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Actualités - CHRONOLOGIE

Dialogue - Séminaire à Notre-Dame de la Montagne-Fatqa L’Appel de Beyrouth, pour réconcilier convivialité, consensus et souveraineté

Réunis hier dans le cadre du séminaire de l’opposition organisé par le député Farès Souhaid au couvent Notre-Dame de la Montagne à Fatqa, plusieurs cadres chrétiens et musulmans se sont retrouvés pour discuter ensemble du contenu de l’Appel de Beyrouth et de la philosophie consensuelle qui va de pair avec la formule libanaise. L’objectif primordial de cette rencontre était de braver les interdits de l’après-guerre, à commencer par cette épée de Damoclès (syrienne) – cette idée a été le leitmotiv du séminaire, reprise par quasiment tous les intervenants – qui pèse sur la tête de tous les leaders musulmans et chrétiens qui tentent de se tendre la main pour engager un dialogue interlibanais sur le passé, le présent et l’avenir du pays. Le résultat de ce débat sur l’Appel de Beyrouth a sans conteste été hier la création d’une véritable dynamique consensuelle et conviviale, affranchie de toutes les pressions, qui tente de renouer avec l’esprit du pacte de 1943 et avec le préambule de l’accord de Taëf. Une dynamique qui, pour reprendre les termes de l’un des intervenants musulmans, Okab Sakr, est destinée à « faire naturellement boule de neige ». Mais les participants ont évoqué plusieurs autres points importants, tous interreliés, parmi lesquels la souveraineté et l’indépendance, le concept de résistance, le devoir de mémoire, la libanisation des échéances, l’alternance au pouvoir et l’opposition à tout amendement de la Constitution. Le séminaire devait comporter à l’origine quatre interventions, sur la présidentielle (Samir Frangié), l’expérience des municipales (Farès Souhaid), la situation de la justice (Chakib Cortbawi) et la convivialité (Mohammed Hussein Chamseddine). Mais l’interdiction par les services de renseignements du débat qui devait avoir lieu sur l’Appel de Beyrouth, le 20 juin dernier, a modifié toute la donne. Et Farès Souhaid a décidé de transformer la séance en discussion ouverte du document. D’entrée, le député de Qartaba donne le ton : « Tous ceux qui tentent de diviser les Libanais sont en train de violer la souveraineté du Liban. De même, toute initiative visant à réunir les Libanais constitue un pas vers la souveraineté du Liban. » Ce faisant, il assure la liaison entre les notions de « consensus » et de « souveraineté », axe à l’origine du Liban de l’indépendance et du pacte national de 1943. Second à prendre la parole pour une intervention musclée, l’ancien bâtonnier Chakib Cortbawi martèle : « Le pouvoir ne veut pas que les Libanais discutent entre eux. L’Appel de Beyrouth a été interdit parce qu’il s’agit d’une proclamation par les Libanais de leur vouloir-vivre en commun. » Il évoque pêle-mêle la déconstruction de l’État et de la société civile par ce pouvoir, notamment la répression des libertés et la violation des constantes de l’État de droit. M. Cortbawi rejette également, au nom de tous les participants, tout amendement de la Constitution à des fins personnelles. « Dans tous les pays arabes, il existe actuellement une dynamique visant à s’ouvrir aux citoyens et à élaborer des Constitutions. Au Liban, le pouvoir va dans le sens inverse », dit-il, dénonçant « la mainmise syrienne qui a fabriqué le pouvoir local » et la « falsification systématique des élections ». Sans oublier, ajoute-t-il, qu’« à chaque échéance électorale, il y a cette manie de vouloir amender la Constitution ». Selon lui, la démocratie libanaise « n’est plus qu’une façade », et, derrière, « le pouvoir tente de museler la société civile ». Il évoque longuement le cas de la MTV et les arrestations du 7 août, pour déboucher sur les difficultés du pouvoir judiciaire à être indépendant dans la pratique, sur l’émigration massive des jeunes et sur le déséquilibre flagrant dans les relations libano-syriennes. Appelant les citoyens à assumer leurs responsabilités, à lutter contre la culture de la corruption et à demander des comptes à leurs élus, il a ajouté :« Aucun système policier ou dictatorial n’a changé de par lui-même. C’est toujours les citoyens qui ont mené une action dans ce sens. » La règle d’or au Liban Troisième intervenant, Mohammed Hussein Chamseddine, qui s’étend longuement sur la philosophie de l’Appel de Beyrouth, celle du pacte. Reprenant des propos prononcés dans les années 50 par Hamid Frangié en direction de Charles Malek, à l’époque ministre des Affaires étrangères qui s’apprêtait à rejoindre le pacte de Bagdad, il a affirmé : « Si les Libanais s’entendent sur le mal, il se transforme en bien, et s’ils se disputent sur le bien, il se transforme en mal. » En d’autres termes, le consensus est à la base de la formule libanaise conviviale, et il ne saurait exister de vérité absolue au Liban. « C’est la règle d’or au Liban, à l’origine de la formule de 1943. Malheureusement, depuis Taëf, la classe politique ne