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Pivot du système : la dictée supérieure



Dimanche 23 avril 1617, porte du Louvre. Concini le flamboyant époux de la Galigaï, âme damnée de la régente Marie de Médicis, n’en croit pas ses oreilles. On veut l’arrêter, à lui, le tout-puissant ! « À mé ? » demande-t-il, interloqué, au baron de Vitry. Venu s’en saisir par ordre, et coup d’État, de Louis XIII, l’adolescent acnéique. Vitry et les autres conjurés font semblant d’entendre un appel au secours : « À mé ! » Et avant que les gardes ne bougent, ils déchargent leurs pistolets sur le maréchal d’Ancre. Puis lardent son pourpoint bordé d’or, damasquiné (mais oui !), de leurs dagues. D’une fenêtre, Louis XIII leur lance : « Grand merci, grand merci à vous ! À cette heure, je suis roi ! »
Sauf l’immense respect que l’on doit au Littré, au Larousse, au Robert et autres Thomas, aucune définition plaquée noir sur blanc ne peut rendre parfaitement le sens vivant d’un mot, ou d’une expression. Que seraient Shakespeare et Racine s’ils n’étaient déclamés. Plus près de nous, que serait Aragon s’il n’était chanté. Entre mille autres, l’anecdote historique précitée illustre l’importance, la primauté souvent, de l’intonation. De l’oral sur l’écrit.
Et pour ce qui est de nous, pauvres de nous, de la prédominance du verbe dicté sur les textes écrits. Autant sur Taëf que sur la Constitution qui en est issue et, a fortiori, sur les lois ordinaires.
Ces pressants conseils des décideurs sont d’autant mieux entendus que Taëf les rend indispensables. Car ce pacte est diablement mal fagoté. On s’étonne, du reste, que les Libanais aient la mémoire aussi courte. À l’origine, ils soulignaient à l’unisson que les accords ne présentaient qu’un unique avantage : faire taire le canon, arrêter les combats. Qu’il faudrait ensuite les retravailler sérieusement pour produire une vraie République. Comme il n’en a rien été, elle n’a en rien été. Cette évaporée n’a même pas, comme la fille du film, dansé un seul été.
Or, aujourd’hui, tout le monde, ou presque, soutient que Taëf est bon, mais que c’est son application qui est mauvaise. Ainsi, les opposants eux-mêmes exigent une concrétisation de toutes les clauses du document. En oubliant les lourdes tares qu’on peut lui trouver, à tout coin de rue.
Et le problème, c’est que justement la rue n’y comprend goutte, à ce micmac qui lui paraît tout de pure rhétorique. Sans se rendre compte que tous ses déboires, son appauvrissement, son angoisse, voire ses souffrances, viennent directement de la fantomisation de l’État libanais. Auquel seul, en pratique et dans tout domaine, donne corps un médium omnipotent. Qui prend la voix de nos ventriloques ventripotents.
Jean ISSA
Dimanche 23 avril 1617, porte du Louvre. Concini le flamboyant époux de la Galigaï, âme damnée de la régente Marie de Médicis, n’en croit pas ses oreilles. On veut l’arrêter, à lui, le tout-puissant ! « À mé ? » demande-t-il, interloqué, au baron de Vitry. Venu s’en saisir par ordre, et coup d’État, de Louis XIII, l’adolescent acnéique. Vitry et les autres...