Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

« Une exécution pour préserver le prestige de l’armée », selon cheikh Hammoud Une petite centaine de fondamentalistes sunnites à l’enterrement de Badih Hamadé

Les funérailles de Badih Hamadé, alias Abou Obeida, et d’Ahmad Mansour ont eu lieu, samedi dernier, au Liban-Sud. Badih Hamadé, qui avait tué trois soldats de l’armée libanaise et qui appartenait à un groupement fondamentaliste (salafiste), a été enterré dans le nouveau cimetière islamique de Saïda. Les funérailles d’Ahmad Mansour, le tueur de l’Unesco, se sont déroulées à 13h30 dans son village natal de Loubié (caza de Zahrani). Dès le matin et jusqu’à l’enterrement de Badih Hamadé, vers 15h, Saïda a vécu au ralenti. C’est que la veille, des bâtons de dynamite avaient explosé au camp de Aïn el-Héloué, à proximité de l’École évangélique américaine, et à Saksakiyé, sur la route nationale entre Saïda et Zahrani. L’armée libanaise avait renforcé sa présence aux entrées du camp de Aïn el-Héloué, dressant un barrage à proximité de l’École évangélique et procédant minutieusement à la fouille des voitures et de leurs occupants. À Sirop, la zone qui abrite le nouveau cimetière islamique de la ville, non loin du camp palestinien de Miyé-Miyé, des centaines de soldats de l’armée montaient la garde, se préparant à contenir tout débordement... Mais ce n’est qu’une petite centaine de fondamentalistes qui a pris part aux funérailles d’Abou Obeida, prévues la veille à la mosquée des Martyrs, le lendemain matin à la mosquée al-Qods... mais qui ont finalement eu lieu à la petite mosquée du nouveau cimetière islamique, bien loin du centre-ville de Saïda, en présence des représentants de plusieurs courants fondamentalistes de la ville, dont notamment cheikh Maher Hammoud, imam de la mosquée al-Qods. Enveloppé du drapeau vert de l’islam, le corps d’Abou Obeida a été porté par de jeunes islamistes, qui ont lancé des slogans à l’hommage de leur camarade : « Il n’y a qu’un seul Dieu, le Dieu Tout-Puissant, et le martyr est le bien-aimé de Dieu ». Pour eux, comme pour la plupart des membres de sa famille, Badih Hamadé, qui avait tué en juillet 2002 trois soldats de l’armée libanaise avant de se réfugier durant quatre jours au camp de Aïn el-Héloué, est « un martyr victime de l’injustice ». Mon fils a été tué par les infidèles Zahra, la mère d’Abou Obeida, qui a tenu à respecter à la lettre le testament de son fils (qui ne voulait pas que sa famille porte le deuil) est habillée de blanc et indique à qui veut l’entendre que son fils a gagné le ciel car « il a été tué par les infidèles ». Elle maudit également ceux qui ont signé le décret de la peine de mort « et leurs enfants ». Assise au salon, une proche de la famille maudit, elle aussi, « Lahoud, Hariri et Tabbarah » et indique entre deux sanglots que « dans l’absolu, tous les Libanais sont contre la peine de mort mais qu’ils la soutiendront si jamais la sentence est appliquée aux trois présidents ». Elle sera vite invitée au silence par les personnes présentes. Om Ibrahim est également habillée de blanc. C’est la tante maternelle de Badih Hamadé. Le visage pâle, elle parle lentement sans verser de larmes, ponctuant ses phrases « d’Allah Akbar ». « On lui a interdit de porter la barbe en prison parce qu’on l’a accusé d’être fondamentaliste. Badih a tué les trois soldats pour se défendre. Il n’était pas armé. Il a utilisé leurs armes », dit-elle. « Il est victime de l’injustice. Depuis qu’il a su qu’il allait être exécuté, il a observé le jeûne. Il a refusé de se faire bander les yeux au moment de l’exécution », raconte-t-elle. Elle parle aussi des heures qu’il a fallu attendre pour voir une dernière fois Badih à la prison de Roumieh et de l’humiliation des fouilles dont sa sœur et elle-même avaient fait l’objet à plusieurs reprises. « Tout ça parce que Badih est un croyant et qu’il a tué des soldats pour se défendre », martèle-t-elle. À la sortie de la maison des Hamadé, une femme en voiture pleure toute seule. C’est la tante paternelle de Abou Obeida. Elle ne l’avait pas vu depuis douze ans. « C’était un gentil garçon... que Dieu pardonne à ceux qui l’ont entraîné sur ce chemin », dit-elle. Originaire de Qmatiyé dans le Chouf, Badih Hamadé est né de père chiite. Très vite, il avait décidé de se convertir au sunnisme, le rite de sa mère originaire de Saïda. Badih Hamadé a ensuite rejoint les rangs du mouvement intégriste salafiste, présent à Tripoli et à Saïda. Une justice politisée et discrétionnaire Samedi matin, au bureau de cheikh Maher Hammoud, on préparait les funérailles. Jeudi en soirée, quand le décret de l’exécution avait été signé, le dignitaire musulman avait mis en garde contre des émeutes à Saïda. Vendredi soir, il avait promis d’importantes funérailles soulignant au téléphone à L’Orient-Le Jour que « Saïda rendra hommage à Badih Hamadé »... Mais