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Actualités - CHRONOLOGIE

CONFÉRENCE - La société civile et le défi démocratique Des obstacles historiques, sociaux et culturels bloquent le développement politique des pays arabes

Si l’échec des expériences démocratiques dans le monde arabe est une évidence, les raisons de ce revers n’ont pas toujours été clairement définies, encore moins évoquées avec courage par les différents protagonistes de la société civile, formée par les partis politiques, les associations, les ONG, les syndicats. Autant d’acteurs auxquels l’Association Bahithat et Friedriech Ebert Stiftung ont voulu s’adresser hier pour tenter de faire la lumière sur ce problème dans le cadre d’une conférence intitulée « La société civile face au défi démocratique ». Une occasion pour les participants – des professeurs d’université, des journalistes, des responsables d’ONG et de syndicats du monde arabe – de dresser un bilan de la situation et d’apporter les solutions pour amorcer ou rectifier le processus démocratique dont la société civile est le principal moteur. Divisés en plusieurs volets – les partis politiques, les syndicats, le développement, l’éducation et les élites, les débats ont tenté d’englober les multiples aspects de ce problème tant il est vrai que le « processus démocratique est l’affaire de tous » comme l’a souligné un des intervenants. Pendant longtemps, les sociétés arabes ont été caractérisées par l’absence de démocratie et une vie politique marquée par un système héréditaire, tribal et dictatorial. Initiés par les pouvoirs en place, les changements politiques ont souvent été le résultat de politiques musclées, mues par des impératifs sécuritaires visant à imposer une certaine stabilité. Ces politiques ont le plus souvent été parachutées, sans jamais solliciter la moindre participation des peuples concernés. Aujourd’hui, à l’ombre de la mondialisation et du fondamentalisme religieux des signes de « frustration politique » au sein des peuples arabes sont apparus. Face à l’impuissance des acteurs sociaux, et à l’ombre des crises palestinienne et irakienne, les élites sont aujourd’hui appelées à repenser la situation générale et à redéfinir leurs objectifs, tout en examinant de près les obstacles qui empêchent l’avancée du processus démocratique et bloquent toute participation effective de la base. Les obstacles d’abord et ils sont nombreux, à commencer par le « dévoiement » du rôle de la majorité des acteurs sociaux en place. Alors que la société civile est censée s’opposer à l’État notamment pour amorcer les changements, elle a souvent épousé les schémas traditionnels secrétés par les sociétés et reproduits par les pouvoirs en place. Le confessionnalisme, le féodalisme, le sectarisme, mais aussi la puissance des lobbies financiers sont autant de facteurs qui ont entravé le processus de démocratisation dans le monde arabe, détournant les acteurs de la société civile de leurs objectifs de départ. Celle-ci s’est parfois enlisée dans des problématiques locales allant jusqu’à conjuguer avec les pouvoirs en place. Professeur à l’UL, Nahawand el-Kadri a mis l’accent sur la relation intrinsèque qui s’est établie entre la société civile, les médias et les pouvoirs politiques et financiers et qui a fini par dénaturer le rôle de chacune des trois parties. Dénonçant « l’idéologie de la communication », l’intervenante a expliqué comment « les médias, parce qu’ils ont besoin de moyens financiers pour faire face aux tentatives de séduction qu’exercent sur eux les hommes politiques, ont abouti à un schéma dans lequel ils doivent conjuguer avec les magnas de la publicité et adopter les techniques de relations publiques et des sondages d’opinion. Cette situation a fini par se répercuter sur la qualité de l’information en produisant une relation (contre nature) entre le pouvoir, l’argent et la société civile ». « Celle-ci a été elle aussi tentée par les lumières des feux de la rampe et par le sensationnalisme, à l’instar des médias », a-t-elle affirmé. Directrice de l’Institut de sciences politiques à l’USJ, et membre de Bahithat, Fadia Kiwan a repris l’historique des partis politiques – acteurs incontournables du processus de démocratisation – pour tenter d’identifier les germes de la crise actuelle. Évoquant l’échec de l’expérience partisane dans le monde arabe, la conférencière a rappelé « l’impact, sur le discours politique, de la question nationale, à l’ombre de la création de l’État d’Israël. Brandissant les grandes causes de la région, ces partis ont occulté les questions internes majeures telles que la démocratie et la construction de l’État de droit, sachant que les libertés de la nation (au regard de ces idéologies) ne coïncidaient pas nécessairement avec les libertés individuelles », a précisé Mme Kiwan. Les idéologies communistes, qui sont apparues peu après, n’ont pas non plus réussi à introduire les changements nécessaires, à cause notamment de leur déviation hégémonique. Pour Mme Kiwan, la crise actuelle des partis politiques ne saurait être résorbée que par la restitution au citoyen de ses libertés individuelles et de ses droits. Pour Haydar Ibrahim Ali, rédacteur en chef soudanais et directeur d’un centre de recherches au Soudan, la société civile a échoué pour avoir confondu entre « le politique » et « la politique », préférant sombrer dans le caritatif jusqu’à introduire « le soufisme » dans son action ! Dénonçant la « sécuritarocratie » qui s’est imposée dans les pays arabes, le journaliste a mis en garde la société civile contre le piège de l’élitisme ou de la récupération. Placée sous le thème du développement, la séance de l’après-midi a été consacrée aux défis économiques et sociaux auxquels doivent faire face les régimes arabes. Je.J.
Si l’échec des expériences démocratiques dans le monde arabe est une évidence, les raisons de ce revers n’ont pas toujours été clairement définies, encore moins évoquées avec courage par les différents protagonistes de la société civile, formée par les partis politiques, les associations, les ONG, les syndicats. Autant d’acteurs auxquels l’Association Bahithat et...