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Actualités - OPINION

ÉCLAIRAGE - Les évêques maronites déplorent la banalisation de l’influence syrienne et la non-libanisation de la présidentielle Damas et ses alliés invités à respecter la volonté libanaise

Chacun de leurs communiqués mensuels est espéré. Ou craint. Dans les deux cas, ils sont attendus, aussi bien par les citoyens lambda que par l’ensemble de la classe politique. Attendus comme l’on guette l’écho amplifié et particulièrement audible de ce que pense, ce à quoi aspire ou ce contre quoi gronde, tout bas parce que de plus en plus résignée, la très grande majorité de la rue libanaise – qu’elle soit chrétienne, naturellement, mais aussi musulmane. Attendus, également, comme peuvent l’être les constats de sages ou les revendications, bienfaitrices et exigeantes, d’une conscience politique aiguë. En tirant la sonnette d’alarme ; en rappelant noir sur blanc une réalité qui dure depuis tellement longtemps qu’elle a fini, de perverse, par devenir normale ; en déplorant très clairement la banalisation, la normalisation, dans l’esprit des Libanais, de l’influence (des ingérences, de la tutelle) syrienne(s), le communiqué des évêques maronites d’hier n’a pas failli à cette règle. Ni par son timing ni par sa teneur. Il a été diffusé quatre jours après l’entretien Lahoud-Sfeir à Dimane, samedi, qualifié par les observateurs avisés comme étant « le tête-à-tête le plus important entre les deux hommes, notamment en ce qui concerne les sujets évoqués, le débat franc et en profondeur qui a eu lieu, sans oublier l’ambiance qui y a régné ». Un tête-à-tête au menu duquel ont figuré de nombreux dossiers – politique, économique, social ou de développement –, au côté d’autres problèmes endémiques soulevés par le patriarche : l’émigration des jeunes ou l’ingérence étrangère dans les affaires purement libanaises. Mgr Sfeir s’est d’ailleurs exprimé à l’issue de sa rencontre avec Émile Lahoud : « Les citoyens méritent que l’État écoute leurs doléances et qu’il s’en occupe, au lieu que toute l’attention et toute l’énergie ne soient concentrées sur les seules affaires politiques qui n’intéressent, en fait, que ceux qui travaillent dans ce domaine, les hommes politiques. Et encore, puisque ceux-là passent désormais leur temps à attendre le mot d’ordre qui va leur tomber sur la tête, d’en haut... » Et toujours devant ses visiteurs, toujours cité par des sources bien informées, l’indispensable cardinal – qualifié en début de semaine par Samir Frangié de « plus grand patriarche maronite » – avait rappelé les temps bénis de l’histoire, au cours desquels « les interventions auprès d’une minorité de députés étaient amicales », et au cours desquels « les Libanais savaient que leur prochain président serait le chef d’un des deux blocs parlementaires » qui existaient à l’époque. « Aujourd’hui, on est en droit de se demander si les Libanais savent qui sera leur président », s’était interrogé Mgr Sfeir. Une interrogation qui s’est prolongée dans le communiqué officiel des évêques maronites, réunis hier sous la présidence du patriarche, par une inattaquable affirmation. « Il semble désormais évident et reconnu que le dernier mot dans le cadre de l’élection présidentielle ne reviendra pas aux Libanais. Et un grand nombre de ces Libanais trouvent que cela est banal, normal ; que cela n’a rien d’étonnant. Ce qui montre que le sentiment de dignité s’est affaibli et que la volonté nationale est absente », assène le communiqué (voir encadré). À qui s’adressent ces mots ? Aux Libanais d’abord, évidemment. Que Dimane veut certes rassurer, réconforter, en leur rappelant que le patriarcat maronite reste(ra), en toute harmonie, sur la même longueur d’onde qu’eux, qu’il partage leurs souffrances et ressent exactement la même frustration – « Le dernier mot ne reviendra pas aux Libanais. » Mais Dimane semble vouloir aussi secouer et réveiller ces Libanais, les appeler même, peut-être, à s’exprimer haut et fort – « Un grand nombre trouve que cela est banal (...) Le sentiment de dignité s’est affaibli. » Une invitation à se faire entendre au moment où l’on parle de plus en plus sérieusement de kermesses politiques préélectorales que les reconductionnistes souhaiteraient, selon certaines sources, organiser avec forces foules populaires, énumérant les réalisations du chef de l’État sortant, louant ses prises de position et ses choix et l’appelant à accepter une éventuelle prorogation. Au moment également où l’on évoque également l’idée d’une pétition politique géante en faveur du respect de la Constitution, et que seraient en train de préparer certains piliers de Kornet Chehwane (un rassemblement dont le patriarche Sfeir, rappelons-le, est le père spirituel). Une pétition que signeraient des forces politiques et des membres de la société civile issus de toutes les communautés et de toutes les régions du Liban, et qui incarnerait ainsi l’esprit de la coexistence et de la convivialité, ainsi que l’union des Libanais. Ces mots s’adressent également – surtout ? – à Damas (et à ses alliés libanais). Damas qui, par la bouche du n° 1 syrien lui-même puis par son ministre des Affaires étrangères, avait affirmé haut et fort, dans une interview à un quotidien koweïtien pour le premier et au cours d’un point presse pour le second, que la Syrie voudrait que ce soient les Libanais eux-mêmes qui choisissent, par le truchement de leurs élus, leur futur président. « Les déclarations de Bachar el-Assad sur la présidentielle comme sur l’indépendance ou la souveraineté du Liban sont la vraie boussole d’une position syrienne intangible. De la sorte, nous nous gagnons la sympathie de tous les Libanais », avait assuré Farouk el-Chareh, ironisant à l’époque sur les propos du président américain, George W. Bush, qui avait réprouvé toute immixtion au Liban. L’Église maronite, qui a constamment souhaité que les relations libano-syriennes soient les plus amicales, voire les plus fraternelles – mais les plus équilibrées – possibles, fait ainsi comprendre à Damas que, sur le chemin de ce rééquilibrage, il y a, volumineuse, l’échéance automnale. En rappelant aux dirigeants syriens la teneur de leurs engagements publics. Ziyad MAKHOUL
Chacun de leurs communiqués mensuels est espéré. Ou craint. Dans les deux cas, ils sont attendus, aussi bien par les citoyens lambda que par l’ensemble de la classe politique. Attendus comme l’on guette l’écho amplifié et particulièrement audible de ce que pense, ce à quoi aspire ou ce contre quoi gronde, tout bas parce que de plus en plus résignée, la très grande...