Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGE

Le Liban, destination de vacances : une saison qui s’annonce prometteuse

La saison estivale a démarré. Les premiers touristes sont déjà là et profitent des sites archéologiques, de la montagne, des plages et autres loisirs du pays. Côté réservations, les hôteliers, tour-opérateurs et agences de location de voitures affichent leur optimisme, car la saison s’annonce bonne dans sa totalité, bien meilleure que les années précédentes. Et pour cause, les touristes sont au rendez-vous cette année, et entendent passer de belles et longues vacances au Liban. Rien que pour les cinq premiers mois de l’année, les chiffres du ministère du Tourisme sont probants : jusqu’en mai, déjà 372 689 entrées, soit 48,4 % de plus qu’en 2003, pour la même période, et avant même la saison touristique. Si les choses continuent de la sorte, les chiffres, déjà excellents en 2003, avec 1 150 000 touristes pour l’ensemble de l’année, seront probablement encore meilleurs. Le record de l’année 1973 de 1 400 000 touristes pourrait même être battu. Fidèle et en augmentation constante, la clientèle du Golfe constitue la grande majorité des touristes de cette période estivale, mais les clientèles jordanienne et syrienne, elles, ne sont pas en reste, alors que commencent à poindre de nouveaux venus d’Afrique du Nord. Quant aux touristes occidentaux, en quête de destinations exotiques, ils recommencent à faire leur apparition, après de longues années d’absence. Mais cette initiative demeure timide, car le Liban est encore associé, dans l’esprit des Occidentaux, à des images de guerre et d’insécurité. Images que les récents incidents de Hay-el-Sellom, retransmis par toutes les télévisions internationales, n’ont pas contribué à améliorer. Du côté de l’infrastructure touristique, les deux secteurs public et privé travaillent de pair pour la réussite de cette saison que tous veulent excellente. Le ministère du Tourisme s’efforce, avec les moyens du bord, de faciliter le séjour des étrangers, en multipliant brochures, études, contrôle des prix et encouragements aux municipalités, après avoir tenté de redorer l’image du pays à l’aide de campagnes de promotion à l’étranger. Quant au secteur privé, fin prêt pour un démarrage en beauté, il peaufine les derniers préparatifs et se livre une âpre concurrence pour se tailler une place de choix sur le marché. Certes, l’infrastructure touristique est loin d’être parfaite et le touriste doit souvent se contenter de sites mal entretenus, de plages pas toujours propres, de loisirs trop limités pour ses enfants, de prix exorbitants ou de commerçants peu scrupuleux qui entendent bien profiter, par tous les moyens, de la manne que constitue la venue de ces visiteurs bien nantis. Mais la prise de conscience est claire et l’on réalise qu’il faut encore travailler d’arrache-pied pour que le Liban devienne une véritable destination touristique, non seulement durant les trois mois d’été, mais à longueur d’année. Le défi est de taille. Les professionnels du tourisme comptent bien le relever un jour, mais ils espèrent qu’entre-temps, aucun événement fâcheux ne viendra gâcher cette saison prometteuse. Nada Sardouk, directrice générale du ministère du Tourisme : « Une infrastructure à refaire, avec les moyens du bord » Atteindre bientôt le chiffre record de 1 400 000 touristes Avec un budget annuel limité à 13 milliards de LL en 2004, contre 8 milliards de LL en 2003, le ministère du Tourisme doit reconstruire toute l’infrastructure touristique du pays. Le défi est de taille pour la directrice générale, Nada Sardouk, qui doit œuvrer avec les moyens du bord. Mais la tâche serait impossible sans l’aide des organismes internationaux et l’importante participation du secteur privé et des ONG. Le plan de travail s’inspire des grandes lignes du « plan de reconstruction et de développement touristique du Liban », conjointement élaboré en 1996 par l’Organisation mondiale du tourisme, (OMT) le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), la République française et le ministère libanais