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Pharaon : L’échéance municipale n’est pas une raison suffisante pour frustrer les Beyrouthins

Il est celui qui a récolté le plus grand nombre de voix dans sa circonscription beyrouthine lors des législatives de l’an 2000 – plus, même, que son chef de file, Rafic Hariri. Il est également, selon ses amis comme ses adversaires politiques, l’un des (très) rares membres du bloc parlementaire haririen à s’opposer directement et souvent ouvertement au Premier ministre (comme au chef de l’État, d’ailleurs, du temps où il était ministre) sur des sujets majeurs (la loi municipale, les agences exclusives, etc.). Tout cela sans remettre le moins du monde en cause sa loyauté vis-à-vis de Rafic Hariri. S’appuyant sur le très important héritage politique laissé par son père comme sur des réponses archi-concrètes aux doléances de ses électeurs, le (très) grec-catholique Michel Pharaon est en train, lentement, sûrement, de devenir un passage obligé à Beyrouth. Même s’il préfère continuer, pour l’instant, et à raison, à laisser aux quelques sages auxquels il voue un très grand respect le soin de jouer, comme il le dit, les nécessaires Kurt Waldheim ou Kofi Annan libanais, indispensables pour faire primer l’intérêt public. Pour L’Orient-Le Jour, le député de Beyrouth a commencé par brosser un état des lieux, à une dizaine de jours de l’échéance municipale dans la capitale. Il rappelle ainsi que les municipales beyrouthines ont toujours revêtu un caractère exceptionnel « parce que 50 % des intérêts économiques libanais y sont concentrés » ; que le conseil municipal d’avant 1998, auquel appartenait, entre autres, son père, était particulièrement représentatif et bénéficiait d’un parfait équilibre confessionnel ; que tout cela avait été reproduit il y a six ans (avec, certes, moins de panache dans le choix des conseillers municipaux), « de façon à entraîner l’électeur beyrouthin à aller voter pour la liste la plus consensuelle et la plus représentative qui soit ». « Sauf qu’en 1998, la situation politique était plus claire, les tiraillements au sommet bien moindres, et nul doute que la formation, il y a six ans et grâce à des accords politiques, d’une liste à l’image d’un gouvernement local était une affaire bien plus simple qu’aujourd’hui », affirme Michel Pharaon. Reconnaissant que la volonté de former un conseil municipal représentatif et équilibré reste de mise en 2004, il rappelle toutefois qu’il faut compter, cette année, avec trois nouveaux facteurs : les conséquences des législatives 2000 sur le camp sunnite de la capitale ; les tiraillements politiques quotidiens au sommet de l’État et une situation bien différente au sein du camp chrétien. Est-ce que l’interventionnisme massif de Damas dans les municipales beyrouthines a pour but de rogner les ailes du leadership haririen dans la capitale ? « Nul doute que l’intervention syrienne avait pour objet principal de dépasser les tiraillements, de chapeauter tout le monde et de pousser à un accord qui ne soit pas très éloigné de celui de 1998. Mais cette politisation à outrance a eu des effets secondaires : l’atmosphère générale est bien loin de ce caractère local qui intéresse en premier lieu les Beyrouthins. » En sortant en fin de semaine dernière de chez Mgr Audeh, vous n’avez pas caché votre mécontentement, et au « Beyrouth de Nasser et de Hafez el-Assad », vous avez préféré opposer le Beyrouth économique et attractif. « La situation devenait malsaine et j’ai réellement senti la gêne des Beyrouthins à cause de cette surpolitisation. La façon dont les grands dossiers sont traités au niveau national n’a rien de bien engageant, et j’aurais souhaité que l’on transcende tout cela et que l’on évoque les véritables enjeux : Beyrouth-convivialité, Beyrouth-développement, Beyrouth-qui-renaît-de-ses-cendres, Beyrouth-civilisation et Beyrouth-trait d’union-entre-Orient-et-Occident. Ce Beyrouth dont je parle a toujours été très engagé en