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Actualités - OPINION

CITOYEN GROGNON Piéton en mal d’égards

À le voir déambuler tranquillement sur la chaussée et dédaigner majestueusement les trottoirs construits à son intention, on le traiterait de masochiste. À le voir se ruer comme un forcené pour traverser la route, on l’imaginerait poursuivi par je ne sais quel monstre extraterrestre. À le voir se jeter carrément sous les roues des voitures, bus et autres engins à roues, on le croirait candidat au suicide. À le voir ignorer agents de la circulation, feux de signalisation et passages cloutés, on se demanderait s’il n’a pas tout bonnement perdu la tête. Le piéton libanais n’a-t-il pas le moindre respect pour sa vie ? Son temps est-il si minuté au point de négliger sa propre sécurité pour arriver au plus vite à destination ? Et s’il n’atteignait jamais cette destination ? Y a-t-il jamais pensé ? Certes, il y a pensé. Il y pense même chaque fois qu’il doit se promener dans la rue ou traverser une route, car l’entreprise est pour le moins périlleuse. Marcher sur les trottoirs est déjà chose inaccessible. Et pour cause, ces jolis trottoirs rose et gris, reconstruits à grands frais il n’y a pas si longtemps, sont pris d’assaut par les 4 x 4 en mal de parking, les arbustes cadavériques plantés en leur beau milieu (drôle d’endroit pour y créer des espaces verts), les pylônes électriques, mais aussi, phénomène nouveau, les crottes de chien gracieusement déposées, çà et là, par leurs propriétaires canins. Bien trop hauts pour les jambes fatiguées des personnes âgées, bien trop étroits pour les mères de familles affublées de poussettes. De quoi décourager le piéton le plus déterminé, qui trouve très jolis ces trottoirs rose et gris, mais qui n’en a pas moins marre de slalomer entre les voitures, bancs, arbustes, et...crottes de chien. Traverser la route est une autre paire de manches. Hormis quelques ponts piétons construits le long des rares autoroutes, parfois à des kilomètres l’un de l’autre, hormis quelques rares carrefours où des flics déterminés se font respecter au doigt et à l’œil, quitte à « mater » les chauffards récalcitrants, à quels égards peut prétendre le piéton sur nos routes ? Traverser une rue à hauteur du feu de signalisation ? De la pure folie : la seule vue du rouge donne aux automobilistes l’irrépressible envie d’appuyer frénétiquement tant sur le champignon que sur le Klaxon. À moins que tous les conducteurs libanais soient devenus daltoniens ! Attendre qu’un flic arrête la circulation pour lui céder le passage ? De la pure utopie : nombre de motards, bus, voitures et autres machines pétaradantes n’en ont rien à cirer de l’agent de fonction, bien souvent plus occupé à bavarder avec un copain qu’à se soucier des états d’âme du passant. Restent encore les quelques passages piétons, larges bandes blanches dessinées en travers des routes, désormais nettement mises en valeur à force de clous phosphorescents et panneaux indicateurs. Du gaspillage pur et simple : l’automobiliste libanais, qui n’en connaît souvent pas l’utilité, les ignore superbement. Et ne se prive pas de frôler le passant téméraire qui s’y aventure, tout en le gratifiant d’un Klaxon tonitruant, comme seuls les Libanais savent le faire. On se demande encore pourquoi le piéton n’a d’autre choix que de se ruer comme un forcené pour traverser la route, en priant Dieu de bien vouloir lui laisser, une fois de plus, la vie sauve. Anne-Marie EL-HAGE
À le voir déambuler tranquillement sur la chaussée et dédaigner majestueusement les trottoirs construits à son intention, on le traiterait de masochiste. À le voir se ruer comme un forcené pour traverser la route, on l’imaginerait poursuivi par je ne sais quel monstre extraterrestre. À le voir se jeter carrément sous les roues des voitures, bus et autres engins à roues, on...