saisit pas très bien cette règle à laquelle elle n’y croit pas », affirme-t-il. « Qu’entend-on dire dans les milieux de la classe politique? Ils affirment qu’ils ont gagné la guerre, qu’ils représentent la ligne nationale, et qu’ils peuvent par conséquent faire ce qu’ils veulent. Une telle appréciation comprend trois erreurs : – au Liban, il ne peut y avoir une partie qui a vaincu et une autre qui a perdu ; – il y a une partie qui se considère comme vaincue, et qui croit que l’autre partie a gagné. C’est une erreur, tout le monde a perdu ; – même si toutes les parties sont conscientes qu’elles ont été vaincues, elle ne l’ont pas été par l’étranger, mais en raison de la désunion entre les Libanais », dit-il, attirant l’attention sur une quatrième erreur : le fait de puiser sa force de l’étranger. Après avoir longuement cité l’imam Chamseddine, il indique que « l’essentiel n’est pas que les personnalités chrétiennes et musulmanes soient côte à côte formellement. L’essentiel est dans le fond, dans la philosophie du pacte. Notre but est de dissiper le brouillard dans l’esprit des Libanais, à la suite de la guerre et de la situation politique post-Taëf : le consensus est à la base du Liban ». Morceaux choisis Ci-après, quelques morceaux choisis de la longue discussion (plus de deux heures) qui a suivi ces exposés : – Le chef de l’opposition Kataëb, Élie Karamé, applaudit à l’esprit consensuel de l’Appel, mettant l’accent sur l’impératif de la sincérité et de la transparence au niveau de tout dialogue interlibanais. – Okab Sakr (cadre de la banlieue sud), journaliste au quotidien al-Balad, affirme que les cadres musulmans qui souscrivent à l’Appel de Beyrouth sont nombreux. Il se déchaîne contre les leaders musulmans, qui ne défendent pas les intérêts de leur pays, qui briguent les postes, et qui ne représentent personne, selon lui. Et de souligner : « Nayla Moawad, Nassib Lahoud, Gabriel Murr et Samir Frangié représentent la conscience des Libanais. Ils sont plus représentatifs que bien des députés musulmans à la Chambre ! » Rendant hommage au « trésor » que constituent Saoud el-Maoula, Mohammed Hussein Chamseddine, Mayyad Haïdar ou Hassan Bzeh, il s’en prend au « pouvoir de tutelle ». – Mayyad Haïdar qualifie le document de fondateur, estimant que toutes les questions doivent être ouvertes à un débat national, notamment la Résistance. – À la suite d’une intervention du journaliste Walid Abboud, qui demande aux membres de Kornet Chehwane (KC) si l’Appel de Beyrouth n’est pas un moyen de fuir la déconfiture du Rassemblement, Farès Souhaid remet les pendules à l’heure : « Le grand problème de KC, c’est sa marginalisation. Il nous est interdit d’interagir avec les musulmans. » Il évoque une longue série de tentatives, notamment avec Nabih Berry ou le Hezbollah, mais sans succès. – Samir Frangié fait l’apologie du pluralisme et de la diversité culturelle. Le Liban a, selon lui, un exemple de convivialité à donner sur le plan mondial, et il doit diffuser la culture du consensus dans le monde arabe. « Nous avons détruit notre société consciemment et avec les meilleures intentions. L’enfer est pavé de bonnes intentions », dit-il. L’Appel de Beyrouth ne vise pas à déterminer les responsabilités de chacun dans la guerre, souligne-t-il. Il vise à rappeler que les bases du Liban sont consensuelles. Il s’agira aussi d’un moyen pour en finir avec la formule hobbesienne qui prévaut au Liban, dans la mesure où les deux piliers libanais, réconciliés, peuvent assumer eux-mêmes leur sécurité sans qu’ils ne délèguent leur souveraineté à un troisième acteur, à un Léviathan. Il convient de noter que des recommandations ont été publiées à l’issue du séminaire, concernant notamment la nécessité de réaliser la décentralisation administrative et le rejet de tout amendement constitutionnel pour la présidentielle. Michel HAJJI GEORGIOU Les participants Le séminaire s’est déroulé en présence de MM. Farès Souhaid, Nassib Lahoud, Mansour el-Bone, Gabriel Murr, Samir Frangié, Mohammed Hussein Chamseddine, Chakib Cortbawi, Élie Karamé, Camille Ziadé, Samir Abdel Malak, Jean Aziz, Eddie Abillamah, Tannous Cardahi, Okab Sakr, Mayyad Haïdar, Hassan Bzeh, Ziyad Baroud, ainsi que plusieurs participants de tendances hezbollahies. Le mufti de Jbeil, Hassan Lakiss, a assisté au séminaire pour la quatrième année consécutive. Plusieurs habitants de la banlieue sud et du caza de Kesrouan-Jbeil ont également participé au débat. La délégation du Forum démocratique, comprenant Habib Sadek, Élias Atallah, Nadim Abdel Samad et Hikmat el-Eid, a dû s’excuser à la suite du décès d’une personnalité proche du forum.

Réunis hier dans le cadre du séminaire de l’opposition organisé par le député Farès Souhaid au couvent Notre-Dame de la Montagne à Fatqa, plusieurs cadres chrétiens et musulmans se sont retrouvés pour discuter ensemble du contenu de l’Appel de Beyrouth et de la philosophie consensuelle qui va de pair avec la formule libanaise. L’objectif primordial de cette rencontre...