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Au-delà de l’amendement constitutionnel, les réactions du week-end axées sur Émile Lahoud

C’est sans aucun doute mieux que n’importe quel feuilleton estival, puisque, contrairement aux soap opéras télévisés, la présidentielle 2004 (et la kyrielle de réactions qu’elle suscite) est devenue un show véritablement quotidien, bénéficiant de tous les supports médiatiques (audio, visuel et écrit), et proposant au citoyen usé et abusé par les vicissitudes libanaises une pléthore d’acteurs parfois surprenants, et dont la palette de jeu a beaucoup gagné en étendue. Ainsi, après Nabih Berry, Négib Mikati, Misbah Ahdab, Hagop Kassardjian, Walid Eido, le PNL et le Conseil supérieur grec-catholique, vendredi, le week-end écoulé a permis à Boutros Harb, Hassan Nasrallah, Walid Joumblatt, Michel Samaha, Samir Jisr, Georges Corm, Mohsen Dalloul et Ahmed el-Assaad (qui a estimé qu’un président de la République ne doit être « ni l’ennemi ni l’esclave de la Syrie ») de s’exprimer sur le sujet – l’échéance automnale – et ses divers corollaires – notamment la piètre performance du gouvernement ou la corruption-métastase. Et les mots des uns et des autres, des pro-reconduction comme des anti, montrent à qui veut bien le voir que chaque semaine, un palier est franchi dans les argumentations des politiques. Une étape qui ressemblerait, de près comme de loin, à un glissement qualitatif évident. Quel dénominateur commun, d’abord, entre le député du Batroun, membre de Kornet Chehwane et du Front national pour la réforme, et le secrétaire général du Hezbollah, que rien ne semble, a priori, rapprocher ? Aussi étonnant que cela puisse paraître, ce sont leurs références au « changement ». Un mot qui, en ces temps préprésidentiels, acquiert de facto une lourdeur, une gravité, une portée et une signifiance nouvelles. Il est effectivement naturel et attendu que l’opposant et l’antireconductionniste notoire qu’est Boutros Harb affirme et réaffirme que « le pays a besoin d’hommes de changement », comme il l’a fait samedi au micro de la LBCI ; en revanche, le même mot, dans la bouche de Hassan Nasrallah parrainant une cérémonie en hommage aux nouveaux présidents et conseillers municipaux élus sur les listes du parti de Dieu, rend les choses un tantinet plus ambiguës. « Il faudrait, lorsque l’on évoque le volet politique, que les Libanais œuvrent pour le changement, et qu’ils fassent front contre la corruption malgré ces temps difficiles », a dit celui qui avait, pratiquement le premier, fait allusion, il y a plusieurs mois, à une éventuelle et bienvenue reconduction du mandat Lahoud. En reconnaissant que ce « corps-à-corps contre les dossiers locaux » pourrait entraîner « des sacrifices et des pertes ». Ainsi, si le patron du Hezbollah semble avoir décidé, volontairement ou pas, de laisser flotter les zones d’ombres et le flou, le candidat Boutros Harb est resté particulièrement fidèle, avant-hier, aux options qu’il a définies pour lui-même et aux positions qu’il a adoptées depuis plusieurs semaines (voir L’Orient-Le Jour du 28 juin dernier). Tout en définissant le concept des « deux écoles » qui ne manquera pas de faire couler, ces prochains jours, quelque quantité d’encre. « Il y a deux écoles pour les candidats à la présidentielle, a souligné Boutros Harb. La première est celle de la transparence, elle pousse le candidat à informer les citoyens sur ses idées, sa vision et son programme. Ces citoyens connaissent cet homme, connaissent ses positions, son parcours politique et sa moralité. Quant à la seconde, elle privilégie le candidat dont les idées et l’histoire personnelles sont floues et brumeuses, et jusqu’à ce jour, c’est cette école qui gagne toutes les faveurs », a-t-il dit. Et pour lui, si Émile Lahoud souhaite voir son mandat reconduit ou renouvelé, « il faudrait qu’il le précise et que l’opinion publique le sache ». Le chef de l’État, en outre, « ne peut pas pousser les autres à respecter la Constitution tout