Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGE

544 lits, 1 100 employés, 85 000 mètres carrés d’espaces construits… et 121 millions de dollars déjà dépensés L’État pourra-t-il couvrir les dépenses de l’Hôpital gouvernemental universitaire de Beyrouth ? (photos)

L’Hôpital gouvernemental universitaire de Beyrouth (HGUB) ouvrira ses portes le lundi 2 août. C’est une préouverture, où seuls quelques services de l’établissement seront disponibles, notamment les cliniques extérieures, la radiographie et le laboratoire. En septembre, ce sont les services d’endoscopie, de dialyse et de radiothérapie qui seront ouverts aux patients. En décembre, les services de pédiatrie et de gynécologie seront fonctionnels pour les patients internes. L’inauguration solennelle de l’Hôpital gouvernemental universitaire de Beyrouth aura lieu à la fin de l’année. Toutes les personnalités officielles ainsi que les donateurs saoudiens devraient y être présents. Malheureusement, comme tous les projets et les dossiers importants ou de moindre importance du pays, l’Hôpital gouvernemental universitaire de Beyrouth est entré dans le tourbillon de la politique. L’établissement, conçu pour être un centre de rayonnement médical pour tout le Moyen-Orient, est devenu une source – comme une autre - de tiraillements entre les pôles du pouvoir… au point d’oublier l’essentiel et de poser une question : comment un hôpital gouvernemental de 544 lits (le plus important au Liban dans ce cadre) et pourvu d’un matériel ultraperformant (qui aura certes besoin d’entretien dans les années à venir) pourrait-il être financé, spécialement durant les premières années de son fonctionnement ? Mais avant d’exposer les problèmes de l’Hôpital gouvernemental universitaire de Beyrouth ou encore de jeter un doute sur la capacité de l’État à financer un aussi important projet, commençons par le commencement. Par cette construction gigantesque, moderne et imposante. Tout à fait à l’image des projets ambitieux entrepris par le Premier ministre, Rafic Hariri, qui avait posé il y a neuf ans la première pierre, marquant le début du projet, dans un immense terrain vague, limitrophe de la banlieue sud. Bir Hassan, entre le BHV et la Cité sportive. Un terrain vaste de 44 mille mètres carrés. Un bâtiment principal comprenant l’hôpital et ses services, cinq annexes consacrées à une école d’infirmières et des salles de formation, des logements destinés aux étudiants en médecine et en infirmerie, des appartements pour le personnel de l’hôpital, l’administration ainsi qu’un hôtel de cinquante chambres pour accueillir les parents des patients venus de l’étranger. L’espace construit du bâtiment principal s’étend sur 70 000 mètres carrés dont 20 000 de parking. Les annexes présentent 15 000 mètres carrés d’espace, construits. L’édification d’un bâtiment consacré à la faculté de médecine de l’Université libanaise est également prévu. Bref, il a fallu jusqu’à présent dépenser environ 121 millions de dollars (selon les chiffres fournis par le CDR, responsable du projet) pour la construction et l’équipement de l’hôpital en toute sorte de matériel (des machines allemandes sophistiquées jusqu’aux rideaux, en passant aussi par le réseau informatique). Un « hôpital sans papiers » Controversé – à tort à raison – à cause de son emplacement, du non-respect de l’équilibre confessionnel lors du recrutement, de son mode de financement et pour d’autres raisons encore, il n’empêche que l’Hôpital gouvernemental universitaire de Beyrouth sera le premier complexe hospitalier du Liban et le premier établissement du genre à fonctionner « sans papiers ». Tout le système, des radiographies, aux écographies, au laboratoire en passant par la comptabilité et l’administration, a été informatisé. Vous attendez un heureux événement ? Vous vous rendez à l’hôpital pour une échographie et vous rentrez à la maison avec un CD contenant les images de votre fœtus. D’ailleurs, tout a été prévu pour faciliter – aux gestionnaires et aux médecins – le fonctionnement de cet « hôpital sans papiers ». Les petits détails ont été pris en compte. Ainsi, dans les cliniques privées, les ordinateurs des secrétaires médicales sont dotés de caméras. Il suffit de cliquer pour prendre