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La mère de toutes les contradictions

Le pronostic était trop facile et les parieurs n’ont pas gagné grand-chose. Dans d’autres pays, un défaut de quorum constitue une « disgrace », comme disent les Anglais, une honte. Ici, cette dérobade courante revêt paradoxalement un caractère ultradémocratique. Dans ce sens que l’absentéisme de ses soi-disant représentants répond, correspond, très exactement à l’absence totale d’intérêt du peuple libanais pour les crêpages de chignon entre politiciens. Ainsi, le baroud d’honneur de Husseini reprochant à Berry de protéger le gouvernement tombe à point nommé pour mettre objectivement tout le monde dans un même panier. Puisque tout le monde est tributaire, voire artisan-partisan, d’un même système déficitaire qui a pour nom Taëf. Les rôles auraient pu, en effet, être parfaitement inversés. Avec le même résultat attendu par tous : 69 sièges vides sur 128 en fin de séance. C’est donc le système dont lui-même procède qui a empêché le centre opposant, nucleus d’un débat fiévreux, de marquer des points. Le Front national de la réforme a voulu par son interpellation clouer au pilori Hariri via le cellulaire, support présumé de dilapidation de fonds publics et de manque à gagner pour le Trésor. L’attaque s’est appuyée sur les contradictions qui minent le pouvoir exécutif, illustrées, comme on sait, par les échanges aigres-doux entre Cardahi le lahoudiste et Siniora le haririen. Bien entendu, les opposants (dont bon nombre sont eux aussi très sensibles aux souhaits extérieurs) savent jusqu’où ils peuvent aller trop loin. C’est-à-dire qu’ils n’avaient au départ aucune intention d’en arriver jusqu’à poser la question de confiance. Car cela aurait indisposé de bien influentes parties. Sans compter que le gouvernement s’en serait tiré avec une majorité certaine, n’importe laquelle, lui permettant de tenir la route jusqu’à la fin du mandat présidentiel. Mais alors, pourquoi l’assaut ? Pour affaiblir Hariri dans la perspective des municipales, de la présidentielle puis des législatives de 2005. On comprend mieux pourquoi, au-delà des considérations techniques ou morales qui leur font honneur, certains ministres ont estimé de leur devoir de se démarquer de leur chef en titre, le président du Conseil. Qui, mardi, s’en était magnifiquement tiré personnellement. Louvoyant avec habileté, esquivant les embûches, il avait réussi à masquer la dislocation du cabinet qu’il dirige, malgré le rude dialogue entre Cardahi et Siniora. Mais le milliardaire n’est pas parvenu hier à faire prévaloir son goût pour les chiffres. Il n’a pas pu en effet cantonner le débat à ce créneau précis. Et il a essuyé les vives critiques de l’opposition sur la gestion concédée du cellulaire de 94 à 98, puis de 98 à aujourd’hui, après l’intermède biennal Hoss. L’opposition ayant donc remporté le deuxième round du débat, après avoir perdu le premier, c’est un aveu de défaite que le défaut de quorum représente pour le camp haririen. D’autant qu’entre les deux séances, toutes les parties influentes avaient été sollicitées pour calmer le jeu, et pour que le gouvernement s’en sorte la tête haute. Mais les contacts et les pressions téléphoniques n’ont pas été suffisants. Parce que le ventre mou de la Chambre, les indépendants, est par définition flottant. Ne voulant se mouiller ni avec les uns ni avec les autres, beaucoup de députés se sont défilés. Certains, qui croient sentir le vent tourner, ont même soutenu l’opposition. Qui avait préparé ses batteries en recourant à une tactique éprouvée: harceler l’adversaire en le bombardant de projets de motions. Il a été ainsi demandé que l’on mette sur pied une commission d’enquête parlementaire sur les rentrées du cellulaire depuis 94. Il a été de même suggéré de charger la Cour des comptes de ce dossier, en faisant appel aux services d’un expert international. Hariri a réagi par une surenchère également tactique : puisque les députés aiment tant les motions, qu’ils se contentent de celle qui les résume, et les surclasse, toutes. Entendre, qu’ils se contentent de poser la question de confiance… Et là, retour au titre de cet exposé, on a eu la fausse surprise de constater que l’opposition est aussi déchirée, aussi peu cohérente ou harmonieuse que le camp loyaliste. Ses attaques brouillonnes, mal coordonnées ont accusé un rythme syncopé qui a précipité la conclusion en queue de poisson. Parce que nombre d’indépendant ont commencé à se dire que cela allait un peu trop loin. Surtout qu’au lieu de se gagner les bonnes grâces du perchoir, dont l’influence est décisive place de l’Étoile, les opposants s’en sont pris à Berry. Qui pourtant, personnellement, n’est pas farouchement proharirien, sans d’ailleurs être anti. De leur côté, des haririens ou apparentés, oubliant les directives de leur chef de file qui était certain de l’emporter, ont commencé à quitter la salle. Un ministre décrit le tableau comme suit : « Tout n’est que collage improvisé. Le climat est malsain. Il n’est pas normal qu’un président du Conseil, apprenant que l’opposition allait l’attaquer, menace de se retirer de la séance. Il n’est pas normal non plus que l’opposition tire à boulets rouges sur la présidence de la Chambre. C’est comme si elle cognait sur l’arbitre plutôt que sur le challenger. » La course s’est donc terminée par un « dead head ». Un résultat nul. Il n’y a pas d’autre mot. Philippe ABI-AKL
Le pronostic était trop facile et les parieurs n’ont pas gagné grand-chose. Dans d’autres pays, un défaut de quorum constitue une « disgrace », comme disent les Anglais, une honte. Ici, cette dérobade courante revêt paradoxalement un caractère ultradémocratique. Dans ce sens que l’absentéisme de ses soi-disant représentants répond, correspond, très exactement à...