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Actualités - CHRONOLOGIE

Crash de Cotonou - Le procureur fait état d’une confusion qui a semé le trouble au sein de l’enquête Addoum : Les autorités libanaises n’ont aucune responsabilité dans la tragédie

C’est décidément la saison des miracles au Palais de justice. Après le règlement en vue dans l’affaire de la banque al-Madina (que L’Orient-Le Jour avait d’ailleurs prévu il y a plus de dix jours), c’est brusquement la fin du suspense sur l’existence ou non de deux avions, l’un ne répondant pas aux normes de la sécurité aérienne et l’autre tout à fait conforme à ces mêmes normes, circulant avec le même numéro d’enregistrement. Mercredi soir, c’est le procureur général près la Cour de cassation, M. Adnane Addoum, qui avait lui-même évoqué cette hypothèse et c’est toujours lui qui s’est rétracté, hier, affirmant que les investigations ont montré qu’il n’y avait en fait qu’un seul avion, le Boeing 727, qui répondait aux normes de sécurité. En somme, les autorités libanaises ne seraient, selon lui, nullement responsables du crash et contrairement à ce qu’on avait dit, il n’y aurait eu ni négligence, ni combine. Une telle volte-face, en moins de 24 heures, est quand même étonnante... C’est donc dans un communiqué quasi officiel que le procureur Addoum a annoncé, hier, que, suite à l’enquête menée par le parquet, il est apparu que les autorités libanaises n’ont aucune part de responsabilité dans le crash de l’avion de Cotonou et qu’elles n’auraient commis aucune négligence dans l’accomplissement de leur tâche, tout comme elles auraient respecté de bout en bout les normes de la sécurité aérienne. Dans ce volet, l’enquête est donc sur le point d’être clôturée et elle ne montre, selon le procureur général, aucune faute de la part des autorités libanaises, l’avion loué par l’UTA ayant subi des inspections régulières et ayant obtenu une autorisation d’atterrissage sur cette base. De plus, le vol régulier de l’avion sur la ligne Conakry-Beyrouth intervenait entre deux pays (en l’occurrence la Guinée et le Liban) signataires de la convention de Varsovie. Un avion assuré pour 140 passagers Par conséquent, sauf disposition contraire prévue par les deux parties, les articles de cette convention s’appliquent en cas d’accident. L’avion est donc forcément assuré et contrairement à ce qu’a déclaré hier l’ancien président de l’Association des compagnies d’assurances, M. Joseph Zakhour, le contrat de l’assurance conclu auprès de la Llyod’s a été distribué hier. Il prévoit notamment que l’avion en question ne doit transporter à son bord que 140 passagers, alors que lors du crash, il y en avait plus de 160. Les personnes en surnombre ne sont donc pas couvertes par l’assurance. Mais comment les déterminer ? Ce n’est plus l’affaire de la justice libanaise. D’autres clauses sont aussi évoquées, mais au moins l’assurance existe. C’est du moins ce que l’on disait hier dans les coulisses du Palais de justice. Le tout est d’essayer maintenant d’empêcher la compagnie de trouver des lacunes pour éviter de payer les indemnités. C’est pourquoi l’enquête judiciaire se poursuit actuellement dans deux directions : identifier sans la moindre zone d’ombre les propriétaires de l’avion et ceux de l’UTA qui l’ont loué pour effectuer la liaison Conakry-Beyrouth. Car s’il est de plus en plus confirmé, toujours selon le procureur général, que la cause principale du crash est la surcharge de l’avion, il s’agit désormais de définir les responsabilités et pour cela, il faut identifier les personnes qui se cachent derrière les noms des sociétés. C’est pourquoi M. Addoum a demandé via Interpol à M. Imad Saba, propriétaire de la société Financial Advisor Group, installé à Charjah dans les Émirats arabes unis, de se présenter devant la justice libanaise. M. Saba, un Américain d’origine palestinienne, dirigerait la société propriétaire de l’avion qu’elle louait à l’UTA. Le rôle des Khazem, père et fils Cette dernière appartiendrait à un haut responsable guinéen, mais aussi à M. Ahmed Khazem, originaire