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Actualités - REPORTAGE

PATRIMOINE - Les travaux de réhabilitation du site démarreront au printemps Deir el-Qalaa s’apprête à revivre 2 000 ans d’histoire

La restauration du site historique de Deir el-Qalaa, à Beit-Méry, débutera au printemps. Là se trouvent concentrés un grand nombre de vestiges archéologiques, dont celui du temple de Baal Marqod considéré par les spécialistes comme « un des plus importants après ceux de Baalbeck ». Les lieux, où se condensent plus de 2 000 ans d’histoire, offrent une aire sacrée et de nombreuses installations culturelles ; un quartier d’habitations, daté de l’époque byzantine, regroupant une église au sol recouvert de mosaïques, une « villa » à atrium, des thermes, des huileries, un pressoir à vin, l’ensemble s’articulant autour d’une rue dallée, bordée de colonnades et de portiques qui en gardent les deux entrées. La consolidation des monuments sera accompagnée de la réhabilitation du couvent des antonins, qui tombe en ruines, et de la mise en valeur du site : reboisement et éclairage des lieux, organisation d’un circuit touristique, installation de panneaux de signalisation, construction de pièces destinées à la billetterie et aux gardes et aménagement d’un parking. La phase d’exécution prévue donc au printemps sera supervisée par Yasmine Macaron Bou Assaf, experte en restauration. Un constat précis de tous les vestiges a été établi par la Direction générale des antiquités (DGA), l’Ifapo et le spécialiste Lévon Nordiguian. Cet état des lieux a été accompagné d’un bilan topographique et cadastral mais aussi de relevés architecturaux complets et d’un documentaire regroupant des plans, des cartes et des photographies qui ont été comparés avec ceux des archives de la DGA et qui ont permis d’évaluer l’état actuel du site et de ses installations ainsi que les dégâts subis par les vestiges. « Nous avons effectué des relevés des structures enterrées, déplacées ou disparues, car évidemment il y a eu des dégâts et des vols, mais les monuments conservent la majorité de leurs éléments », a déclaré le directeur de la DGA, M. Frédéric Husseini. Faute de rapports de fouilles, mis à part quelques lignes dans les chroniques du Bulletin du Musée de Beyrouth, et dans la chronique archéologique de R. Donceel paru en 1967, « le contexte stratigraphique et topographique des vestiges exhumés nous échappe », souligne Nordiguian, auteur des Remarques sur l’agglomération antique de Deir el-Qalaa, parues aux éditions Dar el-Machreq. Il ajoute que « les observations faites sur les ruines sont nécessairement limitées, car lorsque, dans les années 50, l’ingénieur archéologue H. Kalayan avait entrepris certaines explorations et pratiqué des restaurations sur les monuments, ses travaux n’avaient pas été accompagnés de relevés ou d’études scientifiques détaillées. Aussi, nous est-il souvent impossible de savoir ce qui a été trouvé in situ ou réaménagé ». Ajoutez à cela la dégradation subie par les vestiges et qui ne remonte pas seulement à la guerre. « Elle avait commencé avec l’installation urbaine de l’époque byzantine, puisqu’on y trouve de nombreux blocs en remploi provenant du temple de Baal Marqod », souligne Nordiguian, ajoutant qu’à partir de la deuxième moitié du XVIIIe siècle, les vestiges antiques auraient servi de carrière à la construction du couvent Saint-Jean-Baptiste des pères antonins. À la fin du XIXe siècle, lors de la construction de la cathédrale Saint-Georges des maronites à Beyrouth et de l’église de l’Université Saint-Joseph, on aurait fait venir des fûts de colonnes de Deir el-Qalaa. Entre 1989 et 2001, le site aura été transformé en caserne pour les forces syriennes. Et il n’y a pas très longtemps, entre juillet 1995 et janvier 1996, un projet de construction et de réhabilitation du couvent de Saint-Jean-Baptiste a causé d’importants dégâts autour du temple de Baal Marqod. Ainsi, « les possibilités de vérifier les vestiges des temples signalés par les auteurs des XVIIIe et XIXe siècles ne sont plus possibles. En revanche, ces travaux ont dégagé, et en partie détruit, une terrasse ou un soubassement d’environ 5 mètres de large, comportant une seule assise posée directement sur le roc. C’est vraisemblablement cette terrasse qui a été vue par le voyageur italien G. Mariti au XVIIIe siècle et qui lui a inspiré l’idée d’une colonnade entourant la cella ». Des autels dont on ne trouve plus trace Le vaste champ de ruines de Deir el-Qalaa (Couvent de la forteresse) doit son nom à la construction érigée en 1750 par les moines maronites d’une église et d’un couvent dédiés à saint Jean. Le site est connu surtout pour les vestiges d’un grand temple dédié à la divinité locale de Baal Marqod, dont les gigantesques colonnes de 1,62 mètre de diamètre rappellent celles des temples