du Tourisme. « Un plan qui n’a jamais été mis en application », déplore Nada Sardouk. « En effet, explique-t-elle, le travail entrepris jusque-là était si sérieux qu’il était normal pour nous d’en faire notre point de départ. » Des études pour mieux comprendre Aujourd’hui, Mme Sardouk attaque de pair différents volets de reconstruction du secteur touristique. « Il était essentiel de démarrer par les dossiers stratégiques, observe-t-elle, autrement dit par la collecte et l’analyse de données statistiques fiables. Aujourd’hui, grâce à une étroite collaboration du ministère du Tourisme avec différents secteurs privés et publics, dont le secteur hôtelier et la Sûreté générale, nous sommes en mesure de récolter des données susceptibles de nous informer sur les flux touristiques et les tendances saisonnières, poursuit la directrice générale. Nous pouvons d’ailleurs affirmer que le Liban a retrouvé sa place comme destination touristique. Il a accueilli, l’année passée, 1 150 000 touristes et se prépare à en recevoir 20 à 25 % de plus cette année. » Une hausse qui peut être expliquée par le choix du Liban comme destination de vacances des Arabes, qui rechignent depuis le 11 septembre 2001 à partir en Europe ou aux États-Unis, mais aussi par quelques actions séparées de promotion du Liban à l’étranger, notamment sur les antennes de la CNN ou dans la presse écrite française. « Nous menons actuellement de nouvelles enquêtes qui se dérouleront auprès des touristes et qui nous permettront de recueillir de plus amples informations sur leur séjour au Liban, la raison de leur venue, leur degré de satisfaction, leurs dépenses », ajoute par ailleurs Mme Sardouk. Le volet concernant l’aménagement des sites touristiques étant aujourd’hui du ressort de la Direction générale des antiquités (DGA), placée elle-même sous la tutelle du ministère de la Culture, le ministère du Tourisme s’occupe du maintien des sites en bon état d’accueil. « Des contrats sont passés avec les municipalités et des fonds leur sont distribués afin de les encourager à éclairer les sites et à les maintenir propres », précise Mme Sardouk, ajoutant qu’en 2003, son département a versé plus de 500 millions de LL aux municipalités de Baalbeck, Jbeil, Saïda, Tyr, Niha et Anjar pour l’entretien des sites, sans compter le soutien financier qu’il apporte chaque année aux festivals locaux et internationaux. « Ainsi, souligne-t-elle, nous dépensons environ 4 milliards de livres par an pour soutenir les festivals internationaux. » Une tâche fastidieuse Promouvoir le Liban comme destination touristique est une tâche des plus délicates. « D’une part, nous développons de nouveaux produits touristiques, d’autre part, nous faisons la promotion du pays et de ses produits à l’étranger », explique Nada Sardouk. À cet effet, le ministère du Tourisme invite régulièrement les tour-opérateurs et la presse étrangère de différents pays à visiter les sites traditionnels du Liban, à l’occasion de voyages d’études, mais aussi à découvrir le potentiel touristique du Liban. « Nous procédons parallèlement au relookage de l’ensemble du matériel de promotion, et à la préparation de CD et DVD », précise-t-elle, ajoutant que le ministère apporte sa contribution aux porteurs de projets touristiques en les aidant à imprimer et à distribuer leurs brochures. Quant au rôle ponctuel d’orientation et d’aide aux touristes que doivent jouer les bureaux d’information du ministère du Tourisme, « il se limite à quelques bureaux placés au niveau des sites les plus importants », déplore la directrice générale. « Les moyens et le personnel manquent pour développer ces points d’information, dit-elle, mais nous espérons obtenir un financement du secteur privé pour en créer très bientôt près de 26. » La tâche est fastidieuse. Mme Sardouk évoque le projet de modifier la législation en vigueur, afin d’exempter de taxe les villages classés touristiques, celui de développer des voyages thématiques au Liban, d’encourager le tourisme à longueur d’année, et pas seulement durant les trois mois d’été, mais aussi d’améliorer