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LIBAN-IRAK - Trois otages libanais libérés en 24 heures Antoine Antoun à « L’Orient-Le Jour » : « J’avais perdu tout espoir d’être libéré » (photo)

Antoine Antoun, enlevé le 29 juillet dans la région de Youssefieh, à 40 kilomètres de Bagdad, a été relâché hier matin par ses ravisseurs – des miliciens de l’« armée islamique irakienne » –, ce qui porte à trois le nombre d’otages libanais libérés en 24 heures en Irak. Dans une interview par téléphone à « L’Orient-Le Jour », Antoine Antoun, qui se trouve toujours à Bagdad et devrait rentrer au Liban dans les prochaines 48 heures, a raconté les détails de son enlèvement et de sa détention. Les camionneurs, Kassem Merkbaoui et Nasser el-Joundi, enlevés vendredi dernier, avaient été relâchés tard dans la nuit de lundi. Deux autres Libanais, Taha el-Joundi et Khaled Osman, demeurent toujours en détention en Irak. «Je suis né à nouveau à la vie. » Telle est la première phrase d’Antoine Antoun quand on lui demande ses premières impressions après sa libération. Antoun, 29 ans, originaire de Kobeyate, possède depuis trois ans une usine de produits laitiers en Irak. Antoine, Tony pour les intimes, qui a passé 12 jours en détention, avait été enlevé alors qu’il se trouvait dans son usine qui emploie environ 50 Irakiens. Joint au téléphone par L’Orient-Le Jour, il raconte : « Le jeudi 29 juillet, je m’étais décidé à dormir à Youssefieh, dans un appartement construit tout près de l’usine. Je prenais ma douche quand, vers 22 heures, des hommes portant des uniformes de la police irakienne ont fait irruption chez moi. » En relatant son histoire, Tony marque des pauses comme s’il avait du mal à donner des détails, ou probablement parce que ces détails deviennent une évidence pour chaque otage. Le jeune homme ne parle pas de torture ou de coups reçus, se contentant de dire : « J’ai été mieux traité plus tard, après l’interrogatoire. » C’est habillé uniquement d’un short qu’il a été emmené « comme tous les otages » à une destination inconnue. « On m’a mis dans le coffre de la voiture… Je ne voyais pas grand-chose », explique-t-il. C’est au fil de la conversation qu’on saura qu’il ne s’est pas lavé durant 12 jours, qu’il était menotté la plupart du temps et qu’il était emprisonné dans une chambre obscure, sans vécés. « Durant les trois premiers jours, ils ont procédé à l’interrogatoire, ils voulaient savoir si je traitais avec les Américains, précise-t-il. Je travaille en Irak depuis trois ans, j’emploie des Irakiens et je n’ai jamais eu affaire aux Américains. » Il ajoute que, durant les trois jours suivants, ses ravisseurs ont procédé aux recoupements des informations qu’il avait fournies. « Quand ils ont su que je ne mentais pas, leur traitement à mon égard a complètement changé », raconte Tony, indiquant que ses ravisseurs ont commencé à lui servir trois repas par jour. « Mais je ne buvais que de l’eau et du lait, pour ne pas être obligé de passer aux toilettes, dit-il. Il n’y avait pas de vécés dans la chambre, je devais donc appeler les geôliers qui me passaient inévitablement des menottes pour que je sorte de la chambre. » Plus tard, Tony saura qu’il est détenu par l’« armée islamique irakienne ». « Je l’ai su quand ils m’ont filmé en se présentant et en menaçant tous ceux qui coopèrent avec les Américains en Irak », raconte l’ex-otage en relevant qu’à ce moment-là il s’est « senti un peu plus tranquille ». « C’étaient des personnes qui avaient une cause, et elles savaient que je ne mentais pas, dit-il. De plus, ce n’était pas une bande qui enlevait des étrangers pour demander des rançons », poursuit-il, avant d’ajouter : « S’ils avaient demandé 100 000, 200 000 ou 300 000 dollars pour ma libération, je serais incontestablement resté chez eux. » Pourtant, en douze jours de détention, Antoine avait perdu l’espoir d’être libéré. Mais hier matin, une ou deux heures avant sa libération, il a eu comme un pressentiment. « Le petit déjeuner était copieux, puis l’un des geôliers m’a demandé si je voulais prendre ma douche », relève-t-il. En s’apprêtant à prendre sa douche, il entend ses ravisseurs discuter entre eux : « S’il prend son temps, on sera en retard pour la libération », disaient-ils. Antoine leur indique simplement : « Si vous me libérez aujourd’hui, je me passe de la douche. » « Revoir le soleil et être libre » Les ravisseurs l’embarquent en voiture et le déposent en plein désert, à cinq kilomètres de toute habitation. Ils lui avaient donné des indications afin d’atteindre le premier village. Antoine ne donne pas de précisions sur l’endroit où il a été relâché ou le premier village qu’il a atteint, se contentant d’affirmer : « J’avais des amis dans cette localité. » Tony parle de ses sensations, juste quand il est descendu du véhicule, retrouvant la liberté : « Je ne croyais plus mes yeux. J’ai vu le soleil. J’ai senti le sable dans mes pieds. J’étais en plein désert, loin de toute civilisation, et