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SINISTRE - Des habitations-dortoirs sans règles de sécurité et renfermant des matières inflammables Drame atroce à Nahr el-Mott : 14 ouvriers étrangers périssent dans un incendie (PHOTOS)

Résultat de la négligence humaine à l’égard d’une main-d’œuvre étrangère souvent traitée comme du bétail : quatorze ouvriers étrangers, égyptiens, bangladais et indiens, dont 4 femmes, ont péri, brûlés ou asphyxiés dans leur sommeil, à la suite d’un incendie d’origine encore indéterminée qui s’est déclenché dans leur « dortoir » à Nahr el-Mott, sur la route de Roumieh, dans la nuit de lundi à mardi. Un local dont il n’est pas aisé de sortir et qui renferme de surcroît quantité de matières inflammables. Seul un homme, de nationalité indienne, qui dormait dans la même pièce, est encore en vie, brûlé au troisième degré après avoir réussi à échapper aux flammes. Le second survivant, de nationalité syrienne, était au dernier étage au moment du déclenchement de l’incendie et a réussi à s’échapper en sautant par la fenêtre.

Mais peut-on appeler « dortoir » ce local situé au premier étage d’un immeuble de trois étages, dans lequel dormaient les ouvriers et ouvrières d’une usine de plastique, située plus haut dans la région, pendant que l’équipe de nuit assurait la permanence à l’usine ? En guise d’entrée, une lourde porte en fer à laquelle on accède par un étroit escalier en bois. En guise d’aération, des fenêtres à barreaux en fer forgé, et pour couronner le tout, d’importantes quantités de matières inflammables dans ce même dortoir, aux dires du voisinage, mais aussi au rez-de-chaussée, qui servait de dépôt à l’usine... Cependant, pas la moindre issue de secours, pas même la moindre issue facile d’accès, tout court !
Quatorze personnes sont mortes hier, prisonnières des flammes, à cause de l’absence des règles de sécurité les plus élémentaires. A-t-on déjà oublié le drame qui avait coûté la vie à de nombreux ouvriers étrangers il y a quelques années, alors qu’ils empruntaient un monte-charge, lors de la construction d’un immeuble de grand luxe à Achrafieh ?
Dans la région industrielle de Nahr el-Mott, l’immeuble de trois étages qui abrite d’un côté les dépôts et le « dortoir » appartenant à Ara Badrayan, et de l’autre, une usine de filtres de voitures appartenant à Joseph Khazzoum, a entièrement brûlé. Les deux entreprises abritaient des produits inflammables. Le plancher du premier étage, où dormaient les ouvriers, s’est en partie effondré. Certains voisins racontent qu’il était en bois. D’autres disent que c’est le sol en béton qui s’est effondré, suite à l’incendie. Seul le garage de Garabet Tutubekian, situé au rez-de-chaussée, à côté du dépôt, a échappé aux flammes. Mais il est désormais privé d’eau et d’électricité, et l’eau suinte de ses murs, provenant du premier étage d’où l’on pense que le feu a démarré.

Un manœuvre syrien sauvé par des voisins ouvriers
Le feu se serait déclenché vers 1 heure du matin, selon les estimations d’ouvriers de l’abattoir de poulets attenant, qui effectuaient leur permanence de nuit et qui ont entendu des voisins crier au feu. « Nous avons vu des flammes sortir du premier étage et embraser la porte d’entrée en fer ainsi que les escaliers en bois », note un ouvrier, ajoutant que les personnes prisonnières à l’intérieur ne pouvaient en aucun cas se sauver de ce côté. « D’ailleurs, remarque-t-il, nous pensons que les quatorze tués ont péri asphyxiés durant leur sommeil, avant d’être brûlés. La fumée était si dense ! »
Dans un mouvement de solidarité, les ouvriers se sont mobilisés pour venir en aide aux prisonniers des flammes. « Nous avons demandé à un chauffeur de taxi d’appeler la Défense civile et nous avons utilisé des tuyaux pour asperger d’eau l’immeuble en flammes, mais en vain ! Le feu prenait rapidement car l’endroit regorgeait de matières inflammables et de bonbonnes de gaz », explique un autre. « Nous avons cependant réussi à sauver un ouvrier de nationalité syrienne qui était prisonnier des flammes au dernier étage de l’immeuble. Nous avons placé des matelas par terre et il a réussi à sauter. Mais nous n’avons rien pu faire pour aider les ouvriers prisonniers du dortoir », déplore un troisième manœuvre. « Seul l’un d’entre eux a réussi à s’échapper, en sautant du côté du garage. Mais il est sévèrement brûlé. Et trois hôpitaux ont refusé de l’accueillir. D’ailleurs nous n’avons plus de ses nouvelles. »
Quand les équipes de la Défense civile sont arrivées, vers 1 heure trente du matin, il était déjà trop tard. Il a fallu près de 4 heures aux 150 pompiers pour éteindre le sinistre, avant de retirer des décombres les corps calcinés des victimes, qui ont été emmenés à l’hôpital gouvernemental de Baabda, selon le communiqué de la Défense civile.
Hier, dans l’après-midi, tout près des lieux du drame, les gens étaient encore hagards : ouvriers égyptiens assis tristement à même le trottoir, pleurant le sort de leurs infortunés compatriotes ; manœuvres indiens ou bangladais venus prendre des nouvelles de leurs proches, mais repartis bredouilles ; ouvriers libanais de l’usine de filtres, observant, impuissant, leur gagne-pain réduit en cendres.
Devant un tel drame, tristesse et colère ne sont pas de vains mots. Au Liban, que vaut la vie des travailleurs étrangers ?

Anne-Marie EL-HAGE
Résultat de la négligence humaine à l’égard d’une main-d’œuvre étrangère souvent traitée comme du bétail : quatorze ouvriers étrangers, égyptiens, bangladais et indiens, dont 4 femmes, ont péri, brûlés ou asphyxiés dans leur sommeil, à la suite d’un incendie d’origine encore indéterminée qui s’est déclenché dans leur « dortoir » à Nahr el-Mott, sur la...