Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

L’ÉDITORIAL de Issa GORAIEB Petites mères des peuples

Il faut se réjouir du forum féminin de Beyrouth auquel participent plusieurs épouses de rois et chefs d’État arabes, appelées à débattre des moyens permettant à nos compagnes « d’exercer leurs droits en situation de conflit armé ». Tout n’était pas parfait, certes : on aurait été bien inspiré de laisser s’exprimer les ONG lesquelles, comme tout le monde sait, devancent de loin les gouvernements en matière d’imagination, de sérieux et de persévérance sur la voie du progrès, et auxquelles pourtant on n’avait concédé qu’un rôle de simple observateur. De même, on aurait attendu des organisateurs un minimum d’égards pour les journalistes – du sexe féminin – qui couvraient l’événement, et qui ont dû braver pour ce faire des dispositifs aussi stupides qu’humiliants. On peut déplorer enfin que quelques fausses notes soient apparues dès le premier jour de la conférence, altérant d’autant l’ambiance chaleureuse censée présider à de telles retrouvailles. Qu’importe, il faut absolument que se poursuivent ce genre de rencontres. Car même dans des sociétés aussi conservatrices, discriminatoires et machistes que celles qu’on trouve souvent dans le monde arabe, les Premières dames ont, par excellence, l’oreille de leurs monarques ou présidents de maris. Mieux et comme toute femme, toute épouse, toute mère, elles peuvent être davantage qu’eux conscientes des préoccupations essentielles de leurs peuples, plus économes pour ceux-ci de larmes et de sang. La femme fait, forme et façonne le citoyen. Plus profondément, plus crédiblement que les hommes, les femmes haïssent les guerres qui emportent leurs conjoints, leurs fils et souvent leurs biens. « Les femmes sont des faiseuses de paix, qui donc est à l’origine des guerres ? » Ce percutant slogan de la centrale des associations féministes libanaises en dit plus long d’ailleurs que tous les discours. Le temps n’est plus fort heureusement où Nasser envoyait ses troupes guerroyer au Yémen, où Algériens et Marocains s’entre-tuaient pour le Rif, où l’Irak de Saddam s’aventurait à envahir le Koweït. S’il faut donc s’en tenir au thème officiel du forum de Beyrouth, c’est la situation des infortunées Palestiniennes et Irakiennes, confrontées les unes à la criminelle furia d’Ariel Sharon et les autres aux non moins condamnables attentats terroristes, qui devrait avoir retenu le gros des discussions. D’où la nécessité, à la faveur espère-t-on de prochaines assises féminines, d’aborder courageusement d’autres dossiers, d’ouvrir toutes ces armoires peuplées de fantômes qu’abritent les sérails. De se pencher – et la question ne concerne évidemment pas que les femmes – sur tous ces conflits « non armés » mais non moins dévastateurs pour autant, qui grèvent le monde arabe. Qui empoisonnent les relations entre États, entre peuples frères. C’est un double combat qu’est tenue de livrer la femme arabe, pour la paix régionale et pour l’édification d’États de droit : la formule est de Mme Andrée Lahoud dont l’action sociale est en tout point admirable, et il convient de la saluer bien bas. Même et surtout quand on sait que notre Liban n’est qu’un État approximatif, puisque privé entre autres de l’attribut de souveraineté. Et que le Liban, de surcroît, n’est pas exactement un État de droit même s’il peut passer à juste titre pour un havre de démocratie dans une région où fleurissent les dictatures. On y vient tout naturellement : digne de la plus grande admiration, du plus grand respect, elle aussi, est l’action socio-économique que mène Mme Asma Bachar el-Assad, informaticienne diplômée et ancienne analyste financière. Aux côtés de son époux, elle ne contribue pas peu à l’image nouvelle d’une Syrie de modernité, d’ouverture et de dialogue contrastant spectaculairement avec des décennies d’immobilisme doctrinaire, de stalinisme baassiste, ont même pu affirmer les adversaires du régime. Le seul fait que des pétitions circulent à Damas, qu’un sit-in y ait eu lieu devant le Parlement pour réclamer la levée de l’état d’urgence, que les manifestants aient dû être libérés à peine arrêtés, montre bien que l’évolution est en marche. Que la Syrie nouvelle se cherche. Et avec elle, faut-il l’espérer, une conception plus normale, plus juste, plus conforme avec les impératifs du XXIe siècle, des rapports privilégiés avec un Liban lui-même avide de changement. Entre les deux pays et c’est fort heureux, les « conflits armés » appartiennent désormais à l’histoire ; mais aucune harmonie de commande ne peut faire accroire que le conflit est réglé, dépassé, oublié, entre la quête syrienne d’influence régionale et les légitimes, les imprescriptibles aspirations libanaises à l’indépendance. Il est grand temps – c’est aussi l’affaire des épouses et des mères – de repenser le singulier ménage.
Il faut se réjouir du forum féminin de Beyrouth auquel participent plusieurs épouses de rois et chefs d’État arabes, appelées à débattre des moyens permettant à nos compagnes « d’exercer leurs droits en situation de conflit armé ».
Tout n’était pas parfait, certes : on aurait été bien inspiré de laisser s’exprimer les ONG lesquelles, comme tout le monde sait,...