j’étais heureux. Libre », dit-il. « Je me suis assis sur le sable, et puis je me suis relevé et j’ai marché », ajoute-t-il. Antoine, qui portait des vêtements que ses ravisseurs lui ont remis, marchera cinq kilomètres en tongs sur le sable brûlant avant d’arriver au village, où il a retrouvé « des amis ». Compte-t-il poursuivre son travail en Irak ? La question le révolte. « Si j’ai quitté le Liban, c’est à cause de la crise économique, affirme-t-il. J’ai ouvert il y a dix ans une usine de produits laitiers à Kobeyate, mais je n’ai réalisé aucun gain. Je suis fiancé depuis sept ans et je n’arrive pas à économiser de l’argent pour me marier », dit-il. « Pour gagner ma vie, je suis prêt à rester à Bagdad, à partir même pour un pays encore plus dangereux que l’Irak », relève-t-il, en ajoutant : « Je veux vivre avec dignité, et au Liban on ne vit pas dignement. » À Kobeyate, la famille d’Antoine Antoun a accueilli la nouvelle de sa libération avec des applaudissements et des youyous. Tony, qui vit entre le Liban et l’Irak depuis trois ans, avait quitté le village pour la dernière fois au début de juin dernier. Hier matin, peu après sa remise en liberté, il est entré en contact avec sa famille. Robert Antoun, le père de l’ex-otage, raconte : « Quand j’ai entendu sa voix au téléphone, à 10 heures du matin, j’ai éclaté en sanglots, je n’ai pu rien lui dire. » « Je l’ai vu ensuite en direct de Bagdad à la télévision, il est en bonne santé », dit-il. Robert promet de ne plus jamais laisser son fils partir en Irak. Georgette, la mère de Tony, tient elle aussi à garder son fils près d’elle quand il rentrera au Liban. Elle ponctue ses phrases par des dizaines de «grâce à Dieu » et tient à remercier « les prêtres et les cheikhs, les amis et toutes les personnes de bonne volonté qui se sont mobilisés pour nous, qui ne nous ont pas lâchés durant douze jours », dit-elle. « Même les enfants du village ont prié pour que Tony soit relâché, et le Seigneur me l’a rendu indemne », ajoute-t-elle. Toufic Abdo est l’associé d’Antoine Antoun dans l’usine de produits laitiers. Il se rend rarement à Bagdad et, contrairement à son ami, il envisage de fermer l’entreprise. « L’être humain est de loin plus important que les bénéfices matériels », explique-t-il au téléphone à L’Orient-Le Jour. « Durant dix jours, nous avons effectué des contacts avec les autorités irakiennes et les tribus, surtout, mais on cherchait dans la mauvaise direction », indique-t-il, soulignant que « “l’armée islamique irakienne” voulait savoir si nous traitons avec les Américains, ce qui n’est pas le cas. D’ailleurs, c’est ce qui a sauvé Tony. » Antoine Antoun, dont le mariage est prévu pour le 12 septembre, devrait rentrer au Liban dans les prochaines 48 heures. Hier, à Bagdad, il s’est entretenu avec le chargé d’affaires libanais Hassan Hijazi et il a été contacté par le ministre des Affaires étrangères, Jean Obeid. Aucune information sur Taha el-Joundi et Khaled Osman D’autre part, Qassem Merkbaoui – enlevé en Irak vendredi dernier avec trois autres Libanais, les frères Nasser et Taha el-Joundi ainsi que Khaled Osman (tous originaires du Akkar) – a été libéré lundi soir. Hier en soirée, il se trouvait à l’ambassade du Liban à Bagdad. Il devrait rentrer au Liban dans les jours à venir. La femme de Merkbaoui, qui habite Bab el-Tabbané, à Tripoli, a indiqué qu’elle a reçu un appel de son époux l’informant qu’il a été libéré. Elle souligne qu’elle a été également contactée à partir de l’Irak par des personnes qu’elle n’a pas voulu identifier et qui lui ont affirmé qu’un des collègues de son mari, Nasser el-Joundi, avait été aussi libéré par ses ravisseurs. Elle a relevé que Joundi avait été relâché pour des raisons de santé. Mais tout au long de la journée d’hier, la famille Joundi n’avait pas eu de nouvelles de Nasser ou des informations sur son éventuelle libération. Ce n’est qu’hier en soirée que le ministère des Affaires étrangères a confirmé la libération de Nasser el-Joundi. Le chargé d’affaires de l’ambassade du Liban en Irak a informé le ministre Obeid que Joundi avait été libéré et avait pris – à bord de son camion – la route en direction du Liban, où il était attendu dans la nuit d’hier. Selon l’ambassade du Liban à Bagdad, après sa libération, Joundi s’est rendu dans un dispensaire pour se faire soigner et a pris la route sans contacter sa famille. Deux autres camionneurs restent toujours détenus en Irak, le frère de Nasser el-Joundi, Taha, et Khaled Osman. L’entreprise de générateurs Joubeily qui les emploie a précisé qu’elle ne détenait aucune information les concernant. Patricia KHODER

Antoine Antoun, enlevé le 29 juillet dans la région de Youssefieh, à 40 kilomètres de Bagdad, a été relâché hier matin par ses ravisseurs – des miliciens de l’« armée islamique irakienne » –, ce qui porte à trois le nombre d’otages libanais libérés en 24 heures en Irak. Dans une interview par téléphone à « L’Orient-Le Jour », Antoine Antoun, qui se...