le patient en photo afin que son dossier informatisé englobe son portrait. « Ce sera le premier hôpital du genre au Moyen-Orient, voire dans le monde entier ; notre établissement sera entièrement informatisé », martèle fièrement le Dr Noureddine el-Kouche, nommé en 2001 PDG de l’Hôpital gouvernemental universitaire de Beyrouth, oubliant presque les déboires auxquels il fait face depuis un certain temps et tentant toujours de trouver des solutions aux problèmes qu’il rencontre depuis sa nomination, par le Premier ministre, à la tête de l’établissement. L’inauguration était prévue pour le 2 août. Même si l’hôpital manque de personnel, quelques services commenceront à fonctionner à cette date. « Les infirmières déjà recrutées travailleront à plein temps, elles rempliront des postes de secrétariat et de comptabilité en plus des charges dont elles seront responsables », indique le Dr Kouche, soulignant que « plusieurs services de l’hôpital sont prêts à fonctionner, nous ne voulons plus perdre du temps et de l’argent », relève-t-il, ajoutant que « depuis le mois dernier le laboratoire et le service de radiographie fonctionnent avec des patients d’occasion qui ne sont autres que le personnel déjà recruté de l’établissement ». Il semble que le problème auquel fait face l’établissement est surtout relié au personnel, dont le recrutement dépend – depuis la promulgation de la loi 54 du budget – du Conseil de la fonction publique. « C’est cet organisme qui prépare et effectue les examens des candidats », explique le PDG de l’établissement, soulignant qu’avec « l’adoption de ce texte au Parlement, le recrutement du personnel s’est arrêté durant trois mois ». Pour atteindre son plein fonctionnement, l’hôpital devrait employer 1 500 personnes, sans compter les médecins contractuels, dont le nombre devrait atteindre à terme 600 spécialistes. « Jusqu’à présent, 140 personnes seulement ont été recrutées. Dans les mois à venir, ce chiffre devrait augmenter pour atteindre les 300 employés », se plaint le Dr Kouche, poursuivant que « grâce à plusieurs appels d’offres et de contrats effectués avec des entreprises, notamment en ce qui concerne la sécurité et le nettoyage, nous avons pu réduire le chiffre des employés potentiels à 1 100. » 25 milliards de livres pour la première année Une question se pose comme une évidence : le gouvernement sera-t-il capable de financer et soutenir un aussi grand et important projet ? Le PDG de l’Hôpital gouvernemental universitaire de Beyrouth indique qu’il a déjà présenté un dossier dans ce cadre au ministère de tutelle (celui de la Santé). « En trois ans, nous pouvons être entièrement indépendants sur le plan financier », dit-il, soulignant que « l’établissement devrait bénéficier de l’aide de l’État au cours de la première et la deuxième année ; si tout fonctionne comme prévu, l’hôpital pourra s’autofinancer à partir de sa troisième année, et au bout de quatre ans, nous devrons effectuer des bénéfices qui seront utilisés pour l’entretien et le renouvellement du matériel », dit-il. « L’aide du ministère de la Santé a déjà commencé », ajoute le Dr Kouche relevant qu’au « cours de sa première année de fonctionnement, l’Hôpital aura besoin de 25 milliards de livres, qui devraient être versés par le ministère en question ». « Huit phases en trois ans ont été prévues pour que l’hôpital atteigne son plein fonctionnement », relève-t-il. Confiant dans le fait que l’établissement ne pourra que réussir, le Dr Kouche affirme qu’avec « ses 544 lit, l’Hôpital gouvernemental universitaire de Beyrouth devrait assurer les meilleurs services à l’aide des technologies de pointe, au plus bas prix », donnant l’exemple « de l’IRM, qui coûtera au patient 200 dollars au lieu de 400 dollars ailleurs », et expliquant que « l’informatisation réduit beaucoup les coûts de l’hospitalisation ». L’hôpital mise aussi sur le « travail de masse, notamment dans ses laboratoires, où 800 analyses de 200 genres peuvent être effectuées en une heure de temps », relève-t-il. N’oubliant surtout pas qu’il dirige un hôpital gouvernemental, le Dr Kouch relève que « 250 lits des 544 seront mis à la disposition des patients soignés au compte du ministère de la Santé ». « Contrairement à