de Baalbeck. Ce monument, qui date « probablement du Ier siècle de notre ère », comprend une cella imposante de 33,17m par 17,36m (celle du temple de Bacchus est de 46,55 par 23,57), précédée d’un pronaos à portique dont la profondeur est de 7,20 mètres. Signalons qu’une étude détaillée sur « Le grand temple de Deir el-Qalaa » a été publiée dans les annales d’histoire et d’archéologie de la faculté des lettres et des sciences humaines de l’Université Saint-Joseph. Elle a été faite par Philippe Éliane, Lévon Nordiguian et Hassan Salamé Sarkis. Se basant sur l’observation directe des vestiges, les trois spécialistes ont élaboré la topographie actuelle du secteur où se trouvent les vestiges du Grand Temple, dont la moitié est occupée par une aile du couvent et de l’église Saint-Jean. Les fouilles des années 50 ont dégagé, par ailleurs, une « aire sacrée » regroupant de nombreuses installations culturelles appartenant à l’époque romaine. On y trouve un temple consacré, croit-on, à Junon, une porte monumentale, et de nombreux autels et cippes ou stèles. Cet espace, qui par endroit a conservé son dallage, est limité au sud par quatre marches monumentales « ayant pu servir de gradins lors des cérémonies qui devaient se dérouler en ces lieux ». Le temple de Junon présente la particularité de posséder deux portes-fenêtres percées dans les murs, « dispositif qui pourrait rappeler le temple de Yanouh ». À quelques mètres du temple, se dresse une porte monumentale surmontée d’un linteau légèrement arqué, portant une inscription latine dédiée dit-on à l’empereur Trajan, par des industriels de la pourpre. M. Nordiguian révèle que « des fragments d’un autel à colonnettes avaient été découverts en 1900 par S. Ronzevalle qui en avait publié les inscriptions gravées sur l’entablement mouluré et le dé central. L’inscription grecque gravée sur le dé n’existe plus. Ronzevalle signalait un autre autel dont on ne trouve plus la trace également ». Byzance déroule ses images Le sous-sol prodigue de Deir el-Qalaa a aussi livré des installations à caractères urbains, postérieures au IVe siècle de notre ère. L’agglomération s’articule de part et d’autre d’une rue principale à colonnades. Il s’agit d’une rue dallée, ayant 6,6 mètres de large et bordée de portiques à colonnade ionique. Une série de magasins formés de deux-pièces s’ouvrent sur le portique nord. « Comme la plupart des constructions du site, ces magasins devaient être couverts d’une terrasse en terre battue, puisque, à l’intérieur de nombreuses pièces, on trouve encore des rouleaux de pierre, manifestement tombés de la terrasse après son effondrement. Ces rouleaux servaient à tasser périodiquement la terrasse en terre et colmater les fissures apparues après les pluies », explique M. Nordiguian. Les pentes de la colline qui surplombent la rue sont occupées par des vestiges monumentaux. On y trouve une église à plan basilical datée de la première moitié du VIe siècle, un ensemble d’habitations, les vestiges mal conservés d’une « villa » à cour intérieure ornée de mosaïques, et des thermes « vraisemblablement d’époque romaine mais ils peuvent avoir également servi à l’époque du fonctionnement de l’église byzantine », signale Lévon Nordiguian. Qui relève également la présence dans ce secteur d’un important amas de blocs formés d’un conglomérat de moellons de pierres et de tuileaux liés par un mortier de chaux et provenant des voûtes des thermes. H. Kalayan avait réussi, avec ces fragments, à remonter une partie de ces voûtes. Dans le quartier dit « résidentiel », des ruelles, larges de 1,80 mètre et relativement bien conservées avec leur dallage, semblent séparer les constructions en îlots. « Il ne s’agit pas de voies publiques mais plutôt de sortes de zouqaq tels qu’on en trouve dans les villes ottomanes », précise encore l’archéologue. Ces habitations sont généralement formées d’une seule pièce, comportant quelquefois des piliers rectangulaires en pierre pour réduire la portée des poutres. Et le visiteur ne peut d’empêcher d’être frappé par le nombre de seuils de porte conservé dans le secteur où les fouilles des années 50 avaient également exhumé trois huileries, une structure à orthostates, une nymphée, un pressoir à raisins, un système de canalisation d’eau et d’égouts. Longtemps laissés à l’abandon, ces vestiges, témoins d’une période de l’histoire, seront l’objet d’une consolidation, pour que le passé demeure parfaitement vivant. May MAKAREM
La restauration du site historique de Deir el-Qalaa, à Beit-Méry, débutera au printemps. Là se trouvent concentrés un grand nombre de vestiges archéologiques, dont celui du temple de Baal Marqod considéré par les spécialistes comme « un des plus importants après ceux de Baalbeck ». Les lieux, où se condensent plus de 2 000 ans d’histoire, offrent une aire sacrée et de...