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Vie politique - Le président de la Ligue maronite déplore l’absence de réconciliation nationale et un État « effondré » Michel Eddé : Pour un chef de l’État capable de tourner la page de la guerre
le 18 février 2004 à 00h00
Le président de la Ligue maronite et ancien ministre Michel Eddé a plaidé avec véhémence pour une réconciliation nationale qui fait encore défaut entre Libanais, souhaitant que le prochain mandat présidentiel soit une phase de transition entre la guerre et la stabilité. Évoquant un État « effondré », M. Eddé souhaite l’accession au pouvoir d’un président de la République jouissant de toute son autorité et d’un large consensus afin de pouvoir tourner la page du passé.
M. Eddé s’exprimait dans le cadre d’une interview publiée par le quotidien koweïtien al-Raï al-Aam.
« Nous sommes actuellement, sur le plan chrétien, dans une phase de renouveau. Nous espérons que ce renouveau se fera aussi au niveau de la nation. Le pays ne peut plus continuer ainsi. La guerre n’est pas encore terminée, le discours politique reste un discours guerrier et, à ce jour, la réconciliation n’a toujours pas eu lieu. Tout cela est catastrophique, nous vivons dans le péché et nous voyons autour de nous se développer le gaspillage, la corruption, le mensonge. Et la situation ne va pas du tout vers le mieux », diagnostique l’ancien ministre.
« J’ai devant moi une mission fondamentale », en tant que président de la Ligue maronite, poursuit M. Eddé, soulignant que la Ligue s’est fixé comme objectifs nationaux le traitement des questions liées à la démocratie, la représentation parlementaire, la réforme administrative, la préservation de l’environnement et, bien sûr, l’édification de l’État de droit. « Il ne s’agit pas simplement de l’application de la loi parce que la loi peut être injuste. Des criminels, comme Saddam Hussein et Augusto Pinochet, ont édicté des lois », relève-t-il.
« Le pays est effondré », avertit M. Eddé. « Le chômage est rampant et l’émigration se poursuit. Il y a une hémorragie permanente du potentiel de la jeunesse. Personnellement, j’ai cinq enfants et tous sont à l’étranger. Nous sommes en train d’enrichir les pays du monde et d’appauvrir le nôtre, lance-t-il. Voilà pourquoi notre principal souci est de nous occuper de la diaspora libanaise, qu’elle soit chrétienne ou musulmane. »
À la question de savoir s’il partage le point de vue de ceux qui pensent que sa présence à la tête de la Ligue maronite constitue un tremplin en direction de la présidence de la République, M. Eddé répond : « Cela est entièrement faux. Je n’ai besoin de personne pour me faire connaître », dit-il, rappelant qu’à trois reprises, à la veille d’échéances présidentielles, il avait refusé des propositions en ce sens. « Je ne me mêle pas de politique politicienne, je n’ai jamais été membre d’un parti ou d’une coalition quelconque. Je suis très indépendant et je tiens à le rester. »
S’agissant de l’élection présidentielle, il souligne que « dans le système libanais, il n’y a pas de candidatures ». « Ce ne sont pas des mots en l’air. Chez nous, ce sont les données de dernière minute, prenant en compte les équilibres régionaux, internationaux et interieurs qui, à côté du profil de celui qui est habilité à être élu, déterminent l’issue du scrutin », souligne l’ancien ministre.
« Le problème, ajoute-t-il, c’est qu’on commence à évoquer l’élection présidentielle trois ans avant l’échéance, ce qui a pour effet de déstabiliser le pays et de tout paralyser. » Et de poursuivre : « Actuellement, il est question de ramener la durée du mandat présidentiel à quatre ans au lieu de six. Ce serait un désastre : aucun président ne pourrait plus agir car, à peine élu, il devrait déjà faire face à une campagne destinée à l’empêcher de demander un renouvellement de son mandat. »
Interrogé sur des rumeurs faisant état de tentatives en cours visant à obtenir l’aval du patriarche maronite à un renouvellement du mandat présidentiel actuel en échange d’une acceptation par Damas d’un rééquilibrage des pouvoirs en faveur du chef de l’État, l’ancien ministre souligne que « ce type de marchés n’entre pas dans la culture du patriarche ». « Ce n’est pas le genre de personne qui conclurait un “bazar” ». Tout ce qu’il demande, c’est que certaines choses soient rectifiées, et certainement pas sur la base du « donnant, donnant ».
« Il faut tout d’abord une réconciliation nationale afin de tourner définitivement la page de la guerre », répète M. Eddé, estimant « anormal que l’on demande des comptes à Samir Geagea pour des affaires qui ont eu lieu durant la guerre ». « Les Vietnamiens réclament-ils des comptes aujourd’hui aux Américains sur les massacres que ces derniers ont commis ? Les nazis ont tué 20 millions de russes, et pourtant, la page est tournée », note-t-il.
« Samir Geagea et Michel Aoun représentent des courants politiques essentiels. Pourquoi donc faut-il les juger ? » s’interroge encore l’ancien ministre, rappelant que « le Liban est équilibre, modération et consensus : lorsque ces trois éléments disparaissent, c’est le Liban qui disparaît ».
Se faisant l’avocat de l’acceptation des différences entre Libanais, M. Eddé minimise l’impact des divergences au sein du Conseil des ministres. « Tout le monde hurle au désastre lorsque le Conseil des ministres se divise. Je ne suis pas d’accord. Ce qu’il nous faut, ce ne sont pas des coalitions, c’est une mentalité différente, une culture plus démocratique, des réformes qui consacrent les équilibres nécessaires et empêchent l’hégémonie des uns sur les autres », plaide-t-il.
Et d’avertir que « si nous gardons la mentalité actuelle, c’est-à-dire que l’on nomme untel parce qu’il relève d’untel et qu’il est soutenu par untel, alors on n’aura rien fait, et ni la prorogation du mandat actuel, ni son renouvellement, ni l’élection d’un nouveau président n’auront servi à quoi que ce soit ».
Soulignant que le prochain mandat présidentiel devra être « une transition de l’ère de la guerre et de l’anomalie à celle de la stabilité », M. Eddé estime que « ce qu’il faut, c’est du nouveau, un choc. Un chef de l’État qui proclame qu’il ne craint personne, applique les lois et active les organismes de contrôle. Un président qui doit pouvoir jouir de toutes les prérogatives et d’une autorité totale, en plus que d’être le fruit d’un consensus ».
Pour M. Eddé, il faut profiter actuellement du fait que les Libanais, chrétiens comme musulmans, ont selon lui abandonné leurs vieilles habitudes de compter sur l’étranger, qu’il soit occidental ou arabe. « Le premier qui a compris qu’il nous fallait compter sur nous-mêmes est Walid Joumblatt ». Évoquant une rencontre avec ce dernier à Paris peu de temps après les législatives de 2000, il raconte lui avoir demandé si son alliance avec les chrétiens dans la montagne était « une tactique ou une stratégie ». « Une stratégie, lui répond Walid Joumblatt, parce que si nous nous entendons avec les chrétiens dans la montagne, le pays ira bien. »
Le président de la Ligue maronite et ancien ministre Michel Eddé a plaidé avec véhémence pour une réconciliation nationale qui fait encore défaut entre Libanais, souhaitant que le prochain mandat présidentiel soit une phase de transition entre la guerre et la stabilité. Évoquant un État « effondré », M. Eddé souhaite l’accession au pouvoir d’un président de la République...
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