ce qui se passe dans les hôpitaux privés, les patients paieront uniquement 5 % de la facture médicale et non 15 % », dit-il. Et de préciser : « Pour la première fois au Liban, nous sommes en train de concevoir un hôpital public avec la vision d’un établissement privé », relevant qu’il « faut donner la chance à cet hôpital de fonctionner et arrêter de le combattre ». Mais qui est en train de combattre l’hôpital ? Le PDG de l’établissement évite de parler de pressions et de tiraillements politiques, affirmant que « plusieurs établissements privés préfèrent que l’Hôpital gouvernemental universitaire de Beyrouth n’ouvre pas ses portes, le considérant comme une menace». «Au contraire, on pourra s’entraider », indique-t-il. Sur quoi se base-t-on pour annoncer que cet établissement sera une réussite? Le Dr Kouche répond par une question : « Si, en Europe, cela a réussi, pourquoi ça ne réussirait-il pas chez nous ?» Et de conclure que « personne au Liban ne peut empêcher cet hôpital de fonctionner ». À bon entendeur salut. Patricia KHODER Quatorze salles d’opérations et un service de criminologie Impressionnant, neuf et propre. Des bâtiments imposants, un matériel sophistiqué et des couloirs qui n’en finissent pas. L’Hôpital gouvernemental universitaire de Beyrouth offre de très importants services dans divers domaines. L’établissement sera doté du service le plus important du pays pour le traitement du cancer, notamment de radiothérapie et de chimiothérapie, un service des grands brûlés, un service pour le traitement des toxicomanes (drogue et médicaments), un service de psychothérapie destiné aux enfants. L’hôpital est pourvu d’un service de greffe et d’un imposant service de gynécologie et de pédiatrie. En plus de ses quatorze salles d’opérations, deux salles sont spécialement équipées pour les chirurgies à cœur ouvert. L’hôpital est pourvu d’un important laboratoire, d’un centre de dialyse (24 lits), d’un service pour les grands brûlés, d’un important centre de radiothérapie et de chimiothérapie. L’établissement sera doté du premier service de criminologie au Liban, où l’on procèdera notamment aux autopsies des victimes des crimes. Ce service sera mis en place avec la collaboration du ministère de la Justice. Établissement universitaire, l’Hôpital gouvernemental universitaire de Beyrouth a commencé à signer des accords de coopération avec les diverses facultés concernées de l’Université libanaise. D’autres universités pourront se joindre au programme, notamment l’AUB, l’USJ et l’Université arabe. Majdalani émet des réserves sur le nombre des lits Président de la commission parlementaire de la Santé, le Dr Atef Majdalani s’est penché sur le système des hôpitaux publics dans le pays. « Depuis les années quarante et jusqu’à la guerre du Liban, les hôpitaux gouvernementaux dépendaient directement du ministère de la Santé. Durant les événements, ces hôpitaux ont persisté comme des centres de santé. La loi a été modifiée avec la fin de la guerre, et ces établissements sont devenus des services autonomes », explique-t-il. Évoquant l’Hôpital gouvernemental universitaire de Beyrouth, il a indiqué que le projet a vu le jour en 1994 suite à une décision du gouvernement Hariri, relative au développement équilibré. Quatre projets de construction d’hôpitaux ont été entrepris, à Nabatiyé, à Tannourine, à Dahr el-Bachek et à Beyrouth. Enfin la capitale allait être dotée de son propre établissement public. « Les trois premiers hôpitaux constituent des exemples de réussite sur le plan de la gestion et de l’autofinancement », relève le député de Beyrouth. Qu’en est-il de l’institution qui devrait ouvrir ses portes lundi prochain ? Le Dr Majdalani met en valeur les points forts de cet hôpital gouvernemental et universitaire, qui devrait être un établissement de référence, que ce soit dans le cadre des équipements de pointe ou celui de l’informatisation… Il émet cependant des réserves, notamment au sujet des 544 lits, un chiffre trop élevé pour un hôpital libanais. À la question de savoir si le bel hôpital neuf et imposant demeurera ce qu’il est actuellement, si son matériel sera entretenu et s’il parviendra à l’autofinancement, si effectivement tous les Libanais, riches et pauvres, et