s’excluant de cette règle. Il doit respecter » la loi fondamentale, a-t-il assuré. Et c’est là que le cap est passé : du refus de voir la Constitution amendée à des fins personnelles (le très Américain Ray LaHood en a fait le cœur de sa campagne beyrouthine), l’homme politique libanais semble se diriger de plus en plus, dans ses réactions sur la présidentielle 2004, vers le cœur du sujet, le chef de l’État lui-même. Le député de Batroun, qui a néanmoins affirmé qu’Émile Lahoud « a fait tout ce qu’il a pu au cours des six années écoulées pour sauver le pays », a fait écho au chef du PSP, Walid Joumblatt qui, dans une interview à nos confrères d’an-Nahar, a souhaité que le président Lahoud « annonce sa candidature et dévoile son programme s’il désire conserver le pouvoir ». Walid bey n’a pas manqué, lui non plus, de jeter une mini (et heureuse) bombinette dans la mare, en indiquant sa préférence pour « l’opinion publique » plutôt que pour un éventuel « mot d’ordre ». Qui, comme chacun le sait, n’est ni japonais, ni hollandais, ni tanzanien. Idem pour Mohsen Dalloul, dont le cœur est constamment divisé entre Koraytem et Damas, et qui n’a pas mâché ses mots, demandant également à Émile Lahoud de se prononcer sur l’échéance automnale, après avoir asséné que si le discours d’investiture de l’actuel locataire de Baabda « a échoué », c’est « parce qu’il ne portait en lui aucun programme ». Ce qui n’est pas le cas, ajoute le député Dalloul, de Robert Ghanem – dont il a d’ailleurs appuyé sans ambages la candidature. Émile Lahoud toujours au centre des laïus du week-end, mais de l’autre côté du miroir : l’ancien ministre des Finances, Georges Corm, a estimé, pour sa part, qu’« il faut changer l’équipe au pouvoir », et que « le président de la Chambre et le Premier ministre sont responsables de la situation du pays puisque le chef de l’État est devenu le maillon faible après Taëf ». Soulignant en outre, après s’être déchaîné contre Rafic Hariri, que personne n’a les capacités pour la présidence autant qu’Émile Lahoud. Bien plus nuancé, le ministre de l’Information a ménagé, lui, la chèvre et le chou : « Les choix pour la présidentielle sont ouverts, et je m’étonne que l’on ne mette l’accent que sur la reconduction ou le renouvellement », a dit Michel Samaha, qui a estimé que la corruption « est bien plus forte » que celui qui tient un discours d’investiture. Pour lui, la Syrie est attachée à sa relation avec Émile Lahoud et à tout ce qu’il a réalisé durant son mandat, mais « le moment n’est pas adéquat pour des amendements constitutionnels ». Finalement, le seul à ne pas se prononcer clairement et nommément, ce week-end écoulé, sur le sujet, a été le ministre haririen de l’Éducation nationale. « Il est trop tôt pour se faire une idée complète de l’élection présidentielle ; il faut attendre les candidats et étudier leur programme », a dit Samir Jisr, soulignant que la position du Courant du futur sur les amendements constitutionnels « sera connue lorsque ce sujet sera sérieusement évoqué ». Seule certitude pour le ministre tripolitain : si la situation économique du pays a régressé à ce point, « ce n’est pas la faute du président Hariri et de son équipe ». Il faudrait plutôt voir du côté des « gouvernements consensuels », à l’instar du cabinet actuel, a-t-il dit. Comme quoi, quand il n’y a pas d’« harmonie » au sein de l’Exécutif, rien ne va. La voilà la quintessence du haririsme au commencement du troisième millénaire et à la veille de la succession d’Émile Lahoud. Encore faut-il qu’elle fasse en sorte de ne pas confondre l’entente, l’équilibre, avec la monochromie et la pensée unique. Ziyad MAKHOUL
C’est sans aucun doute mieux que n’importe quel feuilleton estival, puisque, contrairement aux soap opéras télévisés, la présidentielle 2004 (et la kyrielle de réactions qu’elle suscite) est devenue un show véritablement quotidien, bénéficiant de tous les supports médiatiques (audio, visuel et écrit), et proposant au citoyen usé et abusé par les vicissitudes...