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Festival de Baalbeck Danses audacieuses et inédites du Grupo Corpo (photo)

Coup d’envoi plein de vie et d’exubérance, avec, toutefois, un public peu nombreux et disséminé sur les gradins, pour le Festival de Baalbeck, édition 2004. Sans plumes, ni strass, ni string, ni sabots cothurnes, mais avec grâce, charme, sensualité et éloquence des corps. Voilà le Grupo Corpo en droite ligne du Brésil. Sur une scène nue (et à raison, pour souligner la beauté intrinsèque et indéniable du spectacle) avec pour tout décor naturel les majestueux escaliers en pierre du temple de Jupiter, un ensemble de danseurs à la plastique impeccable et séduisante, corps taillés dans du marbre et musculatures parfaites pour des allures androgynes, ont investi les lieux en introduisant ce souffle chaleureux, piquant et sémillant des pays d’Amérique latine. Dans une chorégraphie au langage nouveau signée Rodrigo Pederneiras, usant avec subtilité du brio et de l’érotisme, du panache et de l’insolite, des éclats avant-gardistes et des pas traditionnels, absolument dans le sillage moderne « béjartien » qui s’inspire sans ciller de tous azimuts et fait feu de tout bois, deux tableaux – courts mais intenses –, « Nazareth » et « Parabelo », ont captivé les spectateurs ouvrant des yeux émerveillés. Expression corporelle souvent audacieuse et inédite, sortant avec une délicieuse assurance des sentiers battus du ballet, même contemporain, pour garder l’esprit, les couleurs, le soleil, la vivacité, les emportements, les embardées, la frénésie et l’exotisme flamboyant de la terre de la samba... Métissage astucieux, où les corps fusionnent avec des partitions aux mixages sonores d’une beauté inouïe et retentissante dans leurs échos de forêts profondes et souvenir de musique classique à rigueur, aux antipodes des rythmes déchaînés des cariocas. Avec des costumes en noir et blanc et tons mitoyens de gris perle (excellent travail fait de simplicité et de baroque populaire du pays des favelas par Freusa Zechmeister), les danseurs (sans prima donna ou danseur étoile mais avec un talent « démocratisé », sans parti pris, pour une harmonieuse et foisonnante vision d’ensemble) ont évolué sous les feux de la rampe dans des pas surprenants et des farandoles matissiennes. Les ingrédients d’une danse incantatoire Démarches chaloupées et provocantes, fesses rebondies et agressives, bassins désarticulés et invitant à la luxure, thorax fendant l’air avec propension aux rêves capiteux, épaules nues aux clavicules mobiles, bonds aériens comme des cerfs-volants lâchés au vent, pirouettes étourdissantes comme le tournis des toupies folles, mouvements de métronome des mains, voilà les ingrédients épicés et parfois corsés de cette danse incantatoire, vouant en douce mais bien ouvertement, un culte au plaisir et aux petits bonheurs qui n’excluent pas cependant un certain aspect éthéré et un sens de l’élévation. Toutefois, ce premier tableau pèche par un motif unique exploité jusqu’à la redondance. Têtue, obsédante mais belle comme une lancinante musique de Satie, cette fresque mouvante, lisse, luisante, sobre dans ses couleurs adroitement contrastées entre le deuil et la joie, tient aussi son grand pouvoir de séduction et d’envoûtement grâce à une partition musicale remarquable, justement un vibrant hommage de José Miguel Wisnik au compositeur Ernesto Nazareth porteur en titre de l’intermède dansé. Plus coloré, plus oiseau de paradis dans ses plumages ramagés, ses tonalités chamarrées et tropicales, est le second tableau « Parabelo » qui s’ouvre sur des danseurs moulés dans leur collant de lycra noir et tendant, sous les feux rougeoyants des spots, une inquiétante et mystérieuse toile d’araignée aux mouvements reptiliens de crabes... Et peu à peu de la dominance de bordeaux vif de la toile d’ensemble aux effets de jambes en croc, des cuisses cavalières et des frissons des corps tendus et vissés sur les planches de la scène, se répandent les couleurs orangées et jaunes, puis virant à un joyeux arc-en-ciel bariolé, pour une danse lumineusement festive et vaguement « carnavalesque » dans ses ondoiements, sa pétillance, sa folie et son ivresse de vivre pleinement et sans retenue. Rio de Brazil sur des airs légers et magnifiques avec effets de biceps, de pectauraux, de bretelles sur des torses nus, des hanches cambrées, des poses alanguies d’amours offertes et mûres... C’est le règne de spiderman et spiderwoman dans une vision de personnages énigmatiques aux confins des « martiens » dans une étrange procession rituelle, échoués avec bonheur, sur les rives de la Cité du soleil... Encore une fois, la musique nous emporte loin, très loin sur les bords de fleuves mugissants, de cascades sourdement bruyantes, de pépiements d’oiseaux dans des jungles vierges, de tendresses d’aurore quand la flûte porte ombrage au vent... Tandis que le corps célèbre la nature et exulte, le spectateur médusé et enchanté se laisse aller à ce magique et caressant songe d’été où les corps sont la plus belle mélodie du monde. Edgar DAVIDIAN
Coup d’envoi plein de vie et d’exubérance, avec, toutefois, un public peu nombreux et disséminé sur les gradins, pour le Festival de Baalbeck, édition 2004. Sans plumes, ni strass, ni string, ni sabots cothurnes, mais avec grâce, charme, sensualité et éloquence des corps. Voilà le Grupo Corpo en droite ligne du Brésil. Sur une scène nue (et à raison, pour souligner la...