de toutes les régions iront se faire soigner dans cet établissement, le Dr Majdalani répond simplement par : « Je partage vos doutes et vos peurs. » Pakradouni : « Pour des raisons électorales, le Premier ministre a fait de cet établissement une affaire sunnite » Le ministre chargé du Développement administratif, Karim Pakradouni, a brièvement évoqué les tiraillements politiques que provoque l’Hôpital gouvernemental universitaire de Beyrouth. « Cet établissement est une nécessité, non seulement pour Beyrouth, mais aussi pour tout le Liban », dit-il, soulignant qu’il « a été conçu pour être l’un des plus performants de la région ». « Or, pour des raisons politiques, électorales et beyrouthines, le Premier ministre, Rafic Hariri, a voulu faire de cet établissement une affaire beyrouthine sunnite, comme si cet imposant hôpital ne concerne que les sunnites de la capitale », explique le ministre chargé du Développement administratif. Quand le dossier de l’établissement avait été évoqué en Conseil des ministres il y a quelques mois, M. Pakradouni se souvient avoir demandé un relevé des dépenses passées et à venir de l’hôpital. Jusqu’à présent, les autorités responsables ne lui ont pas fourni le dossier. « Il est nécessaire de comprendre qu’un audit sur les dépenses de l’hôpital est très important. Il nous aidera, dans la transparence la plus totale, à comprendre ce qui se passe », dit-il. Rappelant que tout établissement public devrait être à l’image du Liban et que tout ce qui est déséquilibré engendre des problèmes, M. Pakradouni a conclu que « c’est dommage que ce projet à caractère national prenne une image confessionnelle ». Déséquilibre communautaire : les chrétiens ne se présentent pas aux postes vacants Formé de sept membres et d’un représentant du ministère de tutelle, le conseil d’administration de l’hôpital gouvernemental de Beyrouth a bel et bien respecté l’équilibre communautaire. Ce ne serait pas le cas des employés déjà recrutés et des médecins contractuels. Il serait déplacé d’évoquer un tel sujet dans un pays effectivement laïc, quand il est question de santé, de maladies ou de médecins. Malheureusement, ce n’est pas le cas au Liban, où n’importe quel dossier est sujet aux tiraillements politiques et communautaires. Selon le ministre chargé du Développement administratif, Karim Pakradouni, « les chrétiens formeraient uniquement 25 % du personnel de l’hôpital ». Il souligne cependant que « tout ce qui a trait aux nominations devrait obéir aux règles de l’équilibre communautaire; pour le reste, surtout quand ça concerne un hôpital ou une université, il faut appliquer les règles de la compétence. C’est le concours qui devrait trancher dans le système de recrutement ». « Mais ce système discrétionnaire appliqué à l’Hôpital gouvernemental universitaire de Beyrouth toucherait également les médecins contractuels, crée une réaction politique et bloque l’établissement », indique-t-il. Président de la commission parlementaire de la Santé et député de Beyrouth, Atef Majdalani, qui appartient au bloc Hariri, confirme que « les médecins et les employés recrutés sont majoritairement musulmans ». Il souligne cependant que « ce déséquilibre n’est pas dû à l’administration de l’hôpital qui n’a en aucun cas écarté les chrétiens… loin de là ». « Très peu de médecins et d’infirmiers non musulmans ont présenté des demandes d’admission, découragés probablement par certains facteurs, notamment l’emplacement de l’établissement », dit-il. Interrogé à ce sujet, le PDG de l’Hôpital gouvernemental universitaire de Beyrouth, le Dr Noureddine el-Kouche, propose de fournir les noms des membres de son conseil d’administration, où l’équilibre communautaire a été parfaitement respecté. Qu’en est-il des employés et des médecins contractuels? « Ils sont recrutés selon leurs compétences et sur concours », répond-il.


L’Hôpital gouvernemental universitaire de Beyrouth (HGUB) ouvrira ses portes le lundi 2 août. C’est une préouverture, où seuls quelques services de l’établissement seront disponibles, notamment les cliniques extérieures, la radiographie et le laboratoire. En septembre, ce sont les services d’endoscopie, de dialyse et de radiothérapie qui seront ouverts aux patients....