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Actualités - CHRONOLOGIE

CONFÉRENCE - Un débat à l’hôpital Saint-Georges La pensée révolutionnaire arabe revue et corrigée par Tuéni et Adonis

Il y avait foule hier à la conférence donnée par le poète Adonis et le rédacteur en chef de notre confrère an-Nahar, Ghassan Tuéni, à l’hôpital Saint-Georges. Et pour cause, les interventions, qui portaient sur une évaluation critique des révolutions et de l’esprit révolutionnaire arabes, ont lancé un débat franc et souvent houleux sur un sujet controversé. De façon générale, les deux prestigieux intervenants ont sévèrement critiqué l’expérience révolutionnaire arabe de la seconde moitié du XIXe siècle et de la première moitié du XXe siècle, qui n’a pas tenu ses promesses, et dont « l’échec » se répercute toujours sur nos sociétés actuelles. La conférence a eu lieu en présence du métropolite de Beyrouth, Mgr Élias Audeh, ainsi que de plusieurs personnalités politiques. Le poète Adonis a considéré que la pensée révolutionnaire arabe est restée étonnamment proche de la pensée religieuse, dans le sens où les idéologies sont restées basées sur des textes contenant des « vérités immuables » qu’il n’était pas permis de remettre en cause, voire d’interpréter. « Dans ce cadre, celui qui se permet de critiquer ou de sortir des rangs est mis à l’écart », a-t-il fait remarquer. Par souci de clarté, Adonis a précisé que sa remise en cause n’englobait pas l’expérience personnelle de la foi, mais le système religieux en place. La pensée révolutionnaire dans les pays arabes, toujours selon Adonis, n’a pas laissé de place à la diversité, chaque parti considérant que son idéologie seule était la bonne. Or, a soutenu le célèbre poète, le politique, dans le sens grec du terme, ne peut être fondé que sur les principes démocratiques. À la fin de son intervention qu’il a voulue comme une série d’idées pour lancer le débat, Adonis a suggéré trois issues : d’une part, faire en sorte que la pensée révolutionnaire ne soit plus un monopole détenu par quelques-uns, confinée dans un texte, mais qu’elle devienne une recherche perpétuelle ; d’autre part, continuellement réinventer l’identité et, enfin, comprendre que l’autre fait partie intégrante de soi. Pour sa part, Ghassan Tuéni a axé son intervention sur ce qu’il a considéré comme l’échec pur et simple des expériences révolutionnaires des deux siècles derniers, qui n’ont pas réussi à déboucher sur une véritable renaissance. Il s’est arrêté sur le rôle ambigu des élites intellectuelles dans les révolutions arabes, des élites dans lesquelles beaucoup d’espoir avait été mis dans la lutte contre les colonisateurs, mais qui se sont avérées moins crédibles et souvent portées au soutien des régimes en place. Pour lui, peu de partis politiques qui se veulent révolutionnaires méritent vraiment cette appellation. L’éminent journaliste s’est demandé pourquoi les révolutions n’ont pas réussi à transformer les idéologies en systèmes de pensée. Il a particulièrement insisté sur l’importance de l’autocritique dans la pensée révolutionnaire et stigmatisé la mise à l’écart des penseurs opposants. Selon lui, seule l’autocritique mène vers la connaissance. Poussant sa réflexion plus loin, M. Tuéni a appelé à une participation arabe active dans une civilisation mondiale « à laquelle nous avons assez contribué ». Pour cela, a-t-il conclu, il convient de lancer une « révolution culturelle », de créer une dynamique dans la société. « Cela suffit d’étouffer la parole libre et les libertés », a-t-il lancé. S.B.
Il y avait foule hier à la conférence donnée par le poète Adonis et le rédacteur en chef de notre confrère an-Nahar, Ghassan Tuéni, à l’hôpital Saint-Georges. Et pour cause, les interventions, qui portaient sur une évaluation critique des révolutions et de l’esprit révolutionnaire arabes, ont lancé un débat franc et souvent houleux sur un sujet controversé. De façon...