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CONCERT - Musique de chambre à l’amphithéâtre Aboukhater (USJ) La douceur éolienne de la harpe

Un des derniers concerts de la saison pour les prestations de musique de chambre organisées par le Conservatoire national supérieur de musique à l’amphithéâtre Aboukhater (USJ). Sous les feux de la rampe, trois artistes connus des mélomanes libanais: Nina Filippova à la harpe, Ondin Brezeanu au violon et Alin Tataru à la flûte. Au menu, des pages de Mendelssohn, Saint-Saëns, Debussy, Ibert et Piazzolla. Joli mélange et choix raffiné, avec scintillement de l’esprit français, surtout pour mettre en valeur la douceur éolienne du vent pour une harpe aux notes délicates et éthérées. Ouverture avec les Murmures du vent (op 102 n°3) de Mendelssohn, où harpe et violon bavardent en toute harmonie et tranquillité, presque à contre-jour, entre zéphyr et brise du soir… Des premiers accords tendres et évanescents jusqu’aux derniers pizzicati chargés de brusque rêverie et qui terminent l’œuvre, les accents de Mendelssohn sont d’une souveraine élégance. Suit La chanson du printemps op 62 n°6 du même compositeur, pour une narration vive et pleine d’une sève insaisissable. Discours réglé avec dextérité entre les cordes de la harpe et celles du violon au lyrisme à peine retenu. De Camille Saint-Saëns, on écoute la Fantaisie pour violon et harpe op 124 dans la même veine d’inspiration d’accords splendides sur fond de pincements des cordes de la harpe et le déroulement soyeux et léger d’une mélodie charmante. Toujours dans le sillage des compositeurs français, mais au ton résolument plus moderne et aux timbres plus audacieux, voilà deux œuvres (réservées cette fois au duo complice de la harpe et de la flûte) habitées de mystère, de nostalgie et de plaintes douces comme un baiser qu’on ne peut échanger du plus inspiré et prolifique des mélodistes de l’Hexagone, Claude Debussy. Première arabesque et La Fille aux cheveux de lin sont les titres (bien révélateurs pour leur séduction sonore) de ces deux narrations, certes courtes mais du meilleur cru debussinien. La musique de Piazzolla Passage à Jacques Ibert qui, sans renier le courant impressionniste, offre un «Entracte» surprenant de concision, de justesse de ton et surtout de sobriété. Pour clôturer la ronde, Deux interludes, toujours d’Ibert, qui fut le directeur de la Villa de Médicis à Rome et dirigea d’un bras de fer mais dans un gant de velours les théâtres lyriques de France. Interludes où dialoguent, en toute liberté et originalté, voire une sorte de ludiques interventions, harpe, violon et flûte. Sensible, tendre et plein de clins d’œil malicieux, c’est ainsi que s’impose cette narration qui ne sombre jamais dans le sérieux ennuyeux et encore moins dans le mélodramatique. Les applaudissements d’un public relativement nombreux et enthousiaste (oui, on n’a pas tous les soirs un concert pour harpe) ont couvert les dernières mesures qui effaçaient déjà les belles images sonores d’un paysage aimable et souriant. Gerbe de fleurs sous les bras, les artistes saluent l’auditoire. Les applaudissements deviennent plus frénétiques. Un bis et ce sera le magnifique et vibrant Libertando, d’Astor Piazzolla. Même sans bandonéon (et avec les notes frêles et délicates de la harpe, et c’est sans doute là la bravoure de l’enjeu), la musique de Piazzolla prend toujours à la gorge et réchauffe le cœur. La nuit et son agitation, les espaces libres et l’océan qui cogne contre des rives toujours très étroites, la folie des sens qui se réveillent et lâchent leurs démons terribles, l’angoisse de vivre et la peur du lendemain, la véhémence absolue de revendiquer son droit à la vie et à la liberté, tout cela c’est la musique de Piazzolla, qui invoque les forces obscures et secrètes de la nuit pour avoir la paix des sens, la libération du corps et la lumière au cœur. Et tous ces rythmes débridés, ces mélodies à la fois enfiévrées et mélancoliques, parties comme un cheval, finissent brusquement. Comme un coup de tête de la vie… Imprévisible comme un rideau inattendu, comme un réveil qui vous force à voir la réalité. Une des œuvres les plus belles et les plus chaleureuses de ce concert. Et le public n’a pas attendu pour réagir: une pluie d’applaudissements. Tout le monde est bien réveillé! Edgar DAVIDIAN
Un des derniers concerts de la saison pour les prestations de musique de chambre organisées par le Conservatoire national supérieur de musique à l’amphithéâtre Aboukhater (USJ). Sous les feux de la rampe, trois artistes connus des mélomanes libanais: Nina Filippova à la harpe, Ondin Brezeanu au violon et Alin Tataru à la flûte. Au menu, des pages de Mendelssohn,...