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Fait rarissime : le huis clos sera total, place de l’Étoile Les députés se transformeront aujourd’hui en hommes de loi

Le fait est rarissime. La séance parlementaire d’aujourd’hui verra finalement les députés se réunir en huis clos – excluant les journalistes et même les fonctionnaires, fussent-ils de première catégorie, de l’hémicycle –, pour débattre entre eux et déterminer, pour la première fois dans l’histoire du Liban, si oui ou non Fouad Siniora et Chahé Barsoumian ont été responsables d’un abus de pouvoir, qui a entraîné une dilapidation de fonds publics. En gros : les parlementaires seront amenés à voter aujourd’hui en faveur de la formation d’une commission d’enquête ad hoc, qui bénéficiera des mêmes prérogatives que celles dont jouit un juge d’instruction.
Première question : pourquoi un huis clos ? pourquoi tant de secrets, de cachotteries, de flou ? La réponse est simple : ces deux affaires, en particulier celle de l’ancien ministre du Pétrole, risquent de se transformer en véritable déballage avec, à la clé, des révélations tonitruantes mettant en cause de très hautes personnalités politiques. Précautions inutiles à plus d’un titre : le contribuable est en droit de (tout) savoir ; au Liban, tout finit par se savoir... même les noms des personnes incriminées.
Deuxième question : le ministre des Finances, Fouad Siniora, véritable alter ego du Premier ministre, se verra-t-il mis au banc des accusés pour avoir signé en 1997, avec l’Italie, un accord engageant la responsabilité de l’État pour le règlement d’une dette contractée par la Fédération des municipalités du Metn, afin de financer la construction d’une usine de compostage qui n’a jamais vu le jour ? La réponse est pratiquement connue : c’est « non ». La quasi-majorité des députés semble désormais convaincue de l’innocence du grand argentier.
Troisième question : pourquoi Chahé Barsoumian risque fort d’être mis en accusation par les députés ? Réponse : parce que ces derniers estiment, dans leur grande majorité, que les charges retenues contre l’ancien ministre sont dignes d’être prises en considération. Soupçonné de dilapidation de fonds publics à cause de la vente de pétrole sous le label de résidus pétroliers, Chahé Barsoumian aura probablement contre lui les députés du bloc Joumblatt (qui se sont réunis hier à 17 heures), ainsi que leurs collègues haririens et berryistes. Quant aux hezbollahis – quatrième et dernier gros groupe parlementaire –, ils auraient décidé, selon les uns, de ne pas prendre part à ce jeu qu’ils estiment ne servir que les intérêts de quelques gros poissons politiques. Ou alors, mus par leur célérité à défendre les deniers des contribuables, à voter pour la formation d’une commission d’enquête qui se chargera de faire le point sur ce scandale fortement mazouté.
Question corollaire : si cette commission voit le jour, cela impliquerait-il de facto une condamnation de l’ancien ministre ? Non, puisque de très nombreux députés souhaitent attendre les résultats de l’enquête avant de se prononcer, de juger, d’accuser. Sans compter qu’il serait totalement surréel d’« innocenter » Chahé Barsoumian tout en laissant sur le banc des accusés son ancien associé, Nagi Azar, ou l’ancien directeur général du ministère du Pétrole, Nicolas Nasr.
Quatrième question : pourquoi Chahé Barsoumian risque d’échapper à cette commission d’enquête ? Deux raisons. Parce que des pressions extérieures monumentales risquent de s’exercer sur les députés afin de les « convaincre » de s’abstenir de tout débordement civique qui éclabousserait facilement d’autres personnes, très bien protégées celles-là. Parce que la procédure est tellement compliquée, complexe, qu’elle capoterait très rapidement sur des objections ou des exceptions d’ordre constitutionnel, à cause des failles de la loi fondamentale, sur lesquelles se précipiterait le premier avocat (ou député) venu.
Cinquième question : est-il vraiment normal de demander à des députés de se transformer en procureurs, en avocats, en juges ? Est-il vraiment normal d’avoir amendé la Constitution d’une façon telle que l’on peut désormais parler de voleurs de première et de troisième catégorie... Bon nombre d’hommes politiques estimant à ce sujet qu’une Haute Cour ne devrait être amenée à juger que les hautes – très hautes – trahisons de présidents et de ministres, et que Chahé Barsoumian, s’il est coupable, devrait être jugé par une cour ordinaire. « Il semble bien plus facile d’amender une Constitution que de juger un président ou un ministre. C’est un comble », a dit un jour le député de Baabda, Salah Honein...
Sixième – et dernière – question : les députés veulent-ils ou peuvent-ils être aujourd’hui les garants de l’argent public et défendre donc les intérêts des citoyens ? Réponse aujourd’hui. Ou demain.

Ziyad MAKHOUL
Le fait est rarissime. La séance parlementaire d’aujourd’hui verra finalement les députés se réunir en huis clos – excluant les journalistes et même les fonctionnaires, fussent-ils de première catégorie, de l’hémicycle –, pour débattre entre eux et déterminer, pour la première fois dans l’histoire du Liban, si oui ou non Fouad Siniora et Chahé Barsoumian ont...