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Le marché du géant africain exploré par le Lebanese Economic Forum L’Afrique du Sud, un monde en un seul pays, parcouru au pas de course(PHOTOS)

AFRIQUE DU SUD - de May MAKAREM

Ils ont fait d’une pierre deux coups: explorer le marché de la République d’Afrique du Sud, premier pays du continent sur le plan économique, et faire du tourisme. En train bleu, en bus ou à bord d’un Cessna loué pour l’occasion, Wagih et Rolla Bizri, Zafer et Tonia Chaoui, Ahmed et Ighar Kabbara, Raïf et Nada Kassem, Jacques et Nicole Sarraf, et L’Orient-Le Jour, invité à participer à ce voyage, ont suivi la trace des explorateurs, chasseurs et missionnaires qui ont traversé les plaines centrales au milieu du XIXe siècle. Ils ont visité Johannesburg, Pretoria, Sun City, Le Cap, Durban et Mpumalanga. Le tout en dix jours.
Pays béni des dieux, l’Afrique du Sud, 1222000 km2, fait jaillir de ses entrailles or, diamant, charbon, amiante, chrome, cuivre, argent, platine et uranium et laisse éclater la palette d’un riche royaume végétal où alternent de gras pâturages pour l’élevage extensif des bovins, des exploitations d’agrumes, des vignobles, des champs de canne à sucre, de blé, de maïs, de la pomme de terre, de tournesol, de coton, de tabac. Aux savanes s’étendant à perte de vue, se succèdent des fôrets de pins, de sapins, de hêtres, d’eucalyptus et de « blue gumm », qui dessinent un patchwork dans les vallées fertiles. Des lacs, des montagnes spectaculaires et des panoramas inoubliables. Des villes et des villages exhalant un parfum suranné ponctuent un splendide paysage pastoral. Serti par les océans Atlantique et Indien, le pays offre également une variété de falaises déchiquetées et de plages sablonneuses où viennent exploser les rouleaux.
Costumés, cravatés, animés d’une volonté résolue, les hommes d’affaires du Lebanese Economic Forum sont allés tout d’abord à la conquête du marché. Les réunions organisées dans les différentes villes par les chambres de commerce et d’industrie et le département Moyen-Orient et Afrique du ministère des Affaires étrangères ont permis aux forces actives des deux pays de discuter opportunités économiques et possibilités commerciales. Menant une campagne médiatique sur la situation géostratégique du Liban, qui donne accès à un marché arabe de 150 millions d’habitants, la délégation libanaise, présidée par Wagih Bizri, a tenté de séduire les investisseurs par le taux d’imposition modéré de 15%, la libéralisation des échanges et des prix, le système du secret bancaire et le régime fiscal. À Pretoria, la rencontre avec M. Aziz Pahad, vice-ministre sud-africain des Affaires étrangères, a été consacrée aux moyens susceptibles de faciliter les échanges entre les deux pays, notamment une ligne aérienne directe entre Beyrouth et Johannesburg, la création d’une banque libano-sud-africaine et la délivrance des visas.
À Johannesburg (Jo’burg), une séance de travail suivie d’un grand déjeuner a eu lieu dans les locaux de Spescom, grande sociétés de communications technologiques, cotée en Bourse et appartenant à Tony Farah. La réunion, qui a regroupé plus de 60 industriels et hommes d’affaires, s’est déroulée en présence de MM. Jean Geahchan et Wissam Ibrahim, respectivement ambassadeur et consul du Liban; M. Isaac Mogotsi, directeur du département Moyen-Orient et Afrique du ministère des Affaires étrangères, et M. Sihle Shange, directeur du DTI (Department of Trade & Industry). Donnant un aperçu sur la situation socio-économique de l’Afrique du Sud, le spécialiste Azar Yammine devait dire, en substance, que le pays comprenant 44 millions d’habitants a bien du mal à lutter contre le chômage qui atteint officiellement 20%, un taux contesté par la Cosatu (union des syndicats), qui l’estime à près de 35%. Le gouvernement, qui est confronté au problème du sida (plus de 4,7 millions de personnes), a également beaucoup de peine à effacer l’image d’une Afrique du Sud dangereuse et violente. Malgré la légère amélioration des dernières statistiques, elle possède toujours l’un des taux de criminalité les plus hauts du monde et détient le triste record du grand nombre de viols. Les sociétés privées de sécurité prospèrent dans les quartiers riches, pendant que la police nationale compte ses morts dans les quartiers difficiles. Mais le géant africain n’en est pas moins la 26e puissance économique du monde. Avec un déficit budgétaire de moins de 3%, une inflation contenue autour de 4,5%, un endettement très faible et une infrastructure très développée, il peut se targuer d’être le pays africain le mieux géré. Il détient 25% du produit national brut du continent noir et y possède le plus vaste réseau informatique: 21000 km de câbles dont 9000 électrifiés.

Tambours battants
Pendant ce temps, dans chaque ville étape, un programme était établi pour les dames: visite des musées, des villages culturels, des sites touristiques et pour s’imprégner de l’art africain, beaucoup de shopping. À tel point que le jour du départ, le groupe offrait une image détonante: des girafes (grandeur nature) pointaient leur nez dans un monticule de valises, de caisses, de sacs et de... tambours. Car Ahmed Kabbara concocte pour ses amis de Faqra (que Dieu les préserve...) une soirée rythmée par les tam-tams. Totalement déjanté, dissipé et moody ce monsieur. Durant dix jours, chahuts, railleries et flèches acérées ont alterné avec les bouderies... juste de quoi nous laisser le temps de dire ouf! Mais rien n’a pu déboulonner sa cible préférée, Raïf Kassem, qui, scotché au téléphone, à son appareil photo ou à sa ration de viande sèche (c’est un vrai délice en Afrique du Sud), ne ratait jamais une réplique. Dès qu’il diagnostiquait une baisse du tempo, Jacques Sarraf, à qui on donnerait le bon Dieu sans confession, rajoutait de l’huile sur le feu. Les saillies partaient de plus belle. Zafer Chaoui calculait mentalement la chance de survie des deux lurons. Wagih Bizri restait zen. Les dames, ignorant superbement ce jeu d’experts en plaisanteries cocasses, affichaient un optimisme imperturbable. Il y avait de quoi : hôtels de luxe, restaurants de grande qualité, infrastructure routière excellente, paysages de carte postale. Même les plus chochottes étaient comblées.
Première étape, Jo’burg, la capitale économique du pays. Avec son Central Business District ceinturé de banlieux résidentielles, la cité de l’or s’est développée à l’américaine. Pas par hasard. Les architectes de l’apartheid n’avaient malheureusement à l’époque qu’une seule préoccupation: interdire la ville à toute autre race que la blanche. Les Noirs, main-d’œuvre bon marché, n’y étaient tolérés que durant la journée. Le soir, ils regagnaient les «townships» surpeuplés de la grande banlieue. Pour mieux les surveiller et réprimer d’éventuelles révoltes, un no man’s land désertique de plusieurs kilomètres avait été créé, isolant les ghettos. Face à ce glacis, un somptueux rempart de verdure de quatre millions d’arbres, dit-on, protégeait la «cité des Blancs». Aujourd’hui, les plus aisés se sont déplacés vers le nord de la ville, sur les collines environnantes. Ils se sont réfugiés dans des «closters», des îlots d’habitations, construites souvent dans une imitation de style Tudor, entourés de hauts murs et de clôtures électifiées, gardés 24 heures sur 24 par des hommes armés. Il suffit de voir le contraste saisissant qu’offrent les immenses bidonvilles de Soweto et d’Alexandra pour comprendre que l’insécurité ici n’est pas un problème racial, mais économique, et que les Noirs qui possèdent quelques biens en deviennent aussi la cible.
Au pas de course, on traverse Pretoria décorée de milliers de jacarandas. La capitale administrative de l’Afrique du Sud rappelle la banlieue nord de Jo’burg dont elle n’est distante que de 60 km. Elle abrite des ambassades, des administrations militaires et civiles, des institutions d’enseignement et l’Union Buildings, impressionnant édifice de grès rose où siège le gouvernement. Dans le centre, Church Square conserve d’importants édifices historiques, notamment l’ancien siège du gouvernement, le Old Capital Theatre, la First National Bank, le Palais de justice et la statue du président Paul Kruger. Au sud de la ville, dominant l’horizon, le monument aux Voortrekkers, ceint d’un mur de pierre sculpté de 64 chars à bœufs disposés en cercle défensif, est remarquable par son architecture. Il a été érigé dans les années 30 à la gloire des Boers qui passèrent la chaîne côtière du Cap pour plonger au cœur du «veld » africain.
Changement de décor à Sun City, The Lost City. Déclinant toute sorte de loisirs, la cité perdue posée dans la steppe semi-désertique est desservie par plusieurs hôtels dont The Palace, un spectaculaire monument kitsch qui domine le paysage. On y trouve des casinos, des machines à sous, des restaurants, des bars, des discothèques et des boutiques. Sur le modèle des attractions Disney, la ville comprend un grand lac artificiel (Waterworld) ourlé de sable blanc, aménagé pour les férus de ski nautique et de planche à voile; une rivière bordée de toboggans aquatiques; une gigantesque piscine où la hauteur des vagues atteint 1,8 mètre; une jungle de 1600000 arbres et plantes rapportés des différents coins du monde entier; des jardins botaniques; des terrains de golf déssinés par le célèbre champion Gary Player et une ferme qui héberge quelque 7000 crocodiles. Des tours en ballon dirigeable permettent de survoler le parc national de Pilanesberg, qui s’étend sur plus de 500 km2 au nord de la ville... Sun City vaut incontestablement le détour.

Le Cap et le Train bleu
Mais pour vivre l’Afrique, il faut s’envoler pour Le Cap. Calée à la pointe sud du pays, enchâssée entre deux océans, Le Cap est cette sorte de terre dont on se dit qu’on y poserait bien ses bagages pour le restant de sa vie. Sa majestueuse Table Mountain drapée de brume offre un spectacle surprenant. Ses ports de pêche aux flottes de chalutiers multicolores sont magnifiques. Son étendue, qui fait d’elle la plus grande province d’Afrique du Sud, suffit à expliquer la diversité de ses paysages. Un littoral tantôt rocheux, tantôt sablonneux, des montagnes élevées et des cours d’eau rapides, des réserves naturelles dont celle du Cap de Bonne Espérance saupoudrée de «fynbos» blancs et de colzas aux boutons d’or, des parcs animaliers, de grandes fôrets et un fantastique royaume viticole qui produit même le fameux Weiser Riesling Noble Late Harvest. Au goût de paradis.
Alanguie aux pieds de la Table Mountain, la ville offre un mélange éclectique de styles architecturaux où le high-tech voisine avec les constructions anciennes hollandaises, édouardiennes, victoriennes et art-déco. Le caractère cosmopolite de la cité est accentué par le quartier musulman aux rues escarpées et dont les mosquées et les maisons aux toits plats sont peintes de toutes les couleurs. Près des docks, qui rappellent l’activité portuaire du XIXe siècle, le front de mer (Victoria et Albert Waterfront) déploie boutiques, musées, théâtres, hôtels et restaurants où l’on sert de la viande de crocodile, de requin, de «koudou», d’antilope et d’autruche.

Le royaume des « big five» :
Kruger
Perpétuant une tradition remontant à 1901, certains touristes ne viennent en Afrique du Sud que pour voyager dans le fameux Train bleu, un luxueux parcours ferroviaire qui assure en 25 heures la liaison entre Le Cap et Pretoria. Nous l’avons donc pris. Le nez collé à la vitre, nous avons vu défiler de vastes territoires quasiment inoccupés, quadrillés çà et là de plaines herbeuses, de champs et de fermes, de montagnes isolées et de mamelons rocheux. Ennuyeux comme la pluie.
À bord d’un Cessna loué par la délégation, on s’est ensuite envolé pour la province du Natal. Plus précisément à Durban, le port le plus actif d’Afrique et le neuvième au monde. La ville, qui abrite la plus forte population d’origine indienne du pays, est un mélange envoûtant d’Orient, d’Occident et d’Afrique. À un jet de pierre du centre des affaires, on découvre un monde fait de cathédrales, de mosquées, de temples et de bazars, où règnent les odeurs d’encens et d’épices. Surnommée le paradis des vacanciers, sa plage s’étendant sur six kilomètres est ponctuée de longues jetées qui avancent dans les vagues et permettent de découvrir une belle vue sur la ville. Plusieurs millions de rands ont été récemment investis pour son toilettage. Des rues ont été converties en allées piétonnières, ornées de palmiers et bordées de boutiques et de cafés.
Embarquement ensuite pour la riche province de Mpumalanga. Traduire: lieu du soleil levant. La région, axée sur la sidérurgie, la métallurgie, la cimenterie, les industries alimentaires, mécaniques, pétrochimiques, textiles, produit également 80% de l’énergie hydraulique de l’Afrique du Sud... et attire 1,6 million de touristes par an. De renommée internationale, le parc Kruger, qui s’étend sur deux millions d’hectares (20000 km2!), est le plus ancien du continent. L’Administration affirme qu’il abrite la faune la plus variée de toutes les réserves d’Afrique, dont les Big Five (cinq grands): l’éléphant, le lion, le léopard, le buffle et le rhinocéros. En véhicules tout-terrain, accompagnés de rangers, le groupe a assisté à une scène «plutôt rarissime»: le festin des lions. Dans un silence profond, absolu, de mort, cinq magnifiques félins, à pelage fauve et à crinière brune et fournie, déchiquetaient à belles dents un buffle. On n’entendait que le crac répétitif des os brisés. Et la puanteur de la carcasse mise en pièces remplissait l’atmosphère. La réserve habitée par des milliers d’espèces d’oiseaux et de mammifères semblait soudainement dépeuplée. Le frisson est garanti.
Roulant plus loin, beaucoup plus loin, on a pu photographier la gueule large et carrée du rhinocéros. Puis des espèces bovines, camouflant une nature imprévisible: des buffles. Vivants. Nous avons suivi une population de girafes parcourant majestueusement la brousse; nous avons vu de très nombreux antilopes et aperçu, de loin, des hippopotames paressant dans une rivière. Cependant, aucune créature n’est aussi imposante et royale que l’éléphant. La visite express de la réserve n’a pas permis de rencontrer tous les prédateurs, notamment le léopard qui n’était pas au rendez-vous. Mais la promenade dans le «bush» constitue sans doute l’un des grands moments de ce voyage.
Quittant le parc Kruger, nous avons sillonné la province traversant des champs de tabac, de thé, de canne à sucre, des vergers et des fermes maraîchères avant d’emprunter des routes panoramiques et admirer les splendeurs géologiques. Les falaises à pic, les montagnes, dont la chaîne de Drakensburg, les vallées, les rivières et les cascades plantent le décor de nombreuses agglomérations datant de la ruée vers l’or. Le temps semble suspendu à Pilgrim’s et Graskop, encore imprégnées de l’histoire des pionniers, des chercheurs de fortune et des chasseurs. Au nord-ouest de Graskop, la Fenêtre de Dieu (God’s Window) offre une vision sur l’éternité. La vue s’étend sur des kilomètres d’épaisses forêts, sur le fertile et brillant «lowveld» jusqu’au canyon de la rivière Blyde, qui compte parmi les merveilles de l’Afrique. Dans cette gorge profonde, les Bourke’s Luck Potholes (les marmites de Bourke’s Luck) déclinent en de fascinantes cavités cylindriques des formations géantes étrangement sculptées par l’érosion.
L’Afrique du Sud, un monde aux paysages divers. C’est aussi le monde en un seul pays: Noirs, européens, Asiatiques, Arabes et Australiens constituent une riche mosaïque culturelle. De cette diversité d’origines, surgit la dynamique que connaît ce pays.

Les joyaux de Cullinan

C’est dans les environs de Pretoria, à Cullinan, que les explorateurs ont trouvé les pierres les plus fabuleuses du monde. Découvert en 1905, le Cullinan (3106 carats, 600 grammes de diamant brut) est le plus gros diamant brut jamais mis au jour. Neuf fragments polis, neuf pierres majeures et 96 petits brillants en furent extraits. Les deux plus belles pierres furent données au roi d’Angleterre Edward VII : La Great Star of Africa (530,2 carats) est sertie dans le sceptre impérial, et la Lesser Star of Africa (317,4 carats) est sur la couronne elle-même. En 1986, la compagnie De Beers dévoile le Centenary (273,85 carats), le plus gros diamant taillé selon les techniques modernes: la pierre possède 247 facettes. Elle est estimée à plus de 100 millions de dollars.

Plus vieux que Lucy

Avec l’Éthiopie, le Kenya et la Tanzanie, l’Afrique du Sud est l’un des berceaux possibles de l’humanité. En 1924, l’enfant de «Taung», premier australopithèque «africanus» connu sur la planète, est découvert dans le nord de la province du Cap. Plus tard, à Sterkfontein, dans le Transvaal, les dents trouvées dans la collection d’un jeune écolier établissent la présence d’australopithèques «robustus» sur le sol sud-africain. En 1947, les fouilles entreprises près de Johannesburg ont mis au jour «le premier squelette entier et intact d’un australopithèque». Cet homme-singe avec, chose rare, les dents encore chaussées, vieux de 3,5 millions d’années, est plus vieux que Lucy.
AFRIQUE DU SUD - de May MAKAREMIls ont fait d’une pierre deux coups: explorer le marché de la République d’Afrique du Sud, premier pays du continent sur le plan économique, et faire du tourisme. En train bleu, en bus ou à bord d’un Cessna loué pour l’occasion, Wagih et Rolla Bizri, Zafer et Tonia Chaoui, Ahmed et Ighar Kabbara, Raïf et Nada Kassem, Jacques et Nicole...