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Actualités - ENTRETIEN

Spécial Le Figaro Entretien avec l’ex-chef de l’antiterrorisme à la Maison-Blanche Clarke : « Vouloir démocratiser le Moyen-Orient où l’on est haï est naïf »

Propos recueillis par Laure Mandeville Richard Clarke, ex-coordinateur de la lutte antiterroriste américain, a démissionné en février 2003 en raison de son opposition à l’engagement en Irak. Son livre réquisitoire Contre tous les ennemis (Albin Michel), dénonçant la politique de George W. Bush, est un best-seller aux États-Unis. LE FIGARO - Le président Bush vient de relancer son projet de démocratisation du grand Moyen-Orient, lors du G 8, suscitant une polémique avec les pays européens. Le moment est-il bien choisi ? Richard CLARKE – Aujourd’hui, en pleine invasion de l’Irak, cette initiative ne peut marcher ! Pour influencer ces pays, il faudrait que nous bénéficiions de la confiance des gouvernements et des peuples. Or c’est le contraire ! Depuis l’invasion de l’Irak, ils nous haïssent ou nous estiment incompétents. Vous êtes donc plutôt d’accord avec le président Chirac quand il dit qu’on ne peut démocratiser la région de l’extérieur ? Au lieu d’envahir l’Irak, nous aurions donc dû nous employer à convaincre les gouvernements du Moyen-Orient d’évoluer vers plus de démocratie. Mais, aujourd’hui, les Européens ont raison de dire que ce n’est nullement le moment de pousser ouvertement à un changement suscité de l’extérieur. La démocratisation du Moyen-Orient est une belle idée. Mais que les Américains la mettent en avant, en la drapant d’un drapeau américain, alors qu’ils sont haïs dans toute la région, est contre-productif et naïf. Nous devons être plus créatifs, plus subtils. Franchement, je pense que les États-Unis devraient rester publiquement à l’écart de ces projets, jusqu’à ce que notre image s’améliore. Vous dites dans votre livre qu’el-Qaëda est au moins aussi puissante qu’avant le 11 septembre, voire plus... Durant les 32 mois qui se sont écoulés depuis le 11 septembre, deux fois plus d’attaques d’el-Qaëda se sont produites que sur les trois ans qui ont précédé. Beaucoup d’autres attentats ont pu être déjoués. Tout cela ne ressemble pas à une organisation défunte. El-Qaëda était une structure pyramidale, jusqu’à ce que l’opération américaine en Afghanistan la décapite. Mais le socle ne s’est pas effondré. La pyramide s’est transformée en hydre à multiples têtes, qu’el-Qaëda avait nourries en son sein, pour qu’elles puissent un jour sortir de la nurserie et marcher seules. C’est ce qui se passe. La menace de nouvelles attaques reste forte ? Absolument. Curieusement, aux États-Unis, il n’y a pas eu un seul attentat depuis le 11 septembre et je n’arrive pas à comprendre pourquoi. Peut-être el-Qaëda, après le précédent de l’attaque contre les tours, s’est-elle fixé un standard très élevé et travaille-t-elle à quelque chose de spectaculaire. Les attentats contre les étrangers se multiplient en Arabie saoudite. N’est-il pas trop tard pour démocratiser ? Cela se pourrait bien ! Le problème est que nous ne savons pas vraiment ce qui se passe. Un peu comme ce fut le cas lors de la chute du shah d’Iran. À l’époque, les Américains avaient été pris de court, car ils dépendaient des informations des services iraniens de la Savak. La même chose nous menace en Arabie saoudite, où nous sommes dépendants des informations du pouvoir. Quand notre ambassadeur tente d’aller sur le terrain, cela provoque de forts tirages. Je ne pense pas que la CIA en sache beaucoup plus. Nous ne savons pas combien de termites sont en train de grignoter la maison.
Propos recueillis par Laure Mandeville

Richard Clarke, ex-coordinateur de la lutte antiterroriste américain, a démissionné en février 2003 en raison de son opposition à l’engagement en Irak. Son livre réquisitoire Contre tous les ennemis (Albin Michel), dénonçant la politique de George W. Bush, est un best-seller aux États-Unis.

LE FIGARO - Le président Bush vient de...