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Actualités - REPORTAGE

GROS PLAN Jacques Rampal : du dessin à… Diogène (photos)

Quel lien existe-t-il entre les dessinateurs-caricaturistes et les dramaturges? D’emblée aucun, mais à y refléchir de près, Goldoni, Molière ou Feydeau avaient bien la fibre «caricaturiste» avant l’emploi actuel du terme… Avec un humour et un sens de la dérision grossi souvent au fusain, ils ont fait rire (et continuent à le faire) des générations entières. Mais aujourd’hui surtout, les humoristes-dessinateurs qui ont pignon sur des pages d’un quotidien ou d’un magazine se trouvent du talent – et parfois à raison – pour écrire. Oui, entre la bulle des bandes dessinées aux propos légers et les dialogues suivis et serrés d’une pièce de théâtre il n’y aurait peut-être qu’un pas. On se souvient des années 70 de la «folle» montée sur les planches de l’extravagant et talentueux Copi. Copi, venu des illustrations avec sa «drôle» et énigmatique dame assise du Nouvel-Observateur. C’était les flèches corrosives avec deux mots avant le mordant du verbe de Claire Brétecher. Et voilà que George Lavelli, un autre argentin exilé à Paris, dilettante et passionné, l’un des metteurs en scène les plus doués et les plus singuliers de sa génération, assume des atmosphères baroques, outrancières et oniriques à la Journée d’une rêveuse de Copi, suivie d’œuvres encore plus off et scandaleuses. Œuvres avant-gardistes et osées, où rien n’est tabou pour cette «drag-queen» avant l’heure que s’est révélé Copi et qui, plume à la main et talons aiguilles frétillants, défendait âprement sur scène et dans la vie, mais avec un humour princièrement ravageur, une cause aujourd’hui banalisée avec le pacte revendiquant respect et reconnaissance des amours du même sexe. Les faveurs du public De Copi à Jacques Rampal, que rien ne place sous la même bannière, sauf le talent du dessin, de l’humour et du verbe, l’enjeu reste le même: couler placidement, très pince-sans-rire, ce ton inimitable de la bande dessinée dans les répliques sous les feux croisés de la rampe. Dessinateur, scénariste et auteur dramatique, Jacques Rampal a actuellement les faveurs du public. Son Diogène le Cynique triomphe et amuse en dépit (ou à cause, allez donc savoir!) de son personnage philosophant en alexandrin au milieu d’un siècle où les avions sont supersoniques, les ordinateurs des amis indispensables et les mobiles n’arrêtent pas de faire retentir leur sonnerie… Heureux et déroutant anachronisme qui ravit les spectateurs! Dix albums à son actif avec le dessinateur Morchoisne, dont le plus connu est Ces animaux qui nous gouvernent, vendu déjà à plus de 400000 exemplaires. Côté univers des planches, Jacques Rampal fait ses débuts en 1992 avec Célimène et le cardinal au Théâtre de la porte Saint-Martin, une comédie en vers deux fois récompensée et sept fois nommée aux Molières. Elle sera suivie de La fille à la trompette (théâtre de la Michodière, 1994) puis Les fous de la reine (théâtre du Gymnase,1997). Depuis 1992, Jacques Rampal a écrit de nombreuses pièces en prose, qui vont du drame historique (Alma Mahler) au théâtre de boulevard (La plumeuse), et trois pièces en vers, Esmeralda, Le galant sanguinaire et Diogène le Cynique. Défi littéraire relevé avec brio pour cette dernière œuvre qui, avec des personnages surgis de l’Antiquité, a captivé et amusé le public. Notamment cet «agitateur, ce gêneur de Diogène qui, contre l’injustice, aboie et morigène!» Vivant dans un tonneau, Diogène de Sinope, personnage entre mythe et réalité, «cherche un homme» à la lumière de sa lanterne éteinte (en plein jour), apostrophe les passants et lance son fameux «Ôte-toi de mon soleil» à Alexandre le Grand, venu lui proposer de l’aide… Bref, il est médiatique avant la lettre, c’est-à-dire plus spectaculaire que profond. S’il sévissait aujourd’hui, il passerait à la télévision non pour apporter la contradiction aux grands penseurs du petit écran, mais pour les entarter en direct. En même temps, il fait montre d’une belle intégrité en vivant jusqu’au bout son vœu de pauvreté et gagne la sympathie du public en restant un rebelle plein de panache. Qui a dit que le théâtre ne sait pas faire passer les messages, même à travers l’écran ou le voile de l’histoire et du rire… Edgar DAVIDIAN Extrait « De quoi suis-je coupable? D’être le plus connu, sinon le plus louable Des philosophes grecs ? Devrais-je donc cacher Mon modeste message au lieu de le prêcher ? La place du tribun serait-elle au théâtre Plutôt que dans la rue où chacun peut débattre ? Sur le port de Corinthe, on trouve des pêcheurs Qui vendent leurs poissons; pourquoi pas des prêcheurs Donnant leurs opinions? C’est là que le bât blesse: Chez les gardiens du Temple, on dit que je transgresse La pensée de Socrate et, plus honteux encore, Que je pille âprement cet immense trésor Pour le livrer aux chiens dont je suis chef de meute…»


Quel lien existe-t-il entre les dessinateurs-caricaturistes et les dramaturges? D’emblée aucun, mais à y refléchir de près, Goldoni, Molière ou Feydeau avaient bien la fibre «caricaturiste» avant l’emploi actuel du terme… Avec un humour et un sens de la dérision grossi souvent au fusain, ils ont fait rire (et continuent à le faire) des générations entières. Mais...