l’infrastructure terrestre, maritime et aérienne et surtout de réorganiser le ministère, dans son ensemble. Elle insiste aussi sur la qualité des prestations, sur le développement du secteur hôtelier et de la formation hôtelière, mais aussi sur le contrôle des prix. Pour ce faire, elle n’hésite pas à frapper aux portes pour solliciter appuis et conseils. « En effet, précise-t-elle, nous avons demandé l’appui de la France pour la formation de guides de montagne et espérons signer bientôt d’autres accords de collaboration dans le domaine du tourisme avec différents pays. » Les idées se bousculent dans la tête de la directrice générale du ministère du Tourisme. Des idées pensées, réfléchies, qu’il ne reste plus qu’à exécuter. Mais les fonds manquent. Entre-temps, peut-on se permettre de rêver d’égaler le chiffre record de 1 400 000 touristes de l’année 1973 ? « Pourquoi pas ? » répond Nada Sardouk, éternelle optimiste. Des louanges, mais aussi des reproches Se retrouver au centre-ville, un même plaisir pour Arabes et Occidentaux Le centre-ville de Beyrouth est la destination incontournable, une des stations préférées des touristes et visiteurs étrangers, notamment en ce début de saison. Qu’ils viennent des pays du Golfe, d’Europe ou des États-Unis, ils aiment s’y rendre surtout le soir, prendre un verre ou dîner tout en profitant de la fraîcheur encore printanière et de l’ambiance agréable qui y règne. Bientôt il fera trop chaud et la montagne sera le lieu de rendez-vous de ces visiteurs. Leurs impressions sur le Liban ? Elles sont intarissables. Les touristes arabes, habitués, ne peuvent s’empêcher de relever quelques aspects qui les dérangent, tout en insistant sur leur attachement au pays. Quant aux Occidentaux, ils n’en croient tout bonnement pas leurs yeux. L’image qu’ils avaient du Liban était si différente… La place de l’Étoile est pleine de monde en ce vendredi soir printanier. Les restaurants se remplissent, au gré des arrivants. Mais ils n’affichent pas encore complet. La saison vient juste de commencer et les touristes débarquent à peine. Attablés à la terrasse des cafés et des restaurants, promeneurs libanais et touristes arabes ou occidentaux se côtoient dans une ambiance des plus conviviales. Ils bavardent, observent la rue, fument un narguilé, sirotent un verre ou dînent, au son d’une musique arabe ou d’un groupe pop endiablé, alors que des adolescents déambulent le long des ruelles piétonnes ou s’assoient sur les trottoirs, dégustant une glace. Une image différente Il y en a d’ailleurs pour tous les goûts : pour les jeunes et les moins jeunes, les amateurs de musique orientale ou occidentale, les amateurs de spécialités locales ou étrangères, alors que ceux qui préfèrent le calme, peuvent opter pour l’ambiance feutrée d’un petit restaurant retiré, dans une ruelle secondaire, où un chanteur romantique égrène des tubes nostalgiques, loin de la foule bruyante et agitée. Même les amateurs de foot ont l’embarras du choix. Çà et là, pour attirer la clientèle, des restaurateurs ont installé des écrans géants. Le succès est garanti. Les groupes de jeunes envahissent les lieux. Les voix et les applaudissements couvrent le brouhaha des bavardages et de la musique. Attablés à la terrasse d’un restaurant, un groupe d’Occidentaux, américains et britanniques, bavardent. Ils ne passeront que quelques jours au Liban, car ils viennent pour du travail. Certains sont là pour la première fois, d’autres en ont fait une destination incontournable, au gré de leurs voyages. Leur temps libre est consacré à la découverte du pays qui les a carrément séduits. « La première impression était mauvaise, raconte une femme du groupe. Car la route de l’aéroport est parsemée d’habitations qui gardent les stigmates de la guerre. » « Mais ici, nous sommes dans un autre monde, renchérit sa compatriote. Ce centre-ville est merveilleux. Nous espérons que ce cachet oriental sera préservé. Nous ne pensions pas que le Liban était ainsi. Nous avions de votre pays une image si différente, si erronée, une image de guerre, d’insécurité. » « Mes parents étaient