Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

La « libanisation » de l’échéance

L’histoire offre parfois aux peuples de rares occasions de se hisser à la hauteur de leur vocation, de montrer ce qu’ils ont de meilleur, et l’échéance présidentielle de novembre en offre une que nous ne devrions pas manquer. Il a été question, ces derniers temps, de statues et, au-delà des statues, des symboles qu’elles représentent. Nous avons, grâce à Dieu, une place Riad el-Solh. Et nous avons une statue de Béchara el-Khoury. Mais nous n’avons toujours pas une place de l’Indépendance. Pourquoi ? Peut-être parce que nous n’avons pas encore fait de place, dans nos esprits, pour l’Indépendance. Riad el-Solh et Béchara el-Khoury sont séparés, géographiquement, peut-être parce qu’ils restent insuffisamment unis, dans nos esprits, à un même événement. L’échéance présidentielle nous donne, aujourd’hui, une rare occasion de corriger cela. On nous propose de « libaniser » l’échéance présidentielle. L’exemple des statues de Riad el-Solh et Béchara el-Khoury est là pour nous montrer comment. C’est par un dialogue politique entre musulmans et chrétiens que nous pouvons le faire. Aujourd’hui comme en 1943, notre indépendance politique passe par ce dialogue. Du reste, notre vie nationale repose sur ce dialogue. La répartition des trois plus hautes charges de l’État, la représentation équitable des communautés au sein de l’Administration, le pacte national sont tous des principes oraux auxquels les Libanais sont parvenus par le dialogue et qui n’ont trouvé que plus tard leurs concrétisations écrites. L’un des malheurs du mandat actuel, au-delà de ses mérites certains, c’est la profonde discorde qui a marqué les rapports entre les deux principaux tenants du pouvoir exécutif. Une discorde qui est la négation même de l’esprit du pacte. Libaniser l’échéance, c’est la passer au crible d’un dialogue interne généreux et courageux. C’est donc lever les hypothèques qui pèsent sur ce dialogue, qui doit être libre de tous les interdits et lignes rouges qui lui ont été posés, au fil des années. On entend encore Assem Kanso menacer Walid Joumblatt de mort, en plein Parlement, pour avoir osé affirmer que le patriarche avait raison. Comment oublier aussi que Nabih Berry n’a plus mis les pieds à Bkerké, depuis ce jour « malheureux » où il avait cru pouvoir promettre au patriarche un retrait de l’armée syrienne. Comment ignorer le fait que les conditions de détention de Samir Geagea ont été utilisées comme instrument de pression, au moment des élections municipales ? Comment expliquer l’interdiction de la réunion que devaient tenir les artisans chrétiens et musulmans du manifeste de Beyrouth ? Certes, on aimerait voir aujourd’hui quelque chose de l’esprit de Riad el-Solh dans un Négib Mikati ou un Sélim Hoss. Et l’on aimerait que les forces politiques représentatives de l’électorat chrétien fassent de la place aux musulmans dans leurs projets politiques. Libaniser l’échéance et surtout consolider cette « libanisation », c’est aussi l’ouvrir sur le dialogue des cultures, mais l’espace manque pour parler en quelques lignes de l’immense débat sur la modernité qu’il engage. Il est plus que temps que les Libanais cessent de se poser en s’opposant, que ce soit les uns aux autres ou à la Syrie. Plus que temps qu’ils s’engagent ensemble, face à l’avenir, dans un dialogue fertile, bien qu’ardu. Le Premier ministre possède la même légitimité que le président de la République, puisque les deux hommes sont élus par la même Chambre. En novembre, au moins dans les esprits, ce n’est donc pas seulement un président de la République qui doit être élu, mais également un Premier ministre. C’est à cette seule condition que l’échéance sera, ne serait-ce que partiellement, « libanisée ». Fady NOUN
L’histoire offre parfois aux peuples de rares occasions de se hisser à la hauteur de leur vocation, de montrer ce qu’ils ont de meilleur, et l’échéance présidentielle de novembre en offre une que nous ne devrions pas manquer.
Il a été question, ces derniers temps, de statues et, au-delà des statues, des symboles qu’elles représentent. Nous avons, grâce à Dieu, une...