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Actualités - OPINION

L’ÉDITORIAL de Issa GORAIEB Livraisons en tout genre

Qu’y a-t-il de plus assommant qu’un moralisateur ? Réponse : un moralisateur lui-même coupable de graves offenses à la morale. Et c’est bien le cas de l’Administration Bush qui, entre autres méfaits, a fait usage de faux renseignements pour justifier sa guerre contre l’Irak et violé la convention de Genève en tolérant – sinon en encourageant – la pratique de la torture. C’est d’ailleurs le scandale de la prison d’Abou Ghraib qui, par une sorte de pudeur, avait porté le département d’État à retarder de deux bons mois la publication de son rapport annuel sur les diverses atteintes aux droits de l’homme répertoriées dans le reste du monde. Et c’est par crainte du ridicule cette fois que Colin Powell, leurré l’an dernier déjà par la CIA qui lui fit débiter un flot d’inepties et de mensonges devant le conseil de sécurité de l’Onu, vient de déclarer nul et non avenu un autre rapport publié à son insu par son propre département. Ce texte, qui se fondait sur des statistiques fournies entre autres par les services de Condoleezza Rice, constatait avec satisfaction une baisse de l’activité terroriste en 2003 : conclusion laissant bien malhonnêtement croire aux électeurs que c’est à un monde plus sûr qu’œuvre hardiment George W. Bush. Les rapports se suivent et ne se ressemblent pas, le dernier en date – rendu public lundi – étant consacré à cet odieux fléau qu’est la traite des êtres humains. Parce que l’indigne Administration Bush, ce n’est pas finalement l’Amérique ; parce que les errements des gouvernements ne sauraient occulter les traditions démocratiques auxquelles est attaché le peuple de ce pays, qui paya d’une effroyable guerre civile l’abolition de l’esclavage ; parce que l’unique superpuissance mondiale détient, notamment à travers la Banque mondiale et le FMI, de formidables moyens de pression sur les pays récalcitrants ; et enfin parce que nous sommes nous aussi, Libanais, concernés par cette question non moins infamante que le trafic de drogue ou d’armes et le blanchiment d’argent ; pour toutes ces raisons, il nous faut prêter une oreille attentive aux remontrances venant de Washington. Le Liban n’est pas, certes, un de ces paradis du sexe où se rendent, par charters entiers, des touristes d’un genre très particulier ; mais il est un point de chute pour des femmes venues d’Europe de l’Est et de Russie et qui font l’objet d’une exploitation sexuelle. Crédité « d’efforts significatifs », qui n’ont produit toutefois que de « modestes progrès », le Liban n’est pas non plus un de ces pays du honteux « niveau 3 », selon la nomenclature établie par le département d’État, qui se refusent à lutter sérieusement contre l’esclavage des femmes et des enfants. Le Liban n’est pas placé « sous surveillance » comme c’est le cas du très industrialisé Japon ou de certains émirats du Golfe qui importent de faméliques bambins soudanais ou somaliens pour en faire des jockeys de courses de chameaux. Nous ne sommes pas des monstres, d’accord, mais est-ce assez pour nous acheter une bonne conscience ? Au Liban – et c’est rapporté en toutes lettres – des employées de maison, en majorité asiatiques, sont souvent maltraitées, brutalisées, exploitées sexuellement parfois. Leurs salaires et jusqu’à leurs passeports sont parfois confisqués ; le plus grave cependant est que les autorités libanaises ne disposent d’aucune politique nationale : elles n’interviennent que rarement ; elles se bornent en règle générale à jouer les médiateurs entre exploitants et exploités, entre oppresseurs et opprimés, en vue d’un règlement en espèces et d’un rapatriement. Et elles s’en remettent à l’action admirable des ONG pour ce qui est de l’assistance légale, médicale et psychologique à ces malheureuses. Cet épineux dossier ne nous interpelle pas seulement au plan moral. Il commande que l’on s’attelle enfin à l’élaboration d’une législation propre à préserver l’image d’un Liban libéral, certes, mais non livré pour autant à la loi de la jungle. D’un pays aux idées larges, à vocation touristique, où fleurissent pubs, dancings et cabarets, mais qui n’ambitionne pas de devenir le lupanar du Proche-Orient : pas plus d’ailleurs qu’il ne pourrait suivre la vague de puritanisme qui déferle sur la région. Et qui porte le Koweït à se défaire, sous la pression des islamistes, de ses parts dans l’Intra Investment, compagnie exploitant le Casino du Liban. Tout cela mérite d’être médité – et travaillé – entre deux stériles passes d’armes sur la cohabitation Lahoud-Hariri, l’échéance présidentielle, le prix de l’essence ou les carences de l’EDL. Le gouvernement libanais compte non moins de trente ministres dont une bonne demi-douzaine dépourvus de portefeuille : ce qui ne veut pas dire que ceux-ci ont davantage le loisir de se tourner les pouces que leurs collègues titulaires. Et avec cela, on vous parle encore de chômage...
Qu’y a-t-il de plus assommant qu’un moralisateur ? Réponse : un moralisateur lui-même coupable de graves offenses à la morale. Et c’est bien le cas de l’Administration Bush qui, entre autres méfaits, a fait usage de faux renseignements pour justifier sa guerre contre l’Irak et violé la convention de Genève en tolérant – sinon en encourageant – la pratique de la...