d’ailleurs paniqués à l’idée de me voir partir pour le Liban. Mais je me sens réellement en sécurité. J’envisage même d’aller me promener seule, demain », dit-elle, espérant toutefois trouver une carte ou un guide routier qui lui permette de le faire. Le groupe ne tarit pas d’éloges sur l’atmosphère agréable, sur la propreté des lieux, mais aussi sur la gentillesse des Libanais, aimables et hospitaliers. « Il est si facile de parler avec les gens, car il n’existe aucune barrière linguistique », reprend la jeune Américaine. Au fil de la discussion, quelques appréhensions apparaissent, on parle de l’effrayant trafic automobile, de la nécessité d’améliorer la signalisation pour les touristes, afin de leur permettre de mieux se retrouver dans la capitale. Des appréhensions justifiées, certes, mais tellement minimes face à l’enthousiasme de ces Occidentaux qui découvrent le pays. Susceptibilité saoudienne Les touristes du Golfe, eux, sont devenus des habitués. Le Liban est pour eux une destination de vacances privilégiée qu’ils visitent deux ou trois fois par an pour profiter de cette ambiance différente, qu’ils apprécient par-dessus tout, mais aussi du climat. Propriétaires de maisons à la montagne, à la ville, ou clients d’hôtels luxueux, ils entendent bien profiter à fond de leur séjour, tout en maintenant leur rythme de vie, leurs habitudes. Le Liban, ils le connaissent désormais par cœur, avec sa montagne, ses sites archéologiques, ses plages, ses lieux de loisirs, ses restaurants, ses boutiques, ses bijouteries. « Le Liban a énormément évolué depuis 10 ans », note une mère de famille saoudienne qui passe régulièrement ses vacances dans la montagne libanaise, avec sa famille. Si le pays offre au touriste arabe d’innombrables avantages, certains aspects le dérangent néanmoins. « Les routes dangereuses, le mauvais entretien des sites archéologiques, les plages de sable jonchées de détritus, tout cela est bien désagréable », observe une jeune femme saoudienne, vêtue à l’occidentale. « Mais le plus gênant, ajoute-t-elle, est cette impression que l’on a d’être tout le temps carottés. Pourquoi les prix ne sont-ils pas fixes dans les boutiques ? Pourquoi devrais-je payer un maillot de bain 400 dollars, alors qu’il est proposé à la femme libanaise à 100 dollars ? » demande-t-elle, excédée par l’opportunisme de certains commerçants. Et d’ajouter que de nombreux Saoudiens ne viennent plus au Liban, à cause de cette désagréable impression d’être mal reçus, mais aussi mal jugés par les Libanais. « Il faut savoir que le peuple saoudien est susceptible », dit-elle. Ces mots parlent d’eux-mêmes, plus besoin d’en dire plus. Pour cette famille émiratie, qui vient régulièrement passer les vacances au Liban, la cherté de la vie fait, certes, partie d’un des désagréments du pays, mais son seul véritable casse-tête consiste à trouver des loisirs pour meubler le temps de ses trois garçons. « Nous avons vite fait le tour des activités, dit le père. Nous avons emmené nos enfants dans tous les recoins du pays, mais aurions aimé qu’ils aient davantage de loisirs à leur disposition. Ils doivent malheureusement se résoudre à faire comme les adultes, s’attabler dans les restaurants ou faire du shopping. » Les petits désagréments de la vie quotidienne, les touristes arabes les supportent, au même titre que les Libanais. C’est en riant qu’ils racontent les petites bisbilles avec le voisinage à cause du générateur trop bruyant ou la longue attente devant l’agent de la Sûreté générale à l’aéroport. Petits désagréments qui ne gâcheraient, pour rien au monde, leurs vacances. Cet été, non seulement le centre-ville de Beyrouth, mais le Liban entier s’est mis à l’heure des touristes. Désormais, commerces et restaurants ouvrent leurs portes jusqu’à une heure avancée de la nuit, conformément au rythme de vie de la clientèle arabe qui apprécie de dîner et de faire ses courses dans la fraîcheur nocturne. Par ailleurs, conformément à la demande du ministère du Tourisme, les restaurants ont affiché leurs tarifs à l’extérieur, bien en valeur. Mais seuls quelques