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Actualités - OPINION

Le relais-témoin de la zizanie change de main

Le renard passe, passe, à chacun, à son tour. Avec un mois d’avance, la version Jeux olympiques à la libanaise offre un sprint collectif, un 4x100 m inédit. Les haririens, ou sont-ce les lahoudistes, passent le témoin du relais zizanique aux berriyistes. Plus exactement à Berry lui-même. Alors que le président de la République visite le Belarus après la Pologne en compagnie de Issam Farès, du fidèle Abdel Rahim Mrad et du prudent Mahmoud Hammoud, le chef du Législatif s’en prend derechef au gouvernement. Mais vu que, notamment grâce à lui, cette instance n’est désormais plus dominée par le camp Hariri, on se demande un peu quelle peut être la cible exacte des attaques de Berry. Les partisans ministériels du chef de l’État, ceux du président du Conseil, les joumblattistes, les (plus ou moins) indépendants ? Ou ses propres représentants, dont on sait que, par un récent passé, il en avait proprement vidé deux, Beydoun et Hamdane ? À première vue, un myope verrait qu’il y a effectivement de l’eau dans le gaz, du côté de la traditionnelle alliance (de nature électorale) entre Berry et Hariri. En effet, ce dernier s’est rendu au Parlement pour participer à une réunion de travail de la commission de la Justice, sans observer l’usage qui lui commande de saluer au passage le président de la Chambre. D’ailleurs, même si Hariri n’était pas le principal objectif de l’archer Berry, il ne peut pas ignorer des flèches tirées en direction d’un gouvernement dont il est le chef. D’autant moins qu’il a toujours défendu l’esprit corporatiste, en se plaignant (lors du 27 mai, entre autres) du manque de solidarité et de cohésion interministérielle manifesté par nombre de membres de son cabinet. Berry, féru par vocation professionnelle d’effets de manche, n’y a pas été du dos de la cuiller, côté ironie. Il estime que les Libanais devraient remercier la Providence parce que ni le Conseil des ministres ne se réunit ni la Chambre ne trie assises. Autrement dit, que le pays se repose pour le moment de deux calamités naturelles. Mais comment un président de Chambre peut-il trouver que l’inactivité parlementaire est une grâce ? La réponse, troublante en soi, est qu’une session extraordinaire en cet été d’échéance aurait facilité une éventuelle tentative de faire amender l’article 49 de la Constitution. Pour permettre la reconduction. Autrement dit, Berry, sans ménager Hariri, laisse entendre qu’il n’est pas non plus pour Lahoud. Et fait d’une pierre deux coups, à travers son persiflage. Mais est-ce une bonne tactique ? Ne risque-t-il pas de se mettre à dos tout le monde ? Peut-être pas. Parce que, s’il se permet d’attaquer à un moment où les décideurs jouent l’apaisement, c’est qu’il veut sans doute rappeler que dans la présidentielle il garde un rôle de choix. Même si le choix véritable ne lui appartient pas. Il reste en effet en position de compliquer ou de simplifier les choses, dans n’importe quel sens, du fait qu’il anime l’activité parlementaire comme il l’entend. Et qu’il peut, dans une certaine mesure, influer sur les péripéties de la course à l’élection, ou à la réélection. Cependant, au-delà du message qu’il a voulu délivrer, il est assez clair que Berry en veut vraiment aux Trente. Cela fait un bout de temps, avant même ces municipales qui lui ont été défavorables, qu’il se plaint de certains ministres et de leurs (maigres) prestations. De plus, peut-être lui-même en mal de dépaysement, il saisit l’occasion des vacances pour reprocher aux responsables de trop voyager, de trop observer de pauses-cafés, de se dérober devant le traitement de dossiers urgents. Il souligne, en oubliant qu’il n’y a, en fait, pas assez de temps pour réaliser quoi que ce soit de fondamental, que la population, pressurée, se sent de plus abandonnée à ses pesants soucis de subsistance. Un thème porteur, démagogique, diraient certains, mais qui pose en fait une question institutionnelle récurrente. À savoir que rien ne devrait empêcher le Conseil des ministres de se tenir régulièrement, de travailler en somme, quand le chef de l’État ou même le chef du gouvernement se trouvent à l’étranger. Rien, si ce n’est le conflit d’interprétation des textes constitutionnels concernant les prérogatives. Toujours est-il que Berry ne va pas au bout de sa logique, pour pertinente qu’elle paraisse, du moment qu’il ne fait pas suivre ses remarques d’une proposition de solution pratique. Il ne demande en effet ni qu’on touche au texte constitutionnel pour en faire préciser les mécanismes de fonctionnement, ni qu’on adopte une pratique d’intérim commode qui prendrait force de loi. Quoi qu’il en soit, dans les vacances (sinon la vacance) du pouvoir, un professionnel voit une fuite en avant. Dont l’explication est double. D’abord, il n’y a pas moyen de produire quelque chose de positif, faute de temps et d’entente. Ensuite, il n’y a pas moyen de se rencontrer sans finir par se disputer. Ce qui fâcherait des décideurs que personne ne souhaite indisposer. Les protagonistes sautent donc sur toute occasion pour laisser passer le temps, jusqu’à la vraie bataille de la présidentielle à partir de septembre, en limitant les accrochages et les dégâts. Certains d’entre eux préconisent même que lors du retour aux réunions du Conseil des ministres, le mois prochain, on s’entende pour abréger les séances au maximum et les limiter à un ordre du jour ordinaire. De son côté, Hariri, qui pourrait théoriquement invoquer la Constitution pour réunir le Conseil des ministres sans Lahoud, n’en fait rien. Parce qu’il a pris la résolution de ne pas faire de vagues. Cette détente pour une fausse entente met en colère aussi bien le patronat que les syndicats. Car elle conforte le marasme économique et bride la relance. Tout en ignorant les revendications sociales. Philippe ABI-AKL
Le renard passe, passe, à chacun, à son tour. Avec un mois d’avance, la version Jeux olympiques à la libanaise offre un sprint collectif, un 4x100 m inédit. Les haririens, ou sont-ce les lahoudistes, passent le témoin du relais zizanique aux berriyistes. Plus exactement à Berry lui-même. Alors que le président de la République visite le Belarus après la Pologne en compagnie...