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Actualités - OPINION

Perspectives - Corruption généralisée, dégradation socio-économique, échéances financières, déséquilibre interne, redéfinition des rapports avec Damas... Les défis à relever imposent un profil hors du commun pour le choix du futur président

Durant ce « temps mort » que constitue la période qui nous sépare encore de l’échéance présidentielle, un nouveau leitmotiv alimente les propos de nos responsables politiques locaux : le profil du futur chef de l’État ou, comme certains se plaisent à le marteler, le « cahier des charges » que les présidentiables devront s’engager à respecter s’ils désirent accéder à la magistrature suprême. Une telle préqualification entraîne une question fondamentale : que devrait-on attendre du successeur éventuel du général Émile Lahoud ? Une question qui en implique une autre : quels sont les grands dossiers auxquels l’heureux élu doit s’atteler, si tant est que les décideurs – qu’ils soient étrangers ou libanais – accordent une quelconque importance à cette nécessaire opération de sauvetage qui devrait impérativement être entreprise pour sortir le pays du gouffre dans lequel on l’a précipité ? Quelques évidences s’imposent à cet égard. La première est d’ordre politique : un président choisi parmi les symboles de l’establishment syrien au Liban ne ferait qu’approfondir encore davantage le fossé et la crise de confiance entre le pouvoir central et le camp chrétien, avec tout ce que cela entraînerait comme conséquences multiples, dont la plus grave serait la perpétuation de cette déprime qui frappe l’Est et qui mine la vie politique depuis près de quinze ans. Par contre, un président qui bénéficierait de la confiance de Bkerké – sans pour autant être hostile à un alignement sur Damas en matière de politique étrangère – permettrait de rétablir un équilibre au plan interne de même qu’il constituerait la preuve vivante que la politique de la main tendue pratiquée par le patriarche maronite n’est pas restée sans écho. Seconde évidence, d’ordre éthique : le Liban a aujourd’hui besoin, plus que jamais auparavant, d’un président qui n’ait aucun intérêt personnel, politique ou économique à préserver. En clair, un président qui soit à la fin de sa carrière d’homme public et qui n’ait aucun héritier politique – actuel ou potentiel – à défendre ou à favoriser. Un président qui n’ait rien à perdre et, surtout, rien à gagner. Une personnalité qui ait, réellement, l’envergure d’un homme d’État, qui soit réputé pour sa probité irréprochable et qui ait la volonté et le courage d’engager un vaste chantier de redressement à tous les niveaux et dans tous les domaines. En temps ordinaire, prôner un tel profil de présidentiable reviendrait à formuler des vœux pieux ou à faire étalage de lieux communs. Mais au Liban, ces qualités requises, réunies en un seul homme, représenteraient une perle rare. Elles sont devenues, en tout cas, une nécessité impérieuse à l’ombre du marasme socio-économique grandissant, de la corruption rampante et de l’état de déliquescence généralisée qui a atteint toutes les institutions étatiques, voire tous les secteurs de la société. Face à cette déliquescence chronique, et eu égard aux lourdes échéances financières auxquelles le pays sera confronté au cours des deux prochaines années, le prochain président devrait offrir ce profil hors du commun qui lui permettrait de relever un large éventail de défis majeurs : juguler la vague de corruption qui gangrène l’Administration publique ; mettre un terme à la fâcheuse habitude qu’ont acquise nos responsables de se comporter à l’égard de l’appareil étatique comme des rapaces qui se ruent sur une proie facile ; imposer comme règle dans l’exercice du pouvoir la séparation nette et sans équivoque entre les affaires privées des officiels et les intérêts du secteur public. À bout de souffle, sous l’effet du marasme global amplifié par la double crise de confiance – politique et morale – qui oppose depuis plus d’une décennie la majorité silencieuse au pouvoir central, le pays n’est plus en mesure d’attendre davantage que de tels dossiers soient traités sur des bases crédibles, et par une équipe crédible. Il n’est plus en mesure de supporter encore que l’État soit considéré comme une simple poule aux œufs d’or qu’il s’agit d’exploiter jusqu’à ce que mort s’ensuive. Il ne peut plus continuer à glisser sans freins sur la pente raide du fait de la politique de « laisser-faire, laisser-aller », pratiquée à plus d’un niveau. Mais il ne s’agit là que de considérations purement locales qui n’entrent sans doute pas dans les calculs stratégiques des décideurs syriens. Le seul espoir réside donc dans le fait que nos puissants voisins trouvent, eux, malgré tout, un quelconque intérêt à stopper la dégradation libanaise. Et à plancher, enfin, sur les nombreuses failles qui caractérisent nos rapports bilatéraux depuis de nombreuses années. Auquel cas, la présidentielle, ou plus précisément le choix du profil approprié du futur chef de l’État, fournit une occasion en or de tourner la page. D’ouvrir une nouvelle page dans les relations entre les deux pays. Une occasion qu’aussi bien Damas que les fractions locales se doivent de saisir au vol. Michel TOUMA
Durant ce « temps mort » que constitue la période qui nous sépare encore de l’échéance présidentielle, un nouveau leitmotiv alimente les propos de nos responsables politiques locaux : le profil du futur chef de l’État ou, comme certains se plaisent à le marteler, le « cahier des charges » que les présidentiables devront s’engager à respecter s’ils désirent...