commerces ont fait de même, nombre d’entre eux négligeant sciemment d’afficher les prix de leur marchandise. Le touriste lui, n’est pas dupe. Il espère toutefois que tous les visiteurs, sans distinction de leur nationalité, bénéficieront de la légendaire hospitalité libanaise. Peu de spécialistes de « l’incoming », mais la tendance se confirme Guerre des prix entre les agences de voyage Les agences de voyages libanaises travaillent d’arrache-pied, notamment celles qui se sont spécialisées dans l’« incoming », autrement dit (dans le jargon des voyagistes) le mouvement « des arrivées » vers le Liban. Vente de séjours complets, réservation d’hôtels et de restaurants, location de voitures, avec ou sans chauffeur, organisation de visites touristiques et de loisirs ont aujourd’hui la cote et sont partie intégrante de « l’incoming ». Mais au-delà des pronostics d’une saison estivale qui s’annonce très bonne, un tour d’horizon s’impose pour scruter un domaine où l’on se livre une âpre concurrence, où l’on tente d’exploiter de nouveaux marchés, où l’on cherche à travailler à long terme. Pour la majorité des agences libanaises, si les moyens sont différents, un seul objectif s’impose : le tourisme vers le Liban doit s’étaler sur l’ensemble de l’année et non pas rester saisonnier. Du côté des grandes agences, celles qui sont implantées sur le marché depuis des décennies, « l’incoming » est un marché qu’elles développent patiemment depuis une dizaine d’années, se basant sur les Libanais de l’étranger, sur les visiteurs arabes qui passent l’été au Liban, et qui constituent la grande majorité des touristes, mais aussi sur la clientèle occidentale qui, évitant la saison chaude, préfère venir au printemps ou en automne, en tours organisés ou individuellement. Davantage d’Occidentaux Si la clientèle arabe est de loin la plus importante, elle est saisonnière et se limite aux vacances d’été et aux congés scolaires. « C’est pourquoi nous tentons de développer de nouveaux marchés, notamment les marchés européen, américain, brésilien... à travers des tour-opérateurs à la recherche de nouvelles destinations », explique Nadine Boutros, directrice générale de Kurban Tours, agence représentant le tour-opérateur « Nouvelles frontières » au Liban. « Pour ce faire, nous organisons régulièrement des voyages de promotion, au cours desquels nous faisons découvrir le pays à des journalistes et des professionnels du voyage, ajoute-t-elle. De plus, de nombreuses entreprises internationales lancent des voyages à thèmes vers le Liban. Au terme de ces séjours que nous organisons entièrement, les invités repartent généralement éblouis par le pays, par l’accueil qu’ils ont reçu. Nous sentons d’ailleurs un regain d’intérêt de la part des Occidentaux pour le Liban, même si le pays est encore associé à des images de guerre. » Pour Élie Nakhal, propriétaire de l’agence « Nakhal », l’année 2004 est en quelque sorte une année test, une nouvelle chance pour le Liban. « Auparavant, le pays était une destination trop chère, qui n’était pas à la portée de tous, indique-t-il. Aujourd’hui, nous vendons le Liban à 85 dollars par jour, par personne, en pension complète, dans des hôtels trois étoiles. Nous proposons aussi des séjours d’une semaine à 250 dollars, transferts compris, et nos circuits touristiques sont très appréciés. Par ailleurs, les compagnies aériennes multiplient les vols vers le Liban pour répondre à l’importante demande, notamment à partir des pays arabes. Et même les vols en provenance d’Europe sont complets », précise M. Nakhal. L’agence de voyages « Tania Travel » n’est pas vraiment spécialisée dans « l’incoming », même si elle propose des circuits touristiques quotidiens à travers le pays. « Le potentiel est intéressant », estime Georges Pétrakian, propriétaire de l’agence. C’est la raison pour laquelle il envisage de développer le département. Pour ce faire, M. Pétrakian a signé un accord de collaboration avec un jeune Libano-Japonais, Hani Hibri Tsuruta, spécialisé dans « l’incoming », et qui, de surcroît, a ses entrées dans le marché japonais. La