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Actualités - REPORTAGE

Spécial Le Figaro FRANCE-TAÏWAN - Après la dénonciation par Jacques Chirac du référendum prévu dans l’île, Taipeh a annulé la visite de deux de ses ministres La rupture entre Paris et Taipeh est consommée

De François HAUTER La rupture est consommée entre les dirigeants de Taïwan – les premiers Chinois élus au suffrage universel – et la présidence française, après que Jacques Chirac eut mardi fustigé l’idée d’un référendum à Taïwan, cela pour complaire aux dirigeants chinois en visite à Paris. « Je trouve incompréhensible que le dirigeant d’un gouvernement ayant plus de 200 ans de pratique du système référendaire (Jacques Chirac, ndlr) interfère dans les affaires internes d’un autre pays », a déclaré hier le chef de l’État taïwanais, Chen Shui-bian, qui le 20 mars sollicitera les suffrages de ses 22 millions de concitoyens pour un second mandat présidentiel. La veille, Anette Lu, la vice-présidente taïwanaise qui est la « bête noire » de Pékin tant elle ne masque jamais son anticommunisme, avait déclaré, après les propos de Jacques Chirac : « C’est une honte... Afin d’obtenir d’énormes contrats, Chirac est allé jusqu’à sacrifier les fondements de la France et à fouler aux pieds la dignité de la démocratie. » Comme elle l’a déjà réussi avec Hong kong et Macao, la Chine veut intégrer dans l’empire du Milieu, de force si nécessaire, Taïwan, qualifiée à Pékin « d’île rebelle ». C’est la priorité absolue d’un régime communiste qui n’a plus que le nationalisme, pour faire vibrer 1,3 milliard de Chinois. Pékin a donc amassé près de 500 missiles à moyenne portée en face de Taïwan, dont elle est séparée par les 170 km du détroit de Formose. Mais après avoir joué des muscles sous la présidence Jiang Zemin, la nouvelle équipe chinoise de Hu Jintao mène la partie plus finement, la victoire pouvant être obtenue par des moyens de contournement, où la diplomatie devient le levier de chantages économiques. Dans cette mer de Chine où règne la « Pax americana » (la VIIe flotte de l’US Navy basée au Japon est la grande force militaire de la région), la France n’a évidemment plus aucune influence politique, depuis la perte de son empire colonial. Sa politique étrangère n’y compte plus que comme l’une des multiples composantes de l’Union européenne. Mais au gré des alternances politiques hexagonales de ces dernières décennies, s’est dessiné un jeu de rôle entre la gauche et la droite françaises. Les gaullistes, traditionnellement, sont proches de Pékin. Les socialistes, qui avaient vendu pour près de 100 milliards de francs de frégates et d’avions Mirage (y compris les pièces de rechange) aux militaires de Taipeh, réservent leur sympathie aux Taïwanais. Dans ce contexte franco-français, la prise de position prochinoise de Jacques Chirac, au moment du 40e anniversaire des relations diplomatiques entre Paris et Pékin, relations décidées par le général de Gaulle, est « naturelle ». Elle l’est d’autant plus que, au nom du pragmatisme économique et de la nécessité de s’assurer des places sur un marché chinois qui ne cesse de grossir colossalement, Jacques Chirac ne fait qu’emboîter le pas à George Bush et à Gerhard Schröder, qui tous deux ont endossé le slogan chinois « d’une seule Chine », formule diplomatique qui présuppose le rattachement de Taïwan au continent. Celui-ci est bien avancé en matière économique. Plus d’un million de Taïwanais travaillent déjà en Chine (ils sont 500 000 à Shanghai), dans 50 000 entreprises qui ont investi 70 milliards de dollars sur le continent. Avant la présidentielle de mars, Chen Shui-bian a donc détourné l’attention de son (mauvais) bilan économique en se positionnant comme le champion de l’indépendance de Taïwan. Pour ce faire, il a proposé une loi autorisant un recours aux référendums, ce que Pékin a immédiatement interprété comme une possibilité d’appel à l’indépendance. Paradoxalement, les prises de position de MM. Bush, Schröder et Chirac contre cette idée de référendum devraient renforcer Chen Shui-bian. Les Taïwanais, en effet, sont dans leur immense majorité opposés au rapprochement avec la Chine, tant que celle-ci ne sera pas devenue une nation démocratique.
De François HAUTER

La rupture est consommée entre les dirigeants de Taïwan – les premiers Chinois élus au suffrage universel – et la présidence française, après que Jacques Chirac eut mardi fustigé l’idée d’un référendum à Taïwan, cela pour complaire aux dirigeants chinois en visite à Paris.
« Je trouve incompréhensible que le dirigeant d’un gouvernement...