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Actualités - OPINION

Commentaire Interdire ou règlementer ?

Depuis quelques années, les milieux ecclésiastiques et quelques autres institutions s’occupant de questions qui touchent aux mœurs publiques s’élèvent régulièrement contre une évolution des pratiques publicitaires au Liban de plus en plus incompatibles, selon eux, avec les exigences de moralité. Au centre de cette bataille, les affiches publicitaires à caractère licencieux, mettant en scène le corps humain, notamment féminin, pour vanter toute sorte de produits. Bien entendu, le problème ne se limite pas aux affiches, mais touche les médias dans leur ensemble, en particulier la télévision, dont l’impact sur la société n’est plus à démontrer. Sans oublier le net, porte ouverte sur un univers qui, pratiquement, ne connaît aucune limite, aucun tabou. Mais la voie publique étant, par définition, un lieu appartenant à tout le monde, c’est-à-dire à toutes les catégories sociales et à tous les âges, il est par conséquent normal que l’on s’y fixe davantage. Même si, dans le fond, on ne saurait mettre sur le même plan le spectacle d’un sein ou d’une jambe servant de support à une marque de sous-vêtements et certains sites sur Internet faisant impunément l’apologie du viol ou de l’inceste. L’Église et les institutions qui en relèvent sont parfaitement habilitées, au nom des valeurs et des principes qu’elles défendent, à susciter des débats, voire lancer des campagnes de sensibilisation sur ce qu’elles estiment être des perversions ou même des déviations dans l’évolution des mœurs. Cela ne signifie pas pour autant que le clergé doit être seul à trouver les réponses à ces problèmes qui impliquent toute la société, y compris bien sûr les pouvoirs publics. Car, le cas échéant, ce serait donner libre cours à l’émergence d’un pouvoir théocratique et d’une vision intégriste de la société que les Libanais sont nombreux à récuser. Dans les pays authentiquement démocratiques, les choix de société sont en principe l’affaire des partis politiques, voire des associations civiles. Au Liban, nous n’y sommes pas encore, et les formations politiques – à l’exception justement de celles qui présentent une conception fondamentaliste de la religion et de la vie –, sont loin de remplir re rôle. Cela étant dit, il faut savoir que dans le débat qui nous intéresse, il y a deux aspects qu’il faut absolument séparer pour être en mesure de trouver des débuts de réponses. Au fond, ce qui choque, est-ce la vision du sein dénudé ou bien le fait que ce sein soit utilisé à des fins commerciales ? Certes, on pourrait répliquer que l’argument commercial est porteur dans la mesure où le support a été choisi en fonction de son pouvoir de choquer, mais ce serait entrer là de plain-pied dans un débat philosophique incapable de déboucher sur une solution immédiate à un problème de société. Plus de trente ans après les débuts de la révolution sexuelle, on ne peut reprocher à une bonne partie des Libanais, et notamment aux jeunes, de s’étonner que certains puissent encore être choqués par la vision d’une chair étalée. Mais, inversement, on n’a pas le droit non plus d’imposer à ceux qui n’ont pas vécu cette révolution une « modernité » à laquelle ils n’y sont peut-être pas préparés. De là, le rôle régulateur de l’État. Un État qui est censé répondre, autant que possible, à tous les besoins, protéger toutes les affinités. Un État qui sache règlementer, pas seulement interdire ou ouvrir la voie à tous les excès. Toutes proportions gardées, la France du début des années soixante-dix avait connu une situation plus ou moins similaire à celle qui prévaut actuellement au Liban. À l’époque, la pornographie déferlait sur toutes les salles de cinéma, et l’on pouvait théoriquement assister au lancement d’un film X en allant voir Jésus de Nazareth. Jusqu’au moment où les pouvoirs publics sont intervenus, non pas pour interdire les films classés « adultes », mais pour mettre de l’ordre dans la profession en créant des salles spécialisées. L’État libanais sera-t-il un jour en mesure de répondre à ce besoin urgent de règlementation ? Telle est la question que l’on doit se poser aujourd’hui. Après tout, en termes de mœurs publiques, cette histoire d’affiches licencieuses est anecdotique face aux problèmes autrement plus graves que le Liban connaît actuellement. Comme par exemple le type de tourisme qui se développe depuis quelques années dans ce pays. Élie FAYAD
Depuis quelques années, les milieux ecclésiastiques et quelques autres institutions s’occupant de questions qui touchent aux mœurs publiques s’élèvent régulièrement contre une évolution des pratiques publicitaires au Liban de plus en plus incompatibles, selon eux, avec les exigences de moralité.
Au centre de cette bataille, les affiches publicitaires à caractère...