concurrence, loi du marché Face à ces vieilles agences, implantées depuis des décennies sur le marché local, une nouvelle agence, qui a tout juste 10 ans d’âge, a fait un départ fulgurant et s’est spécialisée notamment dans « l’incoming ». « Anastasia » a pénétré avec force, non seulement les marchés du Golfe, mais aussi l’Égypte et la Jordanie. « Nous avons choisi d’être forts sur les marchés arabes, et avons pour objectif de devenir la première agence libanaise dans l’incoming des pays du Golfe », observe Aline Ghanem, chef du département qui regroupe 29 personnes. Un choix qui n’est pas venu par hasard, « mais qui s’est basé sur des études, sur une planification, mais aussi sur des contacts », précise la jeune femme. Prenant en charge groupes ou individuels, l’agence développe actuellement de nouveaux marchés, notamment le marché syrien, ainsi que celui d’Afrique du Nord, autrement dit le Maroc, l’Algérie et la Tunisie. Mais le marché de « l’incoming » n’est pas de tout repos. La concurrence est rude et les agences doivent jouer des coudes pour préserver leurs marchés et leurs intérêts. Il n’est pas rare pour certains de se casser le nez ou de se retirer d’un marché jugé inintéressant. « De nombreuses agences locales ont cassé les prix du marché, attirant la clientèle jordanienne et syrienne grâce à des prix trop bas, bien en deçà de la normale, déplore Élie Nakhal. Or le Liban est trop cher pour cette clientèle qui recherche d’abord les prix bas ». « D’ailleurs, depuis quelques années, nous avons préféré nous retirer des marchés syrien et jordanien, et nous nous dirigeons actuellement vers d’autres marchés, en plus du marché arabe. Nous envisageons ainsi d’exploiter le marché européen grâce à notre accord de partenariat avec Menajet, une compagnie aérienne de charters qui amènera le touriste vers le Liban et qui sera à la disposition de nos programmes touristiques », explique M. Nakhal. De son côté, l’agence « Anastasia » se défend contre les accusations de concurrence déloyale lancées à son encontre par certaines agences. « Si nous proposons des prix préférentiels à notre clientèle, c’est tout simplement parce que nous obtenons de la part des hôteliers de meilleurs prix grâce à notre important volume de travail, précise Aline Ghanem. C’est la loi du marché et notre clientèle est satisfaite. Nous choisissons soigneusement les hôtels avec lesquels nous travaillons. D’ailleurs, nous pratiquons une politique de travail à long terme et ne pouvons nous permettre la moindre erreur », conclut-elle. Certes, cette guerre des prix n’est pas de tout repos pour les agences qui s’arrachent la clientèle. « La concurrence est telle que certains propriétaires d’agences ne s’adressent pas la parole, indique Mme Nadine Boutros. Mais c’est la loi du marché. Chaque agence a sa réputation à préserver. Et en fin de compte, c’est le client qui est le seul gagnant, car la qualité des prestations ne baissera jamais », conclut-elle. Le marché libanais, le nouveau défi de « Thomas Cook » « Thomas Cook » vient d’ouvrir ses portes au Liban. Installée au centre-ville, l’agence de voyage et de change est aujourd’hui allemande à 100 % et possédée à 50 % par le groupe Lufthansa. La présence de cette grande agence au Liban, malgré la période d’instabilité que traverse le Moyen-Orient, découle d’une volonté de pénétrer un marché intéressant et de démarrer en force dès l’amélioration de la situation, explique Ahmed el-Askalani, directeur de « Thomas Cook Liban », affiliée au bureau régional d’Égypte. Ce n’est qu’au terme d’une étude de marché que l’agence a décidé de s’installer au Liban, explique M. el-Askalani, précisant que « l’incoming » (les arrivées) et « l’outgoing » (les départs) représentent tous deux des potentiels intéressants. Mais comment « Thomas Cook » envisage-t-elle de vendre le Liban à l’étranger ? « Le Liban est une destination attrayante, mais encore méconnue des touristes étrangers, note le directeur. Notre objectif est d’utiliser notre image de marque pour encourager les visiteurs à venir au Liban. Certes, le marché est difficile, mais