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Actualités - OPINION

L’ÉDITORIAL de Issa GORAIEB (Mi)graine de folie

Comme la plupart de vos concitoyens sans doute, vous traînez la patte. Vous avez la tête lourde et la migraine – la méchante, la totale – vous guette malgré vos doses quotidiennes d’aspirine. C’est la faute au temps, vous dites-vous, à ce sacré printemps libanais aussi indécis que prématuré, qui arrive sans crier gare en se moquant du calendrier pour se raviser tout aussi sec, qui s’est surpassé cette année en nous infligeant de brusques écarts de température avoisinant parfois les 25 degrés. Vous ne savez plus quoi porter Mesdames et vos maris se contentent de hausser les épaules, car de toute façon personne ne se porte très bien. C’est la faute à la pollution aussi, faut-il dire. Car il n’y a pas que du pollen dans l’air avec tous ces poids lourds roulant au fuel de bas de gamme, toutes ces guimbardes à abondante fumée bleue qui continuent de sévir sur les routes malgré l’institution de l’inspection mécanique obligatoire, toutes ces cheminées d’usine exemptées, elles, de la moindre inspection. L’ennui cependant, c’est que la pollution de l’atmosphère n’est encore rien par rapport à celle qui se dégage d’une vie publique au plus haut point délétère. Les scandales financiers éclaboussant des responsables et leurs familles, sans que l’appareil judiciaire ne s’en émeuve le moins du monde ; les institutions politiques qui calent régulièrement du fait des rivalités au sein de l’Exécutif, qui ne se remettent à fonctionner qu’une fois que tout ce beau monde s’est mis d’accord sur le partage des bénéfices, moraux et matériels ; l’interdiction faite à ces mêmes responsables d’aborder la question de l’élection présidentielle de novembre aussi longtemps que l’oracle syrien n’a pas parlé ; le projet de loi électorale confié aux soins d’un ministre de l’Intérieur qui s’est particulièrement distingué en matière d’irrégularités dans un précédent scrutin législatif, ce qui augure d’un Parlement encore moins représentatif, encore plus pitoyablement inutile que l’actuel ; l’émigration des jeunes fuyant les horizons bouchés, car ils ne peuvent pas passer leur temps à se boucher les narines devant tant de pourriture ; le réseau électrique encore défaillant près de quinze ans après la fin de la guerre, malgré les milliards qu’a coûté sa sommaire réfection ; l’eau potable ou courante déniée au citoyen qui doit, comme pour les précieux kilowatts, se rabattre sur les distributeurs de quartier ; le dernier racket en date imaginé par le Trésor, celui de l’assurance obligatoire frappant même les automobilistes dûment assurés contre tous les risques possibles et imaginables, mais n’avaient pas songé à se prémunir contre l’arnaque étatique... L’air serait plus respirable tout de même, s’il n’y avait tout cela. Pour en revenir au temps devenu fou, quoi de plus naturel en somme, en ces temps de folie que vit la planète tout entière ? Fous en effet ces néoconservateurs, ces évangélistes de Washington qui prétendent changer un monde qu’ils ne connaissent que bien superficiellement, qui envahissent l’Irak pour en faire un modèle de démocratie et se retrouvent avec un chaos que tout permettait de prédire. Fous, ces Israéliens qui prétendent garder leurs terres en édifiant des murs chez les autres, qui croient garantir la sécurité de leurs populations en massacrant des Palestiniens, ce qui ne fait que susciter de nouvelles vocations suicidaires. Fous à lier à leur tour, ces terroristes (il est grand temps que ce mot cesse de faire peur aux Arabes et aux musulmans) qui trouvent moyen d’invoquer les célestes messages des prophètes pour justifier les hécatombes d’innocents. Dès lors un peu d’indulgence, allez, pour notre capricieux printemps. Car, c’est sans tête qu’il faudrait être aujourd’hui pour ne pas souffrir de celle-ci.
Comme la plupart de vos concitoyens sans doute, vous traînez la patte. Vous avez la tête lourde et la migraine – la méchante, la totale – vous guette malgré vos doses quotidiennes d’aspirine. C’est la faute au temps, vous dites-vous, à ce sacré printemps libanais aussi indécis que prématuré, qui arrive sans crier gare en se moquant du calendrier pour se raviser tout...