du Liban-Sud et détenteur d’un passeport sierra léonais. Ce dernier a été déjà longuement entendu par la justice libanaise et des contradictions sont apparues dans ses propos. Ce qui a poussé le procureur à demander qu’on lui confisque son passeport. Harcelé par les enquêteurs, M. Khazem a fini par montrer le contrat d’assurance conclu par l’UTA au sujet de l’avion qui s’est écrasé. Mais il maintient avoir vendu ses parts au sein de la société à son fils Darwiche, qui se trouve actuellement à Londres, en principe pour se faire soigner des suites de ses blessures dans le crash de l’avion. Le père a toutefois précisé qu’il n’avait aucun moyen de contacter son fils à Londres, ce dernier se chargeant de l’appeler régulièrement. Le procureur lui a alors vivement recommandé de lui demander de se présenter devant la justice libanaise, lors de leur prochaine conversation téléphonique. Des sources judiciaires affirment qu’au cours de ses longs interrogatoires, Ahmed Khazem n’a jamais montré le document prouvant qu’il a cédé ses parts à son fils et on croit donc que, par ce moyen, il cherche à se dégager de toute responsabilité, alors que son fils est « à l’abri » à Londres. Le procureur, lui, s’est contenté d’insister sur la nécessité d’entendre M. Darwiche Khazem, qui se trouvait à bord de l’avion qui s’est écrasé, estimant que son témoignage pourrait être crucial. Mais il devient de plus en plus clair que ce sont les Khazem, et en tout cas l’UTA, qui seraient responsables du crash. D’abord, selon l’accord aérien entre le Liban et la Guinée, aucune escale à Cotonou n’était initialement prévue. Encore moins une escale en Libye pour s’approvisionner en fuel, qui serait là-bas moins cher qu’en Guinée. Or cet accord avait été conclu entre le Liban et la Guinée représentée par son ministre des Transports, Cellou Dalein Diallo (qui serait aussi l’un des propriétaires de l’UTA). Dans l’attente des éclaircissements venus de Conakry D’ailleurs, à quatre reprises déjà, le parquet libanais a envoyé des notes à Conakry pour demander des explications sur les détails de l’accord et sur le vol de l’avion. Mais jusqu’à présent, il n’a reçu aucune réponse. M. Addoum a toutefois déclaré hier, que suite à la confusion sur l’existence de deux avions portant le même numéro d’enregistrement, les autorités guinéennes ont pu ne pas bien comprendre les demandes libanaises. En fait, cette confusion, qui avait créé l’événement judiciaire mercredi, était due, selon M. Addoum, au changement dans le numéro de l’avion lorsqu’il a été transféré du Swaziland en Guinée. C’est ce qui aurait fait croire aux autorités libanaises qu’il y aurait eu deux avions, l’un conforme aux normes de sécurité et l’autre, celui qui s’est écrasé, non. C’est cette confusion qui a poussé la justice à douter de l’attitude des autorités libanaises, notamment la direction de l’aviation civile, soupçonnant l’existence d’une combine quelconque. Maintenant que, toujours selon le parquet, la lumière a été faite sur ce sujet, suite à un courrier direct avec la compagnie Boeing, qui a confirmé l’existence d’un seul avion sur la ligne Conakry-Beyrouth, les autorités libanaises ne peuvent plus être accusées de la moindre négligence, ni faute. Le procureur général tenait à insister sur ce point crucial pour les négociations futures sur les indemnités à payer aux proches des victimes. Le Liban officiel s’est ainsi dégagé de toute responsabilité dans le crash. Mais il doit encore convaincre la compagnie d’assurances qu’il n’a nullement failli à sa mission et obtenir gain de cause pour les proches des victimes. Quant aux Khazem, s’ils parviennent à tirer leur épingle du jeu, c’est que décidément il faut croire aux miracles.
C’est décidément la saison des miracles au Palais de justice. Après le règlement en vue dans l’affaire de la banque al-Madina (que L’Orient-Le Jour avait d’ailleurs prévu il y a plus de dix jours), c’est brusquement la fin du suspense sur l’existence ou non de deux avions, l’un ne répondant pas aux normes de la sécurité aérienne et l’autre tout à fait conforme...