nous sommes prêts à relever le défi. Nos clients nous font confiance, précise-t-il à ce propos, malgré l’image négative qu’ils ont du Liban. D’ailleurs, la majorité des gens qui viennent au Liban pour la première fois sont tout étonnés de ce qu’ils voient et repartent avec une impression très positive. Nous sommes certains qu’il y a beaucoup à faire à ce niveau », note M. el-Askalani, ajoutant que le peuple libanais est très hospitalier. Pour le moment, « Thomas Cook Liban » est en phase d’installation. « Nous ne voulons pas brûler les étapes, indique le directeur. D’ailleurs, la situation tant locale que régionale ne prête qu’à la prudence. Mais nous nous préparons pour le moment opportun », conclut-il, sûr que « Thomas Cook » deviendra un must au Liban, comme il l’est à l’échelle internationale. L’hôtel de luxe, favori des touristes Le secteur hôtelier commence déjà à accueillir les premiers vacanciers et se prépare pour la pleine saison, qui débutera avec les congés scolaires, dès la fin du mois de juin. Une saison qui s’annonce bonne pour Beyrouth, le Mont-Liban et Jounieh, au vu des réservations qui pleuvent, notamment de la part de la clientèle des pays du Golfe, alors que dans d’autres régions, notamment le Nord, le client se fait toujours attendre. De manière générale, le secteur hôtelier espère une augmentation générale de 25 à 30 % du taux d’occupation, par rapport à l’année passée. Pierre Achkar, président du syndicat des hôteliers, fait le point sur l’infrastructure hôtelière, qui compte déjà 16 000 chambres à travers le pays et parle des nouvelles tendances qui naissent. « Voilà dix ans que le secteur hôtelier du pays multiplie les investissements », observe Pierre Achkar. D’une part, les anciens hôtels sont remis à neuf, d’autre part, de nouveaux hôtels de grand luxe voient le jour. « Le Liban a bien prouvé lors du Sommet de la francophonie que son parc hôtelier était à la hauteur d’événements internationaux et continuera de faire ses preuves cet été », estime-t-il. M. Achkar demeure persuadé que la clientèle, et plus précisément la clientèle du Golfe, recherche principalement la qualité, autrement dit les hôtels quatre ou cinq étoiles, ou même les hôtels de très grand luxe. Il en est de même pour les restaurants, une tendance mondiale, selon ses dires. « D’ailleurs, précise-t-il, le Liban est une nouvelle destination, et ce sont les hôtels de luxe qui travaillent le plus dans ce cas. Alors que les hôtels deux ou trois étoiles sont plutôt réservés aux grandes destinations, ou aux hommes d’affaires et aux commerciaux. » Aujourd’hui, il parle d’une nouvelle tendance qui se précise, celle de la location de suites luxueuses, des suites modelables, comme sur mesure. « En effet, explique Pierre Achkar, la clientèle arabe ne supporte pas de vivre dans des chambres d’hôtel exiguës. Les familles étant nombreuses, elles ont besoin à la fois d’espace et de luxe. » Et de préciser que de nombreux complexes poussent, çà et là, à l’image du Grand Hills Village, pour répondre à la demande. « Parallèlement, ajoute M. Achkar, la qualité des touristes qui viennent passer leurs vacances au Liban s’améliore. Nous avons ainsi eu droit dernièrement à la visite d’un important cheikh, qui venait au Liban pour la première fois. » Toutes ces raisons poussent le président du syndicat des hôteliers à décourager les investissements pour de petits hôtels deux ou trois étoiles. « L’investissement n’en vaut pas la peine, dit-il. Car la majorité des petits hôtels sont obligés de casser les prix pour travailler, notamment en saison basse. D’autant plus qu’à cette période, les prix d’un cinq étoiles sont très abordables et deviennent carrément concurrentiels. » Anne-Marie EL-HAGE

La saison estivale a démarré. Les premiers touristes sont déjà là et profitent des sites archéologiques, de la montagne, des plages et autres loisirs du pays. Côté réservations, les hôteliers, tour-opérateurs et agences de location de voitures affichent leur optimisme, car la saison s’annonce bonne dans sa totalité, bien meilleure que les années précédentes.
Et...