faveur des causes arabes et n’a de leçons à recevoir de personne. » Bon nombre de Beyrouthins toutes tendances confondues ne comprennent pas ce que viennent faire le PSNS et le Baas dans leur schéma municipal. « On a enlevé aux habitants de la capitale, à plusieurs moments de leur histoire, leur pouvoir de décision sous prétexte d’enjeux régionaux. Et je ne considère pas qu’une échéance municipale soit une raison suffisante pour frustrer les Beyrouthins, surtout que le consensus existe sur les grandes lignes établies en 1998 et avant... Sauf qu’aujourd’hui, il s’agit bien plus d’un rapport de forces qu’autre chose... » Il semblerait que le Premier ministre ait tiré, en parvenant à un accord avec Tammam Salam, les leçons des législatives 2000 lorsqu’il s’était vu accusé d’avoir vampirisé la rue sunnite. « Les législatives 2000 ont malheureusement rompu beaucoup de dialogues. Il est évident que les discussions avec les partis et avec Tammam bey ont pu régler une partie du contentieux. » Beaucoup de Beyrouthins ne comprendraient pas non plus qu’un représentant des Kataëb de Karim Pakradouni, qui a toujours combattu les projets de Rafic Hariri concernant la capitale, soit présent sur une liste que ce dernier parrainerait. « Le président Hariri avait d’abord proposé la reconduction de la formule 98, même avec d’éventuels changement de noms. Sauf que le déroulement des choses a fait que les pressions de sa base ont augmenté – des pressions au sujet de l’homogénéité de la liste précédente qui avait pu travailler d’une façon satisfaisante pendant six ans. Il ne s’est probablement pas senti obligé de défendre la position kataëb dans cette nouvelle formule, au vu de l’antagonisme qu’il y a entre eux sur plusieurs sujets. » Le Premier ministre va-t-il tenir ses promesses et laisser aux chrétiens la possibilité de choisir les candidats chrétiens de sa liste sans qu’il ne s’en mêle et sans qu’il ne veuille en faire des « yes man » ? « Rafic Hariri a ses opinions quant au développement de la capitale et nous avons veillé avec lui pour que les travaux dans Beyrouth soient équilibrés. Ce qui a été le cas. Nous continuerons à veiller à cela et à être à l’écoute des conseillers municipaux, chrétiens ou non, qui se doivent de suivre attentivement les dossiers en cours. Leur assiduité est donc souhaitée et souhaitable, et il ne s’agit ni d’être un “yes man” ni un “no man”. » Allez-vous appuyer une loi municipale favorisant le découpage de Beyrouth en arrondissements ? « Cette idée, comme bien d’autres, est posée et bien posée dans le cadre du débat sur une nouvelle loi. Toutes ces idées méritent d’être mûrement réfléchies, et si l’ancienne loi a cinquante ans d’âge, nous souhaitons une formule qui puisse durer cinquante nouvelles années et qu’elle puisse satisfaire toutes les parties. » Quid du rapport de force souvent handicapant entre la municipalité et le mohafazat ? « Cela fait partie de cette réflexion que nous devons mener. La formule actuelle n’est pas entièrement négative, mais il faut la faire évoluer », dit Michel Pharaon qui s’était opposé fermement à la proposition d’Élias Murr il y a quelques années : élire le président de la municipalité de Beyrouth, qui aurait les pleins pouvoirs, au suffrage universel. « Cela pourrait donner lieu à tous les abus », a-t-il affirmé, estimant, en réponse aux propos tenus la veille par le ministre de l’Intérieur, que toute éventuelle annulation du scrutin serait « un inadmissible nouveau coup asséné aux institutions et qui viendrait s’ajouter à tous ceux portés contre le Parlement et le Conseil des ministres ». Ziyad MAKHOUL

Il est celui qui a récolté le plus grand nombre de voix dans sa circonscription beyrouthine lors des législatives de l’an 2000 – plus, même, que son chef de file, Rafic Hariri. Il est également, selon ses amis comme ses adversaires politiques, l’un des (très) rares membres du bloc parlementaire haririen à s’opposer directement et souvent ouvertement au Premier ministre...