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THÉÂTRE Voyage sur la lune avec Wajdi Moawad…

Où va le théâtre libanais? Malheureuse question quand on connaît si bien l’amère réalité sociale! Des théâtres qui ferment – lamentable et définitif baisser de rideau sans que personne n’élève la voix ou ne s’en soucie réellement («les raisons sont multiples mais la mort est une», dit un proverbe populaire arabe) –, des comédiens réduits au chomâge (quand ils ne sont pas acculés, pour des besoins vitaux, à ânonner de tristes doublages de débiles feuilletons télévisés mexicains) et la liste est bien longue pour expliquer la désaffection du public du théâtre en langue arabe qui continue toujours à chercher un texte et un auteur… Très pirandellienne cette histoire, mais à forte et criarde couleur orientale. Par contre, à l’étranger, des noms pointent. Eh oui, nul n’est prophète dans son pays… Encore un proverbe populaire, direz-vous, et à raison! À quoi sert le théâtre, pourrait être notre propos. Laissons Michel Vinaver en donner une explication plausible: «Je me demandais l’autre jour à quoi sert le théâtre? À imiter la vie. Pourquoi l’imiter puisqu’elle est là? Elle a besoin d’être imitée pour qu’on la comprenne. Qu’est-ce que ça veut dire comprendre la vie ? Ça veut dire, en même temps qu’on la vit, la voir un peu étrangère. Qu’est-ce que ça apporte? On se dédouble. C’est-à-dire? On sort de soi et on fait un retour à quelqu’un qu’on ne connaît pas forcément très bien. Pourquoi ne pas rester tranquillement dans le soi qu’on connaît? C’est le propre de l’homme. Quoi? D’aller voir ailleurs tout en restant là.» En droite ligne de France, dans une édition bilingue (français-anglais) intitulée Actes du théâtre, consacrée justement à l’univers des feux de la rampe, figure, en très bonne place, un nom bien de chez nous et qui porte bien haut les couleurs libanaises. Il s’agit de Wajdi Moawad. Bien de mordus du monde des planches ont pu applaudir sa création Littoral, littéralement saisissante, au Monnot, il y a déjà quelque temps… On s’en souvient encore de cette remarquable intensité de la flaque de lumière devenue source de vie et de réflexion… Pour situer ce dramaturge bien dans sa peau d’étranger à lui-même, le savoureux portrait que brosse de lui, avec sympathie et quelque déférence, Estelle Savasta le situe bien: «Wajdi Moawad est libanais dans son enfance, français dans sa façon de penser et québecois dans son théâtre. Voilà ce qui arrive quand on est enfant à Beyrouth, adolescent à Paris et qu’on essaye de devenir adulte à Montréal. Wajdi Moawad a étudié à l’École nationale de théâtre du Canada. Depuis, il a écrit (Willy Protagoras enfermé dans les toilettes, Journée de noces chez les Cromagnons, Alphonse, Les mains d’Edwidge au moment de la naissance, Littoral, Rêves, Pacamambo, John), joué et mis en scène des pièces pour les petites, les moyennes et les grandes personnes. Des textes pour la radio. Des textes pour les journaux. Des adaptations et aussi des traductions. Avec Isabelle Leblanc, il a créé le théâtre “O Parleur”. Pour prendre la parole, la faire voyager et surtout la célébrer. Wajdi Moawad est un marcheur. C’est sa façon de faire avancer ses idées. Si on lui coupait les jambes, il n’écrirait plus. S’il avait un “punching-ball” non plus. Depuis 2000, Wajdi Moawad est à la barre du théâtre des Quat’Sous. Il y construit depuis des saisons qui ont des bateaux dans la tête. Des voyages à travers la parole des ébranlés. Mais c’est encore sur la lune qu’il voyage le mieux.» De la lune, on aborde les Incendies, l’œuvre la plus récente de Wajdi Moawad, donnée au théâtre 71 Malakoff et dont la tournée dans l’Hexagone est prévue du 1er mars au 29 avril 2005. Œuvre attachante et qui reprend le thème des origines et le secret de la vie. Le début d’Incendies est peut-être la mort de cette femme qui, il y a longtemps déjà, a décidé de se taire et n’a plus jamais rien dit. Cette femme s’appelle Nawal et elle sera enterrée bientôt. Incendies est alors l’histoire de Jeanne, l’histoire de Simon et d’une lente remontée le long du fil acéré de la vie de leur mère pour trouver les fondements sur lesquels se sont édifiées leurs existences, tenter d’en résoudre l’équation et chercher, derrière la dune la plus sombre, la source de beauté. Une création de plus pour nous laisser rêveur et méditatif dans notre siège couleur velours rouge cardinal? Juste encore une phrase de Maia Bouteillet dans Libération: «Rarement on aura éprouvé au théâtre une telle sensation de traversée. Incendies gagne à chaque pas une dimension plus universelle pour atteindre à la fable.» E.D.
Où va le théâtre libanais? Malheureuse question quand on connaît si bien l’amère réalité sociale! Des théâtres qui ferment – lamentable et définitif baisser de rideau sans que personne n’élève la voix ou ne s’en soucie réellement («les raisons sont multiples mais la mort est une», dit un proverbe populaire arabe) –, des comédiens réduits au chomâge (quand...