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Actualités

Sur les Campus Cultures de la violence et de l’incivilité dans les universités

L’université est, entre autres, un espace d’éducation à la vie citoyenne. C’est à ce titre que l’on y encourage généralement les activités à caractère public, politique : adhésion à des clubs ou des comités culturels ou civiques, élections des amicales sur base de programmes politiques, manifestations pour certaines revendications précises, en rapport avec des questions d’ordre national ou universitaire... Mais il arrive aussi que l’université prenne un aspect incivil. En fait, tout dépend des activités estudiantines, du comportement des étudiants sur les campus puisque, sans trop dénaturer les célèbres propos de Napoléon, la vie de campus c’est, en définitive, ce qu’en font les jeunes. Ce sont les étudiants – et leurs professeurs, bien entendu – qui font le rayonnement d’une faculté et la fadeur, le ternissement d’une autre. L’exemple le plus frappant de cette incivilité qui frappe parfois les campus, ce sont les bagarres interestudiantines, à coups de poing, de chaise, et même, parfois, de bâtons, de barres de fer et de couteaux. Les cas de violence physique dans les universités sont nombreux, au cours de l’année écoulée : à l’Université américaine de Beyrouth (AUB), des militants du Mouvement du peuple de Najah Wakim et du Parti syrien national social (PSNS) se sont expliqués à coups de poing et de pied, durant les élections, à la fin de l’année dernière. À l’Université Notre-Dame de Louayzé (NDU), toujours en période électorale, militants du courant aouniste et des Forces libanaises (FL) s’étaient également querellés à coups de chaises. Tout récemment, vendredi dernier, ce sont les partisans du mouvement Amal et ceux du Hezbollah qui se sont violemment affrontés à la faculté de droit de l’Université libanaise de Sanayeh (UL-section I), incitant l’armée et les Forces de sécurité intérieure (FSI) à intervenir, évacuer le campus et boucler le périmètre de l’université. Les querelles entre les deux formations sont d’ailleurs périodiques dans cette faculté, où elles sont quasiment livrées à elles-mêmes, le Parti socialiste progressiste (PSP) ayant mis fin il y a près de deux ans à ses activités sur ce campus. Plusieurs versions ont circulé concernant la base de cette querelle. La plus crédible rapporte que le mouvement Amal aurait arraché un portrait d’un martyr du Hezbollah, après avoir ôté, au cours des précédents jours, des portraits du secrétaire général du Hezbollah, sayyed Hassan Nasrallah, et du militant communiste libéré des prisons israéliennes, Anouar Yassine. Résultat : des affrontements à coups de pierres, de bâtons et de couteaux, qui ont fait des blessés dans les rangs du Hezbollah. Certains étudiants de cette formation auraient même été « détenus » durant quelques dizaines de minutes par les militants d’Amal. Un scénario indigne d’une faculté, qui plus est de droit. « Ce qui est étrange, c’est que ces bagarres se produisent le plus souvent à l’UL, sans que personne ne réagisse au niveau de l’administration. C’est à croire que la violence, sur les campus de l’UL, est permise », affirme le coordinateur du comité parlementaire pour la défense des étudiants, Me Ziyad Baroud. Certes, il ne faudrait pas écarter les mobiles politiques qui se cachent derrière ces incidents à l’UL : des rivalités « ancestrales », entre aounistes et FL à la section II, entre Amal et Hezbollah à la section I, ou électorales, tantôt strictement universitaires, entre les formations de l’opposition, et tantôt reflet d’une situation à l’échelle nationale. Beaucoup n’ont pas hésité à replacer, dans ce cadre, la querelle de vendredi dernier dans le contexte des prochaines municipales, et des tensions entre Amal et le Hezbollah en raison de cette échéance. « Quoi qu’il en soit, ce comportement, qui n’est pas nouveau, qui n’est pas né de l’après-guerre, est injustifiable. Il est le résultat d’une culture de la violence qui sévit sur les campus, dans les médias et dans la vie politique », affirme Me Baroud. Toujours est-il que l’incivilité et, partant, la violence ne se réduisent pas aux échauffourées. Le langage politique est parfois tout aussi violent. Cette phrase prononcée par un étudiant à un autre à l’USJ, il y a quelques années, dans le cadre de la bataille électorale, atteste d’un état d’esprit plutôt fâcheux en matière de civilité : « Quand reviendra l’époque des milices, tu seras le premier que je mettrais dans le coffre de ma voiture ». Sans commentaires. Enfin, comble de l’incivilité et de la violence morale et psychologique, l’interdiction faite, mi-janvier, par les étudiants baassistes au député Farès Souhaid de s’exprimer à la faculté de droit de l’UL-Tripoli (section III), sous prétexte qu’il fait partie de l’opposition. Une forme de violence qui est bien plus dangereuse, dans la mesure où elle met en évidence l’existence d’une culture de l’exclusion, enracinée en profondeur dans les principes d’une certaine action politique estudiantine. La violence ne se contente plus d’être un phénomène : elle devient une antivaleur, un code d’honneur « inversé », et à mille lieues du « politique ». Le message implicite qu’elle véhicule : l’absence, voire parfois le rejet du dialogue et de ses vertus civiques et démocratiques. Michel HAJJI GEORGIOU
L’université est, entre autres, un espace d’éducation à la vie citoyenne. C’est à ce titre que l’on y encourage généralement les activités à caractère public, politique : adhésion à des clubs ou des comités culturels ou civiques, élections des amicales sur base de programmes politiques, manifestations pour certaines revendications précises, en rapport avec des...