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Actualités - OPINION

Perspectives - Le parquet devrait entamer cette semaine l’instruction judiciaire réclamée par le député Émile Lahoud L’affaire des coupons pétroliers, un test pour le projet d’édification d’un État de droit

Il n’est jamais trop tard. La démarche du député du Metn-Nord, Émile Émile Lahoud, qui a réclamé l’ouverture d’une information judiciaire au sujet de l’affaire des coupons pétroliers – dont il aurait profité, selon un journal irakien – est certes, en soi, louable. Encore qu’elle aurait eu beaucoup plus d’impact si elle était intervenue « avant » l’éditorial de notre confrère Gebrane Tuéni et le communiqué de Kornet Chehwane à ce propos. En soulevant publiquement cette affaire, l’opposition n’a fait que refléter ouvertement ce que tout le monde chuchotait tout bas à la suite des indiscrétions rapportées par la presse étrangère. À l’ère de l’Internet et du courrier électronique, les informations portant sur ce genre de feuilletons politico-juridico-financiers peuvent difficilement être occultées. Il aurait été préférable, par conséquent, de prendre les devants en demandant, d’entrée de jeu, une action du parquet plutôt que de se cantonner dans un mutisme qui n’a eu pour effet, en définitive, que d’amplifier la rumeur publique. L’initiative du jeune parlementaire metniote et ses conséquences possibles pourraient dans le proche avenir défrayer la chronique locale, à l’instar peut-être du dernier communiqué de l’Assemblée des évêques maronites qui ont condamné sans ambages « la concurrence que certains dirigeants font à l’État pour accaparer ses rentrées ». Les réactions suscitées de part et d’autre par l’épisode (libanais) des coupons pétroliers ainsi que les scandales financiers successifs dénoncés par Bkerké et Kornet Chehwane illustrent le fait que certains de nos hauts responsables n’ont pas encore tranché, semble-t-il, une question élémentaire mais néanmoins fondamentale : désirent-ils réellement (comme ils le prétendent) engager le pays sur la voie de l’édification d’un État de droit ou cherchent-ils, au contraire, à faire de ce pays un simple marché qu’ils se disputent sans scrupules, comme des vautours s’acharnent sans pitié sur leur proie inanimée ? Si c’est le premier cas de figure que l’on souhaite véritablement retenir, il faudrait alors s’offusquer non pas lorsque la presse et l’opposition dénoncent des transactions douteuses mais, au contraire, lorsqu’elles ne le font pas. Il faudrait s’offusquer si la presse et l’opposition gardent le mutisme lorsque des membres du gouvernement s’abstiennent d’établir une barrière infranchissable entre leurs intérêts privés et l’intérêt public, comme ce fut notamment le cas avec la téléphonie mobile. Il faudrait aussi commencer à s’inquiéter si les atteintes aux libertés publiques sont passées sous silence et considérées comme de simples faits divers anodins. En l’absence d’un contre-pouvoir empêché de jouer pleinement son rôle, les débordements politiciens versent rapidement dans les pratiques totalitaires et sécuritaires. Les précédents de la MTV, des rafles du 7 août 2001 et du scrutin partiel du Metn-Nord (de triste mémoire) sont particulièrement significatifs des dérapages possibles si l’on opte pour le second cas de figure qui consiste à transformer le pays en un vaste marché commercial que les pôles du pouvoir s’arracheraient sans crier gare. Les dirigeants peu éclairés feignent parfois d’oublier que ces pratiques de type « république bananière » se retournent souvent contre eux lorsque le vent tourne et que les rapports de forces évoluent au gré de la conjoncture du moment. Dans le courant de cette semaine, le procureur général, Adnane Addoum, devrait entamer l’instruction judiciaire sur l’affaire des coupons pétroliers, sur base de la démarche entreprise par le député Émile Lahoud. L’on saura alors si le but recherché est de faire réellement toute la lumière sur la question ou si l’on s’oriente plutôt vers un nouveau cas de justice sélective perçue par le pouvoir comme un instrument permettant de se livrer à des règlements de comptes politiciens. L’enjeu n’est pas banal. Les cris d’alarme répétés de Bkerké contre la corruption rampante et la déliquescence généralisée devraient relancer le débat sur les choix à faire entre la transparence et la manipulation de la justice, entre l’État de droit et le mercantilisme politique. Entre un Liban édifié sur des fondements sains et durables et une république bananière de troisième catégorie livrée à des rapaces sans foi ni loi. Michel TOUMA
Il n’est jamais trop tard. La démarche du député du Metn-Nord, Émile Émile Lahoud, qui a réclamé l’ouverture d’une information judiciaire au sujet de l’affaire des coupons pétroliers – dont il aurait profité, selon un journal irakien – est certes, en soi, louable. Encore qu’elle aurait eu beaucoup plus d’impact si elle était intervenue « avant »...