après l’exécution, les fondamentalistes de Saïda ont dû se résigner... Quelques heures avant les funérailles donc, cheikh Hammoud nous rassurait, relevant qu’il n’y « aura pas de débordements à Saïda. Les 48 heures passées étant suffisantes pour contrôler la situation ». Évoquant les explosions de la veille, il accuse « certains services qui veulent semer la zizanie ». Interrogé sur l’exécution de Badih Hamadé, il indique à L’Orient-Le Jour que « la Charia a prévu la peine capitale mais elle ne devrait pas être appliquée de manière inadéquate comme c’est le cas avec Abou Obeida, qui a tué pour se défendre et non par préméditation ». Et cheikh Hammoud d’affirmer que « les soldats qui voulaient arrêter Hamadé étaient habillés en civil, n’avaient pas de mandat d’arrêt et s’étaient rendus au domicile de la fiancée (toujours en prison) à 20h, ce qui est interdit par la loi ». Selon lui, cette affaire est une « erreur de la police judiciaire qui devait assumer ses erreurs et qui ne l’a pas fait. D’ailleurs, durant l’enquête, tous les juges avaient convenu que des preuves manquaient ». Qualifiant « d’injuste » l’exécution de Hamadé, il indique qu’elle relève d’un « complot tissé par le président Lahoud, le Premier ministre Hariri et le ministre de la Justice Bahige Tabbarah ». Et cheikh Hammoud d’ajouter que « si l’on a choisi d’exécuter Badih Hamadé c’est que certains pensent que c’est ainsi qu’on préservera le prestige de l’armée ». « Certes nous apprécions la position du président Lahoud qui soutient la résistance mais en signant le décret de l’exécution, il a gravement porté atteinte à la justice », poursuit-il. Cheikh Hammoud est d’ailleurs intarissable sur l’état de la justice au Liban. « Elle est caractérisée par un esprit de vengeance, politisée et discrétionnaire », dit-il. Rappelant que c’était grâce à son intercession qu’Abou Obeida avait été remis à la justice libanaise et, occultant dans ce cadre le rôle joué par le Fateh, cheikh Hammoud note encore que « l’État libanais aurait dû me rendre hommage, me remercier du moins ; j’aurais pu encore coopérer avec les autorités pour arrêter les tueurs des juges de Saïda ». Et de relever sans donner de plus amples informations qu’il saura « où les trouver ». Mais le gouvernement libanais demandera-t-il l’aide d’une personne qualifiée d’intégriste ? « Est-ce que je deviens intégriste si j’observe le jeûne, je prie cinq fois par jour, je tiens aux enseignements du Coran et je lutte contre l’injustice ? » s’interroge en conclusion cheikh Hammoud. Journée ordinaire à Aïn el-Héloué Contrairement à ce que l’on pensait, la situation au camp de Aïn el-Héloué était tranquille et calme tout au long de la journée de samedi. Dans le camp de réfugiés le plus peuplé du Liban et qui compte une kyrielle de groupuscules intégristes, le souk aux légumes était bondé. Les écoles et les dispensaires avaient ouvert leurs portes. Dans les quartiers al-Safsaf (là où Abou Obeida avait trouvé refuge après avoir assassiné les trois soldats en juillet 2002) et le quartier al-Tawarek, connus pour abriter les groupuscules intégristes du camp, notamment Isbat al-Ansar, la Jamaa islamiya et le Hamas, chacun vaquait normalement à ses occupations. Le responsable du Fateh au camp de Aïn el-Héloué, Maher Choubeita, a indiqué à L’Orient-Le Jour que « l’exécution d’Abou Obeida est une affaire interne libanaise ». Interrogé sur les banderoles rendant hommage au Fateh et au président de l’Autorité palestinienne, Yasser Arafat, accrochées dans les rues étroites des deux quartiers fondamentalistes du camp, il relève qu’à « l’issue du dernier accrochage en mai 2002 entre les mouvements intégristes du camp et le Fateh, les rapports de force ont changé ». « Le Fateh a prouvé encore une fois sa capacité sur le terrain et tous les habitants de Aïn el-Héloué ont compris que nous sommes les seuls garants de la cause palestinienne, que ce soit sur le plan militaire ou social », a-t-il dit. Samedi dernier à Saïda, rares étaient les intégristes palestiniens qui avaient pris part à l’enterrement d’Abou Obeida. Il y a presque deux ans, Abdallah Chreidi, jeune chef fondamentaliste palestinien, avait accueilli Abou Obeida menaçant de mettre Saïda et le camp de Aïn el-Héloué à feu et à sang si ce dernier était remis aux autorités libanaises. Chreidi est mort en juin 2002, peu après les derniers accrochages de Aïn el-Héloué. Tout comme Badih Hamadé, il avait été enterré discrètement au nouveau cimetière islamique de Saïda... Patricia KHODER

Les funérailles de Badih Hamadé, alias Abou Obeida, et d’Ahmad Mansour ont eu lieu, samedi dernier, au Liban-Sud. Badih Hamadé, qui avait tué trois soldats de l’armée libanaise et qui appartenait à un groupement fondamentaliste (salafiste), a été enterré dans le nouveau cimetière islamique de Saïda. Les funérailles d’Ahmad Mansour, le tueur de l’Unesco, se sont...