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Une province indépendante au cœur de l’Australie Le fabuleux destin de la principauté de Hutt River

L’histoire pourrait ressembler à celle d’un « petit village peuplé d’irréductibles gaulois » qui résistent encore et toujours aux Romains. Seulement nous ne sommes pas en 50 avant J-C mais bien en 1970. Et ce petit village n’est autre qu’une province d’Australie devenue, grâce à la ténacité, voire la folle ambition d’un seul homme, une principauté, la principauté de Hutt River. L’histoire est drôle mais vraie, les personnages, des héros, mais pas de bandes dessinées ! Tout a commencé en 1969, lorsqu’un agriculteur australien du nom de Léonard Casley, propriétaire d’un terrain de 75km2, situé au nord de Perth, voit son quota de 1550 tonnes de blé, qu’il vendait au gouvernement australien, réduit de 90 %. Courant vers sa ruine, sire Casley, courageux individu, grand rêveur auprès de l’éternel, préfère se battre, défendre ses droits et les renégocier. Ce fermier fort cultivé est aussi chercheur – fasciné par les mathématiques et l’influence des étoiles sur l’être humain – et écrivain. Il connaît à fond, et c’est là sa force, tous les méandres de l’empire britannique et les lois, même les plus oubliées, qui s’y rattachent. L’affaire part en jugement dans les tribunaux australiens, l’État lui doit la rondelette somme de 52 millions de dollars… Quelques mois plus tard, ayant gagné son procès, il propose au gouvernement de lui céder, au lieu de l’argent que ce dernier lui doit, l’indépendance de sa province. Aussi, il déniche une loi britannique qui stipule que s’il se proclame prince et crée une principauté, le gouvernement australien ne pourrait plus rien contre lui. Pour ce faire, Léonard Casley déclare la guerre – par fax – à l’Australie. Celle-ci, qui ne le prenait pas vraiment au sérieux et n’ayant pas réagi dans les trois jours qui ont suivi, a permis à la principauté d’être reconnue de facto. C’est donc ainsi que le 21 avril 1970, la sécession de Hutt River, un territoire 50 fois plus grand que Monaco et situé en Australie de l’Ouest, est annoncée par lettre officielle. En 1971, Léonard Casley se proclame prince Léonard Premier. Depuis et jusqu’à ce jour, l’homme qui a 78 ans règne sur son peuple – 20 000 « hutt » au total, 19 000 citoyens d’outre-mer et 1000 vivant à Hutt River. La capitale en est la petite agglomération de Nain, la langue officielle l’anglais. Un passeport légal a été créé – mais il est précisé qu’il ne constitue pas actuellement un document de voyage accepté par les pays étrangers – ainsi que des timbres et une monnaie, le dollar de Hutt River (HRD) Un ambassadeur heureux L’histoire, à mille lieux d’ici, nous est arrivée par l’intermédiaire d’un « hutt » d’origine libanaise, Jean-Pierre Haddad. Très sérieux analyste financier à la Banque centrale, il n’est autre que … l’ambassadeur de la province de Hutt River au Liban et en Jordanie. Nommé le 24 janvier 2004, il raconte encore, brandissant fièrement son passeport: « J’ai rencontré le prince lors d’une soirée officielle en Europe. J’avais toujours cherché à être diplomate. Lorsqu’on m’a fait cette proposition, j’ai tout de suite accepté.» Dès lors, il cherche à promouvoir le pays et son tourisme, informer les médias et ses compatriotes libanais, et peut-être les tenter par une nationalité « hutt », moyennant la somme de 1500$, tout en signalant que « ce n’est pas pour le moment le sésame qu’ils recherchent ». Mais sait-on jamais ? Au cours de ses investigations, sir Jean-Pierre Haddad, car il a été anobli par le prince, a déjà recensé une vingtaine de Libanais qui possèdent la double nationalité « hutto-libanaise », dont le moukhtar de Ghobeiré. À l’occasion de la fête de l’Indépendance de la principauté, le 21 avril, monsieur l’ambassadeur convie tous les intéressés à une journée portes ouvertes, dans sa résidence de Dahr el-Sawan. À Hutt River, ce sera sûrement la fête, célébrée par le souverain, un brin mégalomane – mais n’est-ce pas normal que cette victoire lui soit montée à la tête ? – son épouse la princesse Shirley et leurs 7 enfants, dont le prince héritier Ian. Il est même possible, nous informe-t-on, de pouvoir correspondre directement avec lui, à condition de s’exprimer en anglais. Mais, précise-t-on, «l’usage veut que l’on s’adresse à la représentation officielle la plus proche pour transmission de tout courrier destiné au prince ». L’histoire, certes drôle, est aussi celle, touchante, d’un homme qui a réussi à faire plier le gouvernement australien. Un Don Quichotte des temps modernes qu’il est bon de saluer pour son courage et ses rêves. Carla HENOUD
L’histoire pourrait ressembler à celle d’un « petit village peuplé d’irréductibles gaulois » qui résistent encore et toujours aux Romains. Seulement nous ne sommes pas en 50 avant J-C mais bien en 1970. Et ce petit village n’est autre qu’une province d’Australie devenue, grâce à la ténacité, voire la folle ambition d’un seul homme, une principauté, la...