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Actualités - CHRONOLOGIE

ANNIVERSAIRE - Le poète est mort en déportation en 1944 Max Jacob: sodomite, mystique et grand inventeur de formes

Il y a 60 ans, mourait en déportation au camp de Drancy Max Jacob, né en 1876, critique d’art, peintre de talent et l’un des grands inventeurs de formes poétiques de la modernité, rattrapé par l’horreur des temps, qu’il avait pressentie dans plus d’un poème prémonitoire. À 18 ans, il quitte son Quimper natal et s’installe à Montmartre, au Bateau-Lavoir. En 1901, arrive la rencontre cruciale de sa vie, incarnée par Picasso. Le peintre catalan lui présente Apollinaire, Derain, Modigliani, Braque. Après avoir été successivement clerc d’avoué, précepteur, magasinier, il rencontre en 1903 André Salmon, qui publie la première édition de L’histoire du roi Kaboul et du marmiton Gauvain. C’est décidé, Max écrira. Mais Max, c’est d’abord le «phonographe humain»: de nombreux contemporains ont attesté la qualité de sa conversation. Ses discours, paraît-il, ressuscitaient la tradition de la littérature orale. Pour lui, la personnalité de chaque individu est révélée par son parler, alors il en saisissait, pour les restituer, les manies du langage, les tics verbaux et les inflexions caractéristiques. Grandement influencé par La Bruyère, ses portraits croqués sont dressés d’un trait alerte, jovialement acérés ça et là. En tout cas, Max Jacob n’explique pas. Il constate: «Je ne fais jamais parler un de mes personnages sans qu’il se serve de la syntaxe et du vocabulaire correspondant au type que j’ai choisi. C’est un travail méticuleux mais qui donne de grandes jouissances, car on a là la certitude de créer ainsi des êtres vrais.» Traversé d’éclairs Ce jongleur de mots génial était aussi un homme traversé d’éclairs. Parmi les plus fulgurants, les plus douloureux aussi, l’éther, qu’il a abusivement consommé entre 1903 et 1909, l’homosexualité, amplifiée par la nature passionnée de son amitié avec Picasso – il avoue avoir été «sodomite sans joie mais avec ardeur», sans doute après la très forte déception amoureuse des premières années de sa vie parisienne, due à une obscure Cécile – et la conversion au christianisme après l’expérience, en 1909, d’une vision mystique. Picasso sera son parrain, lors de son baptême, six ans plus tard. Jusqu’en 1921, sa production littéraire compte son recueil de poèmes le plus célèbre, Le Cornet à dés, paru en 1917, mais aussi les nouvelles délirantes de Cinématoma et Le Laboratoire central, dont le titre fait allusion à l’effervescence créatrice du Bateau-Lavoir. 1921: il fuit la vie mondaine et s’installe à l’abbaye de Fleury de Saint-Benoît-sur-Loire jusqu’en 1927. Pendant ses passages éclairs dans la capitale, il se lie d’amitié avec les compositeurs du Groupe des six, dont fait partie Poulenc, qui met en musique Quatre poèmes de Max Jacob pour ténor, flûte, basson, clarinette, en 1921. Suivront, en 1932, Cinq poèmes de Max Jacob, chant et piano. Après avoir été fait chevalier de la Légion d’honneur en 1933, il retourne définitivement à Saint-Benoît-sur-Loire trois ans plus tard. 1942: il porte l’étoile jaune. 1944: déporté à Drancy, il y meurt le 6 mars, quelques semaines avant le débarquement. Avec son humour grinçant, il écrira, juste avant son emprisonnement: «Monsieur Hitler m’invita à venir dans son atelier, rue Caulaincourt. Mais je suis encore trop juif mon empereur! - Bah! Tu me diras ce que tu penses de ma peinture». Elle fut sanglante. Diala GEMAYEL
Il y a 60 ans, mourait en déportation au camp de Drancy Max Jacob, né en 1876, critique d’art, peintre de talent et l’un des grands inventeurs de formes poétiques de la modernité, rattrapé par l’horreur des temps, qu’il avait pressentie dans plus d’un poème prémonitoire.

À 18 ans, il quitte son Quimper natal et s’installe à Montmartre, au Bateau-Lavoir. En...