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Tête-à-tête hier matin à Baabda entre les deux pôles de l’Exécutif, pour la première fois depuis des mois Lahoud-Hariri : plus qu’une trêve, une pragmatique coopération à deux ?(PHOTO)

Quand on veut (ou quand les tuteurs ou la gravité des situations locale, régionale et internationale l’imposent, presque de facto), on peut.
Le chef de l’État et le Premier ministre avaient depuis une dizaine de jours multiplié les signes de bonne volonté, mus donc par les directives et les objurgations de Damas qui les a forcés à un maximum de solidarité interne, mais sans doute, aussi, par un éveil de conscience, momentané soit-il ou amené à durer... Au cours du dernier Conseil des ministres, Émile Lahoud avait martelé à plusieurs reprises une phrase mémorable – « le Premier ministre a raison »–, et discuté sereinement, moult fois, avec son ennemi intime. Rafic Hariri, pour sa part, avait publié, par le biais de son bureau de presse, un communiqué assurant que « désormais, seul le chef du gouvernement fera part, lui-même et en son propre nom, de l’ensemble de ses positions ». Une décision visant à couper l’herbe sous le pied à tous les pseudoexégèses de la pensée haririenne, prompts, volontairement ou pas, à rajouter de l’huile sur le feu des relations – houleuses – entre les deux pôles de l’Exécutif. Tout cela sans compter les lieutenants des deux hommes, qui font preuve depuis le début de la dernière trêve en date d’une surprenante et bénéfique retenue.
Conséquence naturelle : le tête-à-tête d’hier entre Émile Lahoud et Rafic Hariri. C’était au palais de Baabda, à 11 heures, pour la première fois depuis de nombreux mois. En n’oubliant pas la participation du Premier ministre, la semaine dernière, au dîner offert au palais présidentiel par le chef de l’État en l’honneur de son homologue brésilien. Un geste considéré par plus d’un observateur comme étant un signal fort annonçant une rencontre à deux, qui n’a effectivement pas tardé à se faire.
Ainsi, en une heure, les deux hommes ont officiellement évoqué la situation générale du pays, les dossiers de l’heure, ainsi que les rebondissements régionaux et internationaux. « Cette rencontre est destinée à consolider le climat positif du pays », a indiqué Rafic Hariri à l’issue du tête-à-tête présidentiel. Des mots qui sonnent donc comme une (énième, certes...) promesse d’espoir, destiné cette fois à durer plus que d’habitude. À condition, bien évidemment, que l’échéance présidentielle ne soit plus abordée, disséquée, commentée, par le camp du Premier ministre ; à condition, également, que le camp de Baabda évite un tant soit peu les critiques tonitruantes à l’encontre de la politique (notamment économique) du chef du gouvernement et de son équipe. Et les sujets qui fâchent ? À ce sujet, le très berryiste ministre de l’Agriculture, Ali Hassan Khalil, a dit tout haut ce week-end ce que le chef du Parlement lui-même – éternel médiateur entre Émile Lahoud et Rafic Hariri, même si les relations entre Baabda et Aïn el-Tineh sont loin d’être mielleuses, aujourd’hui...–, doit répéter en privé : « Il n’est pas nécessaire que tous les sujets soient débattus au cours (de la dernière séance avant les fêtes de Noël). L’important est que l’ambiance et les esprits restent positifs pour que le dialogue et les échanges à tous les niveaux soient sérieux et responsables », a-t-il souligné.
Pour sa part, une source ministérielle plutôt proche de Koraytem a indiqué à L’Orient-Le Jour que « les deux présidents ont dépassé le stade de la trêve. On peut désormais parler de coopération à deux ». Une coopération qui a toutes les chances de durer « au moins jusqu’à fin janvier ». Jusqu’à la veille du débat budgétaire, à l’issue duquel un nouveau gouvernement – avec ou sans Rafic Hariri – pourrait ou non voir le jour, si l’on en croit telle ou telle source. Un changement que compromet tout de même la situation régionale plus que cahotique, sans compter la dégradation – du moins apparente – des relations américano-syriennes qui vont crescendo : le président US, George W. Bush, a signé hier le Syria Accountability Act.
Cette volonté commune des deux pôles de l’Exécutif de mettre de côté, peut-être même jusqu’à octobre prochain, leurs inimitiés et leurs problèmes d’ego, a été confortée par l’annulation du Conseil des ministres cette semaine. Parce que le Premier ministre (qui ne se rendra pas à Barcelone demain : il assistera à la séance parlementaire consacrée à la mise en accusation du ministre des Finances – voir par ailleurs) sera reçu jeudi à l’Élysée par le président français, Jacques Chirac.
Sauf que ce nouveau rendez-vous manqué des Trente entre eux peut également être interprété comme une fuite, comme le résultat d’un conflit qui perdure, ou d’une trêve trop fragile encore. Pourquoi ne pas tenir le Conseil des ministres mercredi ? « Parce que rien n’est prêt encore, et il vaut mieux que cela se fasse le lundi 22 décembre », explique la source ministérielle précitée. Cela n’a pas empêché un député hezbollahi, Hussein Hajj Hassan – réputé proche de Baabda –, d’estimer que deux Conseils des ministres évités en deux semaines, « c’est un résultat, et non pas une cause ». Il précise : « C’est le résultat des tensions politiques, de la façon de faire des institutions, de toutes les difficultés qu’on a pu voir ces derniers temps. »
Une vision partagée par une grande partie des Libanais, soulagés certes par le pragmatisme de nouveau affiché et mis en pratique par les deux pôles de l’Exécutif. Des Libanais qui continueront – c’est plus fort qu’eux – à croire aux miracles de Noël.
Ziyad MAKHOUL
Quand on veut (ou quand les tuteurs ou la gravité des situations locale, régionale et internationale l’imposent, presque de facto), on peut.Le chef de l’État et le Premier ministre avaient depuis une dizaine de jours multiplié les signes de bonne volonté, mus donc par les directives et les objurgations de Damas qui les a forcés à un maximum de solidarité interne, mais sans...