution blanche avait éclaté, et Béchara el-Khoury avait quitté le pouvoir. En fait, dès cette époque, la personnalisation, que les ultras d’aujourd’hui prétendent dénoncer, était surtout le fait des parties qui soutenaient la reconduction. Pour des motifs d’intérêts particuliers divers, donc pour des raisons essentiellement personnelles. Ils flattaient le régime à cette fin. Plus tard, Saëb Salam aimait répéter ce proverbe : « Le véritable ami, c’est celui qui te dit la vérité et non pas celui qui t’applaudit. » Dès lors, enchaîne le ministre cité, les vrais amis du président Lahoud se trouvent parmi ceux qui l’invitent à écarter l’idée d’une reconduction. Car la première mission d’un chef d’État est d’être le gardien de la Constitution. Comme elle le lui commande, au dernier jour de son exercice, il doit céder la place. Et il peut alors quitter le palais présidentiel la tête haute. Donnant ainsi l’exemple à la chaîne de ses successeurs. Ce qui éviterait au pays les secousses qu’il subit à chaque fin de mandat. La même personnalité souligne que dans la difficile situation présente, la présidence de la République, si l’on y regarde de près, n’est pas un cadeau. La griserie des honneurs ou de la gloire ne doit pas aveugler les prétendants. Une bien lourde responsabilité attend en effet celui qui sera élu. La région est sur un volcan. Des bouleversements risquent de s’y produire. La stabilité interne pourrait s’en ressentir. La crise socio-économique s’aggraver. Au lieu d’ouvrir la voie au redressement, le prochain régime pourrait être témoin d’un effroyable effondrement. Du rêve, comme cela s’était produit en 1976. L’on avait anticipé de six mois l’élection d’Élias Sarkis, pour que les combats prennent fin au début de son mandat. Après un arrangement de quelques mois, la guerre avait repris avec encore plus de rage. Et le régime avait dû se contenter de gérer le chaos, de protéger ce qui pouvait l’être encore, de défendre des vies. De même, aujourd’hui il faut, selon ce ministre, avoir l’esprit de sacrifice bien ancré en soi pour briguer la présidence. Car c’est le saut dans l’inconnu. Avec la crainte de se retrouver paralysé face à des déferlantes de cataclysmes politiques, sécuritaires ou socio-économiques. Une seule arme, pour lutter : l’union nationale. Or cette union fait clairement défaut en ce qui concerne la reconduction. Si elle devait avoir lieu, le régime n’aurait pas les moyens d’agir, de redresser la barre. Il ne serait pas suivi par le pays. À partir de ce constat, plusieurs sages estiment que Baabda, pour remettre le Liban sur les rails et lui épargner des tensions préjudiciables, devrait lui-même couper court au bruitage autour de la reconduction. Le président reprendrait la main, mobiliserait le pays pour initier une réforme, engagerait une dynamique dont les Libanais lui seraient reconnaissants. Et se gagnerait une position de choix qui lui permettrait d’avoir son mot à dire dans l’élection de son successeur. Il serait en mesure d’influer sur la décision des grands électeurs. Qui pourraient, en tout cas, lui reconnaître un droit de veto contre tel ou tel nom lui déplaisant. Autrement dit, il suivrait encore une fois l’exemple de Fouad Chéhab. Qui, après avoir renoncé à la reconduction, avait en quelque sorte désigné Charles Hélou pour prendre le relais. Émile KHOURY
Dans les pays froids, on y est habitué depuis longtemps : dans les conflits d’intérêts, et a fortiori dans les chocs d’idées, on ne voit rien de personnel. Ce n’est pas toujours le cas dans les pays de soleil, où la passion l’emporte souvent sur la raison. Ainsi, aujourd’hui, certains loyalistes ultras interprètent le rejet